Résumé
Après les illusions ternies de la MMAS, voici venir une nouvelle promesse armée — la Force de répression des gangs (FSG). Plus nombreuses. Mieux équipée. Bardée de nobles intentions. Elle se dresse face à l’ombre qui gangrène Ayiti : les agents de l'ordre économicide de la région, dits gangs, devenus maîtres d’un territoire abandonné par l’État. La fin du mandat de la MSS révèle un bilan mitigé, car seul un millier de policiers sur les 2 500 prévus ont été déployés, laissant de nombreuses zones sous le contrôle de ces agents doubles de la communauté internationale du crime. Le Conseil de sécurité des Nations Unies adopte la résolution 2793, promettant une force internationale plus coercitive, avec l’appui des États-Unis, de la France et de l’OEA. Sous le regard inquiet d’une population épuisée, le Conseil de sécurité de l’ONU a tranché. Le 30 septembre 2025, est née comme un baiser marassa, cette résolution. Je comprends vite que cette décision n’est pas qu’un acte diplomatique, c’est l’aveu d’un échec précédent, — mais aussi un pari sur l’espoir de réaliser un brin de stabilité apparente dans un pays à feu et à sang. Neutraliser les gangs, protéger les vies, rendre à la population le droit d’exister sans peur. Tels sont les objectifs proclamés. Derrière les chiffres, les mandats et les financements encore flous, se cache une question lancinante, interpellatrice de sens et de doute. Alors cette nouvelle force saura-t-elle réparer ce que tant d'autres ont brisé ou laissé s’effondrer ? Hayti, une fois de plus, attend — entre méfiance et besoin urgent de salut sécuritaire. Bienvenue à bord de la barque de ma chronique qui tente d’analyser avec verve et ironie les gesticulations diplomatiques, la dissonance entre les intentions affichées et la réalité haytienne, et la responsabilité du peuple haytien face à la répétition des cycles d’illusions, et d’espoirs non tenus de l'ONU qui porte, jusque-là le panier du monde sur son dos.
Illusions internationales
À New York, le 30 septembre 2025, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2793. Douze voix pour. Aucune contre. Mais trois abstentions : Russie, Chine, Pakistan. Le monde applaudit, et le gouvernement Haytien regarde, comme toujours, depuis sa marge. Les mots sont lourds, ronflants : “force internationale”, “coopération stratégique”. Mais derrière cette rhétorique, la réalité reste têtue : les gangs, eux, ne lisent pas les résolutions. Mais ils agissent. Washington et Panama présentent le texte comme un triomphe. Les États-Unis promettent un appui logistique et stratégique. La France applaudit, évoquant ses 12 millions de dollars. Moi, je me retiens de rire. Sommes-nous au théâtre de la diplomatie, ou dans le quotidien d’un peuple qui saigne ? Onze interventions de l’ONU. Onze missions. Quinze mois de présence kényane. Et pourtant… la sécurité reste un mirage. La MSS s’achève sur un bilan limité : un millier de policiers sur 2 500, des quartiers toujours aux mains des gangs. Nouvelle résolution adoptée, promesses de force et de coercition. Mais Hayti, fatigué et méfiant, connaît désormais la triste leçon : l’Onu répète son théâtre sans résultat tangible. Je regarde mon pays débattre dans la répétition du désespoir sans fin. Quinze mois de mission kényane, et le rideau est tombé ce jeudi 2 octobre 2025. Quinze mois de promesses, de déclarations et de cérémonies. Quinze mois où l’on a vanté le courage de policiers étrangers et la détermination d’Hayti à reconquérir sa sécurité. Quinze mois, et toujours les mêmes rues, les mêmes zones, les mêmes départements sinon d'autres territoires basés par les agents doubles de l'économicide géostratégique de celui dont on n’a pas prononcé le nom, la même peur, le même chaos.
Le bilan officiel ?
Limitatif. Sur les 2 500 policiers promis, seulement un millier a foulé le pavé. Un millier. La moitié moins que prévu, essentiellement des unités kényanes, disciplinées, impeccables, mais incapables de faire plier l’ombre des gangs. Je me demande parfois si ces chiffres sont lus pour rassurer les chancelleries ou pour endormir la population. Oh, la magnificence des intentions ! Quand les diplomates parlent de soutien, on imagine des patrouilles omniprésentes, des commissariats renforcés, des opérations coordonnées. La réalité ? Des quartiers laissés à l’abandon. Des policiers étrangers patrouillent là où le soleil éclaire encore les espoirs, mais fuient la nuit et ses démons. La police nationale d’Hayti, pourtant au cœur du dispositif, a été reléguée au rôle d’ombre, spectatrice impuissante de sa propre sécurité. Les kényans défilent. Les médias applaudissent. Et nous, simples citoyens, nous scrutons le ciel en espérant une intervention qui ne viendra jamais. Au grand jamais. Chaque promesse non tenue résonne comme un coup de tonnerre dans les oreilles sensibles des haytiens face à Viv Ansanm. Chaque discours officiel est un écho vide, un théâtre d’illusions. Et moi, je m’indigne. Parce qu'après quinze mois, tout simplement ce pays continue de compter ses morts et ses blessés comme si la sécurité était un luxe patri/matrimonial dans le jardin de MUPANAH au Champ-de-Mars. Les rues de Port-au-Prince, Martissant, Cité Soleil, Kenscoff… sont devenues des arènes où la population est condamnée à survivre au milieu de gangs. Les opérations de la MMAS sont comme des feux d’artifice : éclatantes à distance, mais incapables d’illuminer réellement la nuit en Hayti. Et voilà que l’on nous annonce, triomphalement, la fin de cette mission. On parle de transition, de leçons apprises, de nouvelles stratégies. Moi, je sens surtout un vertige en entendant tout cela. Parce que Hayti, encore une fois de plus, est suspendue entre l’espoir et la désillusion des soutiens de l'ONU. Il est temps que cette tragédie devienne une leçon, mais pour qui ? Qui osera donner le ton?
Gesticulations
La diplomatie internationale semble fascinée par le cérémonial où chaque vote devient un moment historique, et chaque déclaration, un acte de bravoure morale et politique. Mais moi, je vois Hayti dans ses fringues et ses ruelles, à genoux, attendant que les mots et les actions de ses petit.e.s fils et filles conscient.e.s se transforment en actes tangibles pour sauvegarder la souveraineté et l'intégrité de la patrie, à la dimension de son libérateur, Jean-Jacques Dessalines sous la pendule d'une politique d'autosuffisance économique.
« Un signal fort pour Haïti », disent-ils. Mais le signal, si fort soit-il, est-il audible dans les quartiers abandonnés ? Y a-t-il traversé les tympans de l'appauvrissement de la masse populaire depuis les 28 ans des interventions de l'ONU en Ayiti ? Dans les écoles fermées, les maisons pillées, les familles fuyant sous les balles ? L’illusion est parfaite. Et moi, je lève la voix pour rappeler que la force coercitive est plus qu’un mot. Un masque d'occupation stratégico-régionale à la belle allure modérée. C’est à Hayti d'en décider de son sort sécuritaire après douze occupations. C’en est trop.
Ericq Pierre, représentant haytien à l’ONU, parle d’un tournant décisif. Le gouvernement applaudit. Le CPT brandit son ventre. Marche ses hanches. La communauté internationale sourit. Alors que moi, comme le dénoncent mes devanciers, je note simplement que ces tournants décisifs n’ont jamais tenu les agents doubles à distance. Pas encore, s’il y aura une première fois cette fois-ci.
La scène diplomatique est un ballet sophistiqué. Le sait-on. Les uniformes impeccables, les paroles calculées, les promesses faites pour plaire à New York et à Paris. Mais Hayti, elle, reste la spectatrice invisible, condamnée à espérer que la prochaine danse dans les salons de l'ONU , de l'OEA ou de la Caricom sera plus efficace, comme une mère berceuse qui attend qu’on lui mette quelque chose sous les dents, depuis toujours.
La mise en place d’une structure logistique, l’appui de l’OEA, la coordination avec Washington, les applaudissements de la Caricom c’est le refrain de la scène qui joue avec Ayiti sans ses petits. Tout est parfaitement chorégraphié. Mais question de beau plumage, la logistique peut-elle remplacer la justice-sociale et le courage partagé de la population haytienne notamment le paysanat face à la misère, le pillage de ses potagères et ce que l'on appelle élégamment la violence armée des gangs ? Les haytiens, haytiennes eux/elles, savent que non.
Et tandis que la communauté internationale jubile de son “signal fort”. À gorge déployée. Je regarde cette population fatiguée. Fatiguée d’attendre. Fatiguée de croire aux beaux discours. Fatiguée de voir sa propre sécurité être un projet expérimental pour d’autres pays. Le théâtre continue, et les illusions s’empilent. Et puis la violence armée bat son plein en Hayti dans le calendrier de l'ONU l'on compte des tentatives à temps et à bientôt.
Espoirs et responsabilité
La nouvelle force internationale se déploie sous le chapitre VII. Elle se veut plus coercitive, plus déterminée, plus visible. En tout cas. La situation d'attente s'est bien créée. Le gouvernement attend l'arrivée de cette force de répression comme la goutte d'eau dans le désert pour apaiser ses peines et sa soif. Et moi, je me demande, timidement, hein : après quinze mois de répétition, qui croit encore à la chansonnette et la magie des uniformes étrangers sur le sol connaissant les échecs patents de ses 31 ans d'occupation (1994-2025)?
Marco Rubio annonce un déploiement rapide. C'est grammaticale sinon mathématique. Cette arythmetique autour de laquelle se conjugue l'insécurité, la misère, l'appauvrissement d'une population dont les lois permettent pas la réalisation de l'égalité naturelle, est bénéfique peur l'ordre économique de la région. Alors que les partenaires internationaux promettent toujours coordination et efficacité. Mais la population haytienne, consciente, elle, reste sur le trottoir, scrutant l’horizon pour un espoir tangible. Le langage diplomatique sonne comme une mélodie étrangère, dans ses tympans sensibles.
L’espoir, me dis-je, est devenu presque un objet de performance. Car chaque résolution, chaque vote, chaque déclaration publique est une tentative de le matérialiser. Mais le théâtre ne remplace pas la vie, et Hayti n’est pas une scène comme le prétendait l’ONU.
Nous sommes spectateurs d’un cycle sans fin : mission après mission, résolution après résolution, promesse après promesse. Les gangs s’adaptent, se multiplient, prospèrent dans le vide laissé par les belles paroles. Et moi, j’écris pour crier que ce cycle doit être interrompu.
La responsabilité ne peut pas être uniquement internationale. Haïti doit reprendre sa voix, sa stratégie, sa dignité. Les partenaires peuvent soutenir, appuyer, conseiller. Mais le courage de sécuriser le pays, la vision de protéger les citoyens, cela appartient aux Haïtiens eux-mêmes.
Le peuple continue de marcher dans les rues, de fermer ses écoles, de fuir ses maisons. Et moi, je pleure et je m’indigne : quinze mois de missions, et chaque Haïtien sent la même peur, la même désolation. Les illusions se succèdent, les espoirs s’étiolent, mais la vie continue, obstinée et courageuse.
Alors, je conclus avec cette image : Haïti est un théâtre, mais la pièce n’a jamais de fin heureuse. Les acteurs changent, les uniformes se succèdent, les résolutions se multiplient. Mais la scène reste la même. Et moi, je continue d’écrire, de dénoncer, d’espérer qu’un jour, enfin, la sécurité et la justice ne seront plus des illusions de la diplomatie communautaire de l’Onu, mais une réalité tangible issue de la politique de l’autosuffisance pour chaque Haïtien.
joseph.elmanoendara@student.ueh.edu.ht
Formation : Masterant en Fondements philosophiques et sociologiques de l’Éducation/ Cesun Universidad, California, Mexico, Sciences Juridiques/FDSE, Communication sociale/Faculté des Sciences Humaines (FASCH).