Un pionnier. Un mentor. Une légende. Le monde médiatique et musical haïtien s’est en deuillé suite au décès de Robert Denis, plus connu sous le nom de Bobby Denis. L’ingénieur s’est éteint à l’âge de 79 ans, des suites d’un accident vasculaire cérébral. Figure emblématique de la modernisation du son dans la musique haïtienne, il laisse derrière lui un héritage culturel et technique inestimable.
Fondateur du mythique studio Audiotek, Bobby Denis a marqué de son empreinte la scène musicale haïtienne des années 1970 à 2000. Son oreille exceptionnelle, sa rigueur et sa sensibilité artistique ont façonné les œuvres de générations d’artistes, de Coupe Cloué à Ansy Derose, en passant par Isnard Douby, Fred Paul et Raymond Cajuste.
Sous sa direction, Audiotek n’était pas seulement un studio d’enregistrement, mais un véritable carrefour de création, de fraternité et d’innovation. Grâce à lui, les standards de production en Haïti ont atteint des niveaux inédits, propulsant la musique haïtienne au rang de patrimoine universel.
Bobby Denis ne s’est pas limité à la musique. Il a également transformé le paysage audiovisuel haïtien en fondant Télémax, chaîne à l’origine d’émissions populaires telles que Konkou Chante Nwèl et Miss Videomax. En 2006, il lance Canal Bleu, télévision indépendante au slogan évocateur: « La télé que je veux », axée sur la culture et le divertissement. Avec cette plate-forme, il a transformé le paysage audiovisuel haïtien, offrant une plateforme de qualité, innovante et inspirante pour toute une génération. Son influence sur la télévision haïtienne fut immense. Il a su marier la technique, la créativité et l’amour du pays dans tout ce qu’il faisait.
Président de l’ Association nationale des médias haïtiens (ANMH), il a défendu une presse libre et dynamique, tout en accompagnant la professionnalisation du secteur médiatique.
Dans un communiqué publié le 15 octobre 2025, le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, au nom du Gouvernement haïtien, salue la mémoire de Bobby Denis, le qualifiant d’« artisan majeur de la modernisation du son haïtien », d’homme généreux, bienveillant et profondément attaché à la culture de son pays.
Le gouvernement présente ses condoléances à sa famille, à ses proches, à ses collaborateurs de Canal Bleu, ainsi qu’à l’ensemble de la communauté artistique, médiatique et culturelle haïtienne et caribéenne.
Le chanteur Richard Cavé évoque Bobby Denis comme « une légende du son, un pionnier, un visionnaire ». Il souligne son rôle fondamental dans la révolution du compas et de la musique haïtienne moderne.
De son côté, le journaliste Jacques Sampeur retrace le parcours de Bobby, depuis ses débuts comme opérateur à Radio Haïti jusqu’à son ascension comme ingénieur du son hors pair. Il rappelle que Bobby a su moderniser les orchestres, résoudre les défis techniques et améliorer la qualité des enregistrements. « Bobby était irremplaçable », affirme-t-il, ajoutant que son expérience servira d’exemple aux jeunes générations à venir. Selon la mort de Bobby Denis a bouleversé toute une génération, c’est une partie de toute une vie qui s’en va. Il qualifie Bobby comme un homme de radio avec beaucoup d’imagination.
Passionné de son travail, Bobby Dénis a toujours été remarquable dans sa touche. Pour Jacques Sampeur c’était un don qu’il avait. Il a toujours quelque chose à innové, la mort de Bobby est une perte énorme pour le pays précisément pour la musique haïtienne, regrette-t-il.
Jacques Sampeur souligne également l’impact de Bobby sur la jeunesse, son rôle de messager de la musique haïtienne depuis les années de 1960, et revient sur l’épisode douloureux de son kidnapping, durant lequel il avait reçu un soutien massif de la communauté artistique et médiatique.
Il conclut avec beaucoup d’émotion: « Bobby Denis ne meurt pas. L’homme qui crée, qui produit, qui ne cesse de penser ne meurt jamais. Bobby reste immortel.»
De l’autre côté, l’Association des journalistes haïtiens (AJH) rend aussi hommage à Bobby Denis, saluant son rôle déterminant dans la modernisation du paysage médiatique et son engagement indéfectible pour une presse libre. Elle rappelle ses qualités de sagesse et de sérénité, et présente ses condoléances à sa famille, à ses collègues de l’ANMH et à l’ensemble du monde des médias et de la culture.
Likenton Joseph