Haïti : l'impératif de l'engagement humain et du dialogue face aux crises

Résumé

Cet article, explore à quel point le succès des initiatives de développement et humanitaires dépend étroitement de la qualité des réunions communautaire et d’une communication efficace et transparente. En réponse aux conflits communautaires actuels en Haïti, peu importe le contexte, il met en lumière le rôle déterminant du dialogue constructif et inclusif afin de pouvoir désamorcer les tensions pour des causes communautaires et pragmatiques. L'article soutient que, loin d'être une solution miracle, le dialogue est la pierre angulaire de toute stratégie de résolution des conflits même ceux de grande envergure. Pour Haïti, développer cette capacité essentielle à l'écoute, à la négociation de bonne foi et à la recherche de compromis, représente un investissement stratégique indispensable à une paix continue, une stabilité retrouvée et un avenir juste et prospère pour le pays.

1. Comprendre les besoins de base de l’humain pour un impact durable

Dans un pays comme Haïti, marqué par une résilience à toute épreuve mais aussi par des crises multidimensionnelles persistantes, la véritable efficacité des interventions humanitaires et des projets de développement, se mesure au-delà des indicateurs financiers. Elle réside fondamentalement, dans une capacité à comprendre les besoins fondamentaux de l'humain de telle sorte à initier un changement de comportement continu au sein des communautés. En effet, une approche méthodologique intégrale, axée sur l'engagement et le dialogue stratégique, s'impose comme une voie indispensable pour les acteurs de terrain. Ce, afin de pouvoir croiser les difficultés et de maximiser l'impact de leurs actions.

Les expériences concrètes sur le terrain, révèlent une réalité obsédante, c’est-à-dire : la simple existence d'une initiative, même conçue avec les meilleures intentions, ne garantit toujours pas le consentement des populations. Trop souvent, la perception des projets est biaisée, faute de résonner avec les préoccupations fréquentes et irrésistibles des habitants. En conséquence, la mobilisation et la sensibilisation des communautés, constituent un défi de taille, surtout lorsque l'urgence des besoins de base cache toute vision à long terme. Pour engager véritablement les gens, il est impérieux de converger d'abord sur ce qui est essentiel pour eux, à titre d’exemple : la survie, la sécurité, l'appartenance sociale et le bien-être psychosomatique. En fait, ignorer ces éléments, c'est construire en quelque sorte sur des sables.

1.2. La nécessité de circonscrire le développement aux besoins primaires de l’humain

La psychologie humaine, a établi que l'être humain est mû par une hiérarchie de besoins universels, allant de la faim, la soif et à la sécurité physique et émotionnelle. En outre, le besoin d'appartenance sociale, d'estime de soi et d'accomplissement personnel, est aussi fondamental. Ces éléments essentiels, prescrivent en conséquence les priorités individuelles et collectives à prendre en compte. Dans les pays développés, où l'accès à ces besoins primaires est largement assuré, les projets peuvent à juste titre se focaliser sur des objectifs plus élevés, tels que : l'innovation technologique ou l'éclosion individuelle. Cependant, dans un pays comme Haïti, le pays le moins avancé (PMA) de l’Amérique Latine et des Caraïbes, les équipes de projet sont confrontées à une tout autre réalité. Ici, la survie au jour le jour, demeure la priorité absolue pour une large part de la population. A cet effet, une approche qui ne tiendrait pas compte de cette réalité, serait vouée à l'échec. IL faut noter en plus que, la convergence sur ces besoins fondamentaux, n'est pas seulement un impératif éthique. C’est de fait, une stratégie opportuniste et indispensable pour garantir l'adhésion et la durabilité des actions entreprises. Par exemple, les initiatives qui sont basées sur l'accès à : l’eau potable, la sécurité alimentaire, l'abri, l'éducation de base ou des soins de santé primaires ont, par nature, une probabilité bien plus élevée d'être acceptées  par les membres des communautés avec notamment leur implication dans les différentes phases de mise en œuvre.

2. Les réunions en tant que moteur de l'action et de la concertation communautaire

Les réunions, qu'elles soient formelles ou informelles, constituent l'épine dorsale de toute intervention dans les secteurs de développement et humanitaire. Elles sont les espaces de réflexion, de la définition de stratégies, de la coordination des actions et d’évaluation des impacts. De la phase initiale de conception, où les visions se concrétisent, à la mise en œuvre nécessitant une coordination et une communication transparente jusqu'au suivi/évaluation des échanges, les réunions sont donc omniprésentes. En fait, pour les professionnels du développement, qu'ils soient sur le terrain ou dans les bureaux, ces plateformes sont essentielles pour la concertation, la négociation avec les Bailleurs de fonds et les Organismes Étatiques, mais surtout pour faciliter le dialogue avec les communautés locales en tant que véritables architectes et bénéficiaires de tout processus de développement. Pourtant, l'efficacité de ces rencontres, ne découle pas de leur simple tenue, mais d'une maîtrise certaine des techniques d'animation et de communication. Pour le personnel de projets, en particulier les animateurs de terrain et les professionnels en début de carrière, ces compétences sont absolument non-négociables. Il faut remarquer qu’une communication appropriée, permet de créer un environnement inclusif où chaque partie prenante se sent écoutée, valorisée et encouragée à apporter sa contribution. De plus, une communication claire, précise et adaptée, assure que les informations sont correctement transmises et comprises en évitant les malentendus et les erreurs coûteuses qui pourraient avoir lieu  sur le terrain. En d’autres termes, la gestion des dynamiques de groupe, souvent compliqués et imprévisibles dans des contextes de tension, requiert des compétences spécifiques pour : favoriser la collaboration, résoudre les conflits émergents et maintenir une atmosphère de travail positive et productive.

3. La Communication pour le Changement de Comportement (CCC), comme levier de transformation communautaire

La clé d'un développement continu et d'une résolution pacifique des conflits, réside dans la capacité à induire des changements de comportement positifs au sein des membres des communautés. Ce processus, n'est pas linéaire et cela demande une approche stratégique, et une communication ciblée. Il faut  noter qu’initialement, une communauté peut se trouver en phase de pré-contemplation. Cela signifie, elle n'est pas encore consciente du problème ou de la nécessité d'un changement. À ce stade, la communication doit d'abord attirer l'attention, susciter la curiosité et amorcer une prise de conscience des enjeux. Vient ensuite la phase de contemplation où les individus commencent à reconnaître le problème et à envisager un changement. Mais, ils hésitent encore à s'engager. La communication doit alors fournir des informations pertinentes, des témoignages inspirants, et des encouragements pour renforcer cette prise de conscience et pour dissiper les doutes. Une fois que cette étape est franchie, la communauté entre dans la phase de décision où elle choisit d'agir. C'est en fait, le moment de prédilection à un moment où la communication doit proposer des solutions concrètes, des plans d'action réalistes et des étapes claires pour faciliter le passage à l'acte. Ensuite, au niveau de la phase d'action, les membres des communautés mettent tout bonnement en œuvre le nouveau comportement ou la nouvelle pratique adopté (e). Le rôle des facilitateurs, est subséquemment de soutenir activement ces efforts, de renforcer les motivations, de reconnaître les progrès et de célébrer les petites victoires pour maintenir l'élan. L'étape de maintenance, est essentielle pour la durabilité. À ce point, le nouveau comportement est intégré et maintenu sur le long terme. Là, le processus de  communication doit continuer à : appuyer, offrir des rappels réguliers, renforcer les bénéfices perçus et prévenir les éventuelles rechutes, souvent causées par des contraintes externes ou internes. La dernière phase, est celle du plaidoyer. Au-delà du changement individuel ou local, il s'agit ici d'amplifier les efforts, de partager les succès et d'influencer les politiques publiques ou les pratiques institutionnelles à un niveau plus large. La communication devient alors, un outil puissant de mobilisation et d'influence pour une transformation systémique qui est capable de générer des changements à l'échelle communale, départementale, régionale et nationale.

4. Le dialogue : une ancre de choix face aux conflits même de grande ampleur en Haïti

Dans le contexte actuel d’Haïti, où les tensions s'enflamment et les désaccords se muer en conflits de grande envergure, la place du dialogue n'est pas simplement une option souhaitable. Elle est aussi un impératif absolu, car, l'histoire récente du pays en témoigne. En outre, face à des clivages profonds, qu'ils soient d'ordre politique, social, territorial ou économique, la capacité à établir et à maintenir un échange constructif, représente une opportunité perpétuelle pour : (i) prévenir l'escalade (ii)élaborer des compromis persistants et (iii) restaurer le tissu social déchiré.

Le dialogue, dans ce contexte-là, transcende la simple conversation. Il s'agit bien évidemment d'un processus délibéré et structuré de communication, où les parties aux intérêts divergents s'engagent à : (i) une écoute mutuelle sincère (ii) l'expression transparente de leurs préoccupations (iii) la reconnaissance des perspectives de l'autre (iv) et à la recherche active de terrains d'entente. Ce dernier, ne vise pas à effacer les différences, mais plutôt à les comprendre en profondeur pour mieux les gérer. Pour les conflits de grande taille, qui impliquent souvent une multitude d'acteurs aux revendications complexes et parfois contradictoires, le dialogue peut offrir un mécanisme essentiel afin de déconstruire les méfiances accumulées, et de briser les cycles dommageables de la violence.

Il est à noter que, la centralité du dialogue dans la résolution des conflits de grande ampleur, s’appuie sur plusieurs fondements essentiels (détaillés dans le paragraphe). Il représente donc un bouclier pour la prévention des dommages en proposant un espace pour l'expression des griefs avant qu'ils ne dégénèrent. En réalité, le dialogue permet de favoriser la compréhension mutuelle et l'empathie, nécessaire relativement aux malentendus qui nourrissent souvent les conflits prolongés. Son objectif, est de construire des solutions stables et inclusives en tant que fruits d'une construction participative qui garantit leur légitimité et leur pérennité. Le dialogue, est donc essentiel pour la restauration de la confiance et l'apaisement des relations, même si ce processus peut paraitre difficile certaine fois. Vu que, il peut assurer l'inclusion de toutes les voix pertinentes (jeunes, femmes, leaders communautaires, acteurs politiques) en assurant que les solutions élaborées sont représentatives de l'ensemble de la société.

Cependant, mettre en œuvre un dialogue efficace pour résoudre ce genre de conflits en Haïti, peut être confronté à des défis considérables. En effet,  la polarisation politique extrême, l’incrédulité généralisée envers les institutions, les inégalités socio-économiques et la prévalence inquiétante de l’insécurité, peuvent rendre l'engagement difficile et risqué. C'est pourquoi, le dialogue dans un tel contexte, exige souvent une facilitation externe, neutre et hautement expérimentée lorsque des tentatives sont échouées à l’interne. De telle facilitation, est capable de créer et de maintenir (i) un espace sûr pour les discussions (ii) d'établir des règles de base claires et équitables (iii) de gérer les émotions intenses et de guider les discussions vers des résultats concrets et tangibles. Ce processus, pourrait exiger également un engagement politique solide, sans équivoque de la part des leaders à tous les niveaux avec particulièrement une prise de conscience collective et durable. Étant donné que, la confrontation et l'obstacle ne peuvent qu'intensifier la souffrance nationale.

À suivre.

 

Noël AGELUS, Ph.D

Docteur en Sciences Politiques

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