En Haïti, le chômage frappe sévèrement les jeunes, en particulier ceux issus des centres de formation technique et professionnelle. Une récente étude du professeur Sergot Jacob, publiée en mai 2025, révèle que seulement 40 % des jeunes diplômés de ces centres parviennent à intégrer le marché du travail. Autrement dit, plus de 60 % restent sans emploi malgré leur formation.
Selon les données de l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI), cette réalité n’est pas nouvelle. Dès l’année 2000, l’IHSI constatait que l’éducation, en deçà du niveau universitaire, ne protégeait pas du chômage et même le diplôme universitaire ne garantissait pas une insertion professionnelle. Aujourd’hui encore, le chômage chez les jeunes varie entre 50 % et 70 %, selon les rapports successifs de l’Institut.
Des formations inadaptées et un environnement économique hostile
L’étude de Sergot Jacob met en évidence plusieurs causes à cette crise de l’emploi. En premier lieu, l’inadéquation entre les formations dispensées et les besoins du marché. Trop souvent, ces formations sont pensées selon l’offre disponible plutôt qu’en fonction de la demande réelle des secteurs économiques.
L’environnement économique, lui aussi, reste peu propice à l’intégration des jeunes : absence de politiques d’incitation à la création d’entreprise, manque de financement ciblé, pas de régime fiscal adapté aux start-ups dirigées par des jeunes, et une économie dominée par le commerce de produits alimentaires importés au détriment de la production locale.
Un secteur marginalisé et sous-financé
Les acteurs du secteur dénoncent un manque cruel de volonté politique en matière de formation professionnelle. Les directeurs de centres interrogés soulignent l’absence de mécanismes de financement public adéquats, le déficit de formateurs qualifiés, et une très faible implication du secteur privé.
L’Institut National de Formation Professionnelle (INFP), censé réguler le secteur selon le décret-loi du 14 mars 1985, est accusé d’avoir dévié de sa mission. Le manque d’information fiable sur les besoins du marché du travail empêche aussi les centres de formation d’adapter leurs programmes.
« Il n’existe pas de relation formelle et systématisée entre les centres de formation et les chambres de commerce, alors que ce sont elles qui sont au contact direct avec les besoins des entreprises locales », déplore le professeur Jacob.
En pratique, seuls 34 % des diplômés de la formation technique et professionnelle exercent une activité professionnelle. Parmi eux, 26 % occupent un emploi salarié, tandis que seulement 8 % sont en auto-emploi.
Après le séisme du 12 janvier 2010, le secteur de la construction a absorbé une grande partie de ces jeunes, avec plus de 54 % d'entre eux intégrés dans des métiers tels que l’électricité bâtiment, la plomberie, la menuiserie ou encore la ferronnerie. La coupe et couture, ainsi que le secteur tertiaire (secrétariat, gestion hôtelière, comptabilité informatisée, etc.) ont également accueilli une portion des diplômés.
Des solutions pour une réforme en profondeur
Face à ce constat, le professeur Sergot Jacob appelle à une réorientation des formations vers des métiers en adéquation avec les besoins du pays. Il plaide pour : une réforme du curriculum de formation, la promotion de l’auto-entrepreneuriat comme alternative à l’emploi salarié, la qualification accrue des enseignants, la mise en place de mécanismes de financement ciblés pour les jeunes entrepreneurs, et la création de partenariats public-privé solides et opérationnels.
Selon lui, seule une réforme en profondeur du système de formation et de l’environnement entrepreneurial pourra garantir une meilleure insertion professionnelle des jeunes et contribuer au développement socio-économique du pays.
Oberde Charles