Alors que Radio Kiskeya célèbre ses 31 ans de journalisme courageux, la voix de Liliane Pierre-Paul — affectueusement appelée “Lili” — continue de résonner dans les ondes haïtiennes, bien qu’elle ne soit plus parmi nous. Sa présence, à la fois humble et imposante, a marqué une époque de résistance morale, et sa quête inébranlable de vérité demeure un modèle pour les journalistes haïtiens d’aujourd’hui.
Lili n’était pas parfaite. Elle pouvait être tranchante, têtue, intransigeante — et parfois critiquée pour son intensité. Mais si elle tenait ferme, c’était parce qu’elle choisissait d’être du côté de la vérité. Sa passion n’était pas nourrie par l’orgueil, mais par l’amour de son pays et la conviction profonde qu’Haïti méritait mieux. Son authenticité, portée par des mots en créole et une voix tantôt douce, tantôt grondante, la rendait inoubliable.
Aujourd’hui, alors qu’Haïti traverse une crise sans précédent — avec des institutions en ruine, la terreur des gangs, et une population abandonnée — la voix de Lili serait plus forte que jamais. Elle ne resterait pas neutre. Elle dénoncerait la corruption, les manipulations, l’hypocrisie diplomatique. Elle poserait des questions qui dérangent. Et surtout, elle nous exhorterait, nous les journalistes haïtiens, à agir avec courage et intégrité.
Leçon 1 : Le journalisme est une responsabilité morale.
Lili n’a jamais vu son rôle comme un simple métier ; c’était une mission. Face à la dictature, elle a risqué sa vie pour dire la vérité. Aujourd’hui encore, son héritage nous rappelle que le silence, dans un pays où la majorité est bâillonnée, est une trahison.
Leçon 2 : Le courage est imparfait, mais essentiel.
Lili avait peur. Elle recevait des menaces, elle était suivie, diffamée. Mais elle n’a jamais reculé. Elle avançait, malgré tout. Pas parce qu’elle était invincible, mais parce qu’elle savait que la peur ne devait jamais dicter le silence. Les journalistes doivent aujourd’hui tirer force de leurs fragilités et continuer à avancer.
Leçon 3 : Parler la langue du peuple, c’est lui rendre sa dignité.
Lili défendait farouchement le créole, non seulement comme langue, mais comme symbole. Elle traduisait les enjeux politiques complexes dans les mots du peuple. C’est un rappel pour nous : une presse connectée à la culture touche plus profondément et plus durablement.
Leçon 4 : Le micro est sacré.
Pour Lili, le micro n’était pas un outil de séduction, mais une arme contre le mensonge. Elle ne flattait pas le pouvoir, elle le questionnait. Dans une Haïti saturée de désinformation, il nous revient d’honorer ce principe et d’utiliser nos mots avec rigueur.
Lili était humaine, imparfaite, mais entière. Elle a aimé Haïti non pas dans les discours, mais dans l’action. Elle a parlé quand il fallait se taire. Elle est restée quand il était plus facile de fuir.
Alors que nous saluons les 31 ans de Radio Kiskeya, faisons plus que commémorer. Engageons-nous. Soyons plus audacieux, plus enracinés, plus vrais.
Car si Lili était encore là, elle nous dirait :
« Nou pa ka fè bak. Se verite ki dwe genyen. »
« On ne peut pas reculer. C’est la vérité qui doit triompher. »
Professeur: Pierre R. Raymond
Long Island, New York