VOIX EMERGENTES

Et si Conille en avait marre ?

Quoi de plus simple d’accepter l’idée d’un remaniement ministériel ou de lâcher deux de ses protégés pour conserver son poste? Non, pas question. M. Conille a tenu mordicus : pas de changement. Rien du tout. Conille s’est fourré le doigt dans l’œil en minimisant les menaces du CPT à qui il avait fait de l’ombre sous l’ère Leblanc. Dans cette déculottée, Conille n’est pas le seul à blâmer, sauf s’il voulait s’en aller comme il est allé. Dans cette affaire, son équipe a fait montre d’un crétinisme innommable. Un directeur de cabinet qui gênait, un bel esprit comme Bernard Gousse qui n’a pas su mettre sa science à contribution, un SG, pas franchement à l’aise, on dirait un attelage mal assorti. Tout ce beau monde s’est fait évacuer par un CPT en panne d’image ou à la réputation ternie.

À tout prendre, Conille avait fait des frustrés. En témoignent les acrimonies des uns et des autres à son encontre après qu’il a été viré. Boulimique, il voulait tous les pouvoirs même ceux dévolus au CPT qui l’avait nommé. N’ayant pas pu délivrer après quatre mois de gouvernance qui aura vu la montagne accoucher une souris, étant fatigué de devoir supporter certains de ses collaborateurs pour quelque temps encore, l’ancien PM a poussé à l’excès sa témérité. Ce qui lui a valu d’être congédié par les conseillers-présidents vindicatifs. Compte tenu du caractère suicidaire d’un tel choix, nous pouvons inférer que M. Conille voulait bien partir par l’effet d’une cause occasionnelle. Le faisant, il se dédouane, ipso facto, de tout reproche, notamment de ceux pour qui il était censé en mission. L’action brutale de la meute des bandits en dit long à moins qu’il ne s’agisse d’une simple coïncidence. Ce dont on peut douter.

 

M. Conille s’est-il mépris ou a-t-il été lâché par le blanc?

Si le tout récent ex-Premier ministre n’avait pas souhaité quitter son poste comme il avait été contraint de le faire (au bout du fossé, il s’est aperçu que le rapport de force ne lui était pas favorable. Sa sommation au DG des presses nationales de ne pas publier l’arrêté nommant le nouveau PM était restée lettre morte. L’ordre intimé au DG de la PNH de bloquer toutes les issues donnant accès au Villa d’Accueil l’était tout autant.)

Tout en entreprenant ces démarches, rien ne dit que M. Conille ne souhaitait pas partir. Il fallait tenir tête jusqu’au bout. Une suite de la mise en scène, peut-être. Si méprise, il y a, ce ne peut être qu’au niveau de la forme ou de l’appui supposé du blanc. On n’a jamais vu un Président de la République mettre fin de manière péremptoire au service d’un Premier ministre qui est imputable devant le parlement. Le CPT a donc franchi le rubicon. Et gros Garry semblait n’avoir rien vu venir.

D’un autre côté, il semblait miser sur l’élément blanc, le sens, ici, est métaphorique. « Le blanc ne sera pas d’accord » telle aura été sa réplique à la menace de révocation. Chez nous, le blanc est tuteur, le blanc est donneur d’ordre. Chaque décision doit être prise à l’aune du blanc d’où la reproduction intergénérationnelle des mêmes pratiques. En passant, ce pays mérite des dirigeants à la hauteur de son histoire, pas des dirigeants mineurs qui refusent de s’assumer ou de prendre le taureau par les cornes. Il y a tellement de défis qu’il nous faut plusieurs plans de relève.  Ce n’est quand même pas rédhibitoire. Le plus dur reste le premier pas à faire dans la bonne direction. Comme préalable, il faut que s’estompe la crise de conscience haïtienne, autrement on va continuer à crever.

N’ayant pas la science infuse (personne, d’ailleurs, ne l’a), nous avons voulu creuser les dessous de ce qu’il convient d’appeler l’affaire Conille qui a défrayé la chronique pendant plus d’un mois. Pourquoi un dénouement heureux n’a-t-il pas été trouvé à la crise qui opposait l’ancien chef de gouvernement au CPT? Pourquoi M. Conille n’a pas tenu à lâcher du lest quand, même l’opinion publique lui était défavorable (certaines gens ne cessaient de répéter l’autorité de nomination est l’autorité de révocation)? Son entêtement laisse supposer qu’il voulait aller jusqu’au bout sans se soucier de son avenir. Au final, il s’est avéré qu’il n’est pas un homme de compromis. Dans son mémoire, si toutefois il aura à en écrire un, il pourra révéler les raisons pour lesquelles il ne s’était jamais rétracté pour éviter une sortie de la scène aussi désastreuse.

 

Narcisse Jean-Baptiste

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