Se ressaisir!

En Haïti, la grande roue de l’enfer continue de tourner. Les bandes armées se sont inquiétées “l’espace d’un cillement”, juste  le temps de la mise en place du Conseil présidentiel, d’un Premier ministre et son gouvernement, d’un nouveau chef de la Police et de l’arrivée des premiers éléments de la mission multinationale de soutien à la sécurité. Et puis, elles ont repris confiance.

Serait-ce parce que leurs commanditaires ont pressé sur un bouton rouge-vert ou simplement parce qu’elles savent  reconnaître les faux-semblants, les discours bourrés de contenus mais qui ne sont dits que pour épater la galerie?

Entre-temps, elles ont incendié les locaux de la mairie de Tabarre, à Croix-des-Bouquets, elles tuent, vandalisent et incendient presque toutes les institutions étatiques, dans le Bas-Artibonite, elles imposent la terreur et la tourmente, à Carrefour, Mariani, Gressier, elles démolissent des bâtiments publics, tuent des membres de la population et brûlent leurs cadavres. Elles violent. Elles volent. Elles détruisent l’espoir. Elles compromettent l’avenir.

Les bandits sont à l’assaut contre des fillettes innocentes, des femmes enceintes sans défense. Elles s’élèvent contre une population muette, passive et peureuse. Et tout cela se passe et se poursuit en juin 2024 sous l’autorité ou disons mieux le pouvoir d’un Conseil présidentiel qui ne se reconnaît toujours pas, d’un chef de Gouvernement absent, en visite ailleurs pour aller quémander 40 millions à la Banque mondiale pour tout un pays, et quoi encore !

Toute cette remise en selle des gangs armés, dis-je, et toutes ces violences, ont lieu sous le commandement d’un nouveau chef de la Police qui prend son temps pour imposer sa chefferie et des membres d’une mission multinationale de sécurité bien tranquilles.

Haïti, c’est bien le pays de tous les possibles. Chaque pas en avant en entraîne plusieurs en arrière, chaque espoir porte en lui-même son lot de désespoir, chaque petite étincelle de lumière amène derrière elle des temps sombres et ténébreux et chaque idée de construction charrie ses germes destructeurs.

Cette réflexion nous surprend en détresse et dans une grande tristesse de constater l’aggravation de nos conditions, et que, malgré la mise en place de ce nouveau pouvoir, les espoirs et la confiance s’amoindrissent.

Nous voulions un chef de gouvernement gestionnaire, administrateur de la Cité et de la chose publique sous l’égide d’un président de la République. Nous ne voulions pas d’un Premier ministre-président. Et le Conseil présidentiel ne doit point, pour le prestige et l’honneur de ses membres, se faire traiter en Marionnettes, en pantins.

Un Président de la République a les pouvoirs que lui confère la Constitution haïtienne de 1987 au chapitre III,  les sections A et B et les articles 134 jusqu’à 154. Et dans notre cas actuel, nous avons 9 présidents qui doivent s’exécuter. Parce que le pays, toute la population les regardent et comptent sur eux.

Les membres de ce Conseil présidentiel font partie des élites politiques et intellectuelles d’Haïti. Il n’y a aucun doute sur leur capacité à remplir avec dévotion la mission qui est la leur et à assumer avec rigueur les responsabilités qui leur incombent. Il n’y a aucun doute sur le fait qu’ils sont en mesure de comprendre qu’ils doivent beaucoup plus à leur patrie, à la nation haïtienne qu’à n’importe qui d’autre qui leur imposerait éventuellement une marche à suivre.

Ils le savent et le comprennent qu’ils sont soumis à l’abnégation de leurs propres intérêts pour poser des actions d’éclat et sortir Haïti de cette ornière du mal séculaire, de cet antre du diable, de ce labyrinthe perçu et conçu pour les égarer de la route.

Ils doivent se dépasser, se ressaisir et se redresser fièrement avec dignité et puiser dans la devise haïtienne (Liberté, Égalité, Fraternité) et la légende du drapeau (l’Union fait la force), pour qu’à neuf ils s’acquittent de cette mission, certes ardue, mais qui n’aurait dû n’être confiée qu’à un seul en principe.

Ils doivent briser les tabous habituels, traditionnels, et dépasser les restrictions d’où qu’elles proviennent pour s’imposer et agir en présidents de la République tels qu’ils le sont effectivement, parce qu’ils n’ont pas d’autres options. Sinon celle de décevoir tout un peuple et son histoire, de contribuer à son mal-être continu et de devenir eux-mêmes des rébus de la société et l’histoire.

En cela, nous ne parlons ni politique ni diplomatie, nous parlons responsabilité citoyenne, nous parlons Haïti et du sacrifice de soi au-delà de la volonté indécente de certains à nous maintenir dans la répression sanguinaire, humiliante pour satisfaire je ne sais quoi de lugubre et de sinistre, et exprimer je ne sais quel désir de vengeance anachronique.

 

Jackson Joseph

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