Ils ont offert au pays un souffle rare, une joie compacte dans un temps troublé.
Après leur victoire 2-0 contre le Nicaragua, le mardi 18 novembre à Curaçao — synonyme de qualification historique pour la Coupe du Monde 2026 — les Grenadiers ont adressé un message lourd de sens aux forces qui maintiennent la terreur sur le territoire national : libérez le pays, rendez-nous notre maison.
Dans une vidéo rapidement devenue virale, Ricardo Adé, Carl Fred Sainté, Josué Casimir et Dandley Jean-Jacques ont lancé un appel direct, sans détour, à ceux qui tiennent le pays en otage.
« Mesye, ouvè peyi a, nou bezwen jwe nan stad la, nou bezwen ale nan peyi nou. »
Ce message, simple mais frontal, dépasse la sphère sportive : il traduit la frustration collective d’une génération forcée de jouer loin du public qui l’a portée, loin du Sylvio Cator, loin de leurs racines. Les Grenadiers rêvent de retrouver Port-au-Prince, non seulement pour défendre leurs couleurs, mais pour renouer physiquement avec le peuple dont ils sont devenus le dernier symbole d’unité.
Haïti reste le seul pays qualifié pour la Coupe du Monde 2026 à n’avoir disputé aucun match de qualification à domicile, la violence ayant transformé chaque rencontre en déplacement imposé. Cette réalité rend la performance d’autant plus remarquable : qualificatifs sans stade, sans public, sans terre d’accueil permanente — mais avec un pays sur le dos.
Cette qualification renvoie à 1974, année de la première participation haïtienne, mais avec une différence criante : cette fois-ci, les Grenadiers ont gagné sans jamais poser le pied sur leur propre pelouse.
Ce signal envoyé à « ceux qui sèment le chaos » n’est pas un slogan : c’est un ultimatum moral. Les joueurs n’appellent ni à la confrontation, ni à la politique, mais à la libération d’un espace vital — celui de la joie, du sport, du collectif, du retour. Ils demandent que cesse un climat où jouer pour Haïti exige de s’exiler loin d’Haïti.
Si cet appel sera entendu ou non, personne ne peut le prédire.
Mais une chose est sûre : ce 18 novembre restera un acte sportif, patriotique et symbolique majeur.
Les Grenadiers ont fait leur part.
À présent, le pays doit retrouver le droit d’exister.
Gérald Bordes
