Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a publié un rapport très préoccupant ce 10 avril 2025, concernant la situation sécuritaire dans le département du Centre, notamment dans les communes de Mirebalais et Saut-d’Eau. Selon le RNDDH, ces deux villes sont désormais entre les mains de groupes armés qui y sèment la terreur, pendant que les autorités de transition restent passives.
Tout a commencé dans la nuit du 30 au 31 mars 2025, entre 2h et 3h du matin. Les gangs 400 Mawozo et les Talibans de Canaan, dirigés par Wilson Joseph alias Lanmò san Jou et Jeff Larose alias Jeff Gwo Lwa, ont attaqué la ville de Mirebalais en passant par Trianon, une localité de la 2e section communale de Grand-Boucan. Ils ont incendié des maisons et des véhicules, et ont créé une panique totale dans la ville.
Une brigade d’autodéfense appelée Bakòp Feray, des agents de la BSAP et quelques policiers ont tenté de résister. Mais sans renforts, ils n’ont pas pu tenir longtemps. Vers 8h du matin, les bandits sont entrés dans la ville et ont pris le contrôle du commissariat et de la prison civile. Ils ont libéré presque tous les détenus : sur 533 prisonniers, 532 se sont évadés. Le seul détenu qui est resté, Jean Paul Cantave alias Pipo, a été exécuté par les assaillants.
Leur passage a laissé des dégâts énormes : le commissariat a été partiellement brûlé, la prison endommagée et inutilisable, et plusieurs édifices publics et maisons privées ont été incendiés, y compris le marché communal.
Ce n’est que vers 11h que des renforts de la police sont arrivés à Mirebalais. Mais à ce moment, la population avait déjà subi le pire. L’Hôpital Universitaire de Mirebalais a même été évacué par peur d’une nouvelle attaque, ce qui s’est effectivement produit. Depuis, les gangs occupent la ville, attaquent ceux qui s’y aventurent, et affrontent les forces de l’ordre de temps en temps.
Quelques jours plus tard, le 3 avril 2025, c’était au tour de la commune voisine, Saut-d’Eau, de tomber entre les mains des mêmes groupes armés. Le déplacement des forces de l’ordre vers Mirebalais a rendu la ville encore plus vulnérable. Déjà vidée d’une grande partie de sa population, la ville a tout de même enregistré des morts et des pertes matérielles importantes.
Entre le 30 mars et le 8 avril, le RNDDH a compté 23 victimes civiles, dont 19 assassinées et 3 portées disparues. On compte aussi plus de 60 bandits et évadés tués lors d’affrontements. Parmi les victimes, on retrouve des noms comme Gerson Cherestal, Wendel Louis, Emilienne Massant, deux sœurs religieuses, et plusieurs autres citoyens. Deux journalistes figurent aussi parmi les disparus : Jean Christophe Collègue de la Voix de l’Amérique, dont la maison a été incendiée, et Roger Claudy Israel de Radio Télé Ginen, enlevé avec son frère.
Les pertes matérielles sont également énormes. À Mirebalais, le marché communal, la prison et le commissariat ont été incendiés. À Saut-d’Eau, la radio Transparence FM et les maisons d’anciens parlementaires ont aussi été brûlées. Le 9 avril, un restaurant fréquenté par un ancien député a également été réduit en cendres.
Dans la dernière partie de son rapport, le RNDDH critique sévèrement les autorités de transition, notamment le Conseil Présidentiel de Transition (CPT). Selon l’organisation, l'État n’a aucun plan clair pour sécuriser le pays. Le décret d’état d’urgence renouvelé le 7 avril ne change rien si aucune action concrète n’est prise. Le RNDDH estime que la police nationale est abandonnée, mal équipée, et agit comme un pompier sans moyens. Pendant ce temps, les groupes armés, bien organisés, avancent vers les provinces.
Le RNDDH exige des explications et fait plusieurs recommandations : mener une enquête pour établir les responsabilités dans les attaques, juger les coupables, renforcer immédiatement la police dans le Centre, accompagner les victimes, et garantir la sécurité pour que les déplacés puissent rentrer chez eux. Il demande aussi que les fonds utilisés actuellement de façon opaque par le gouvernement soient mis à la disposition des forces de l’ordre.
Aujourd’hui, Mirebalais et Saut-d’Eau sont comparées à des villes fantômes. Contrôlées par les bandits, vidées de leur population, barricadées, elles symbolisent l’échec de l’État haïtien à protéger ses citoyens.
Sorah Schamma Joseph