Faute de lampe magique, Haïti se trouve actuellement engoncé dans un conservatisme colonial, d’abjection et de barbarie. Nul besoin de détailler son présent, elle mène une vie contre laquelle elle lutta pendant longtemps. Une vie où la peur, la crainte et la douleur de toutes formes prennent sièges.
Muette face à tout ce qu’elle vit, Haïti n’arrive même pas à se poser cette question : « comment suis-je arrivée là ? »
Tout ce que l’on peut dire, c’est qu’actuellement, elle est sujet de grandes plaisanteries diplomatiques. Sa destinée, considérée comme cause de divers événements de la vie, est déjà anticipée.
Et si Haïti était un être de chaire et d’âme ?
VOICI UN RESUME DE SON HISTOIRE, A LA FOIS PATHETIQUE ET HONORIFIQUE :
« En 1804, plus précisément le premier janvier de cette année, époque où exister n’était pas chose facile, Haïti est apparue. Cet événement constitue un acte majeur dans le processus de reconnaissance des valeurs humaines sans catégorisation, ni discrimination parmi les hommes. Deux (2) ans plus tard, elle va connaître de sérieux problèmes dans sa vie privée. Un conflit intra personnel pointe son doigt. Ce que l’on peut qualifier comme une pathologie qui, au fil du temps va causer une sorte d’handicap pour son épanouissement personnel.
Comme elle connut pas mal de précarités avant de réussir à imposer sa présence au monde, cette pathologie (ce conflit intra personnel), ne l’empêcha pas de tenir bon aux vicissitudes de la vie.
Tout le monde refusa de la reconnaître. Comme si elle était le mal personnifié ou une sorte d’envoyé spécial du diable. Elle fut toujours résiliente parce que sa conviction de vaincre le mal qui la rongea prévalut sur ses faiblesses.
À peine environ deux (2) ans d’existence, Haïti va perdre un organe important. Toutefois, il faut souligner qu’elle possède une magie d’auto-guérison. Elle passa une quantité de temps à assumer une vie difficile avec des organes incompatibles dans son corps. Malgré tout, elle arriva à s’imposer au monde entier en construisant des édifices gigantesques, symboliques, singuliers sur son toit et surtout en réunissant les moyens physiques et spirituels et les ressources que la nature lui donna en guise de récompense pour sa victoire.
Après environ une vingtaine d’années, elle arriva à amadouer quelques incompatibilités de son corps. Mais, elle fut encore loin d’être entièrement prête pour une véritable construction ou fondation de sa vie, comparativement à d’autres personnages de l’époque.
Elle passa ensuite une vingtaine d’années à aider et à participer à la libération de sa sœur jumelle qui a été séquestrée dans son propre toit par des ravisseurs impitoyables et inhumains. Ce sont ces derniers et d’autres, du même quartier, qui la divisèrent avec sa sœur jumelle.
Malheureusement, le soutien d’Haïti à sa sœur était l’occasion qui les désunit à jamais et détruit la sororité entre elles.
Les deux sœurs vont, depuis lors se battre. Mais, grâce à la sagesse qu’elle acquit, Haïti joua toujours le rôle de parent dans la grande maison que la nature leur donna gracieusement et au prix de grands sacrifices.
Comme un personnage résilient, Haïti passa environ cinquante (50) ans à essayer de créer une culture qui lui est propre. Jusqu’à ce qu’un jour, des étrangers de la même teinte que ceux qui la dépouillèrent, vinrent lui proposer leurs aides.
Haïti conclut des accords et signa des traités et concordat qui, de façon objective lui garantissaient la légitimité de sa présence. Avec des nouvelles relations, Haïti va continuer d’ajouter sa touche à la construction du monde, à la recherche de la paix et la liberté pour tous.
Mais, à cause de sa taille, son physique, sa teinte épidermique et son allergie aux mépris et à la déshumanisation, Haïti fut considérée comme un obstacle aux yeux de ses soi-disant amis. Même sa sœur qui se croit physiquement plus grande qu’elle, veut sa mort. Les étrangers passent par sa sœur jumelle pour l’intimider et la faire du mal. Si bien qu’en 1937 alors qu’Haïti venait à peine de se libérer de l’invasion d’un soi-disant ami, sa sœur lui enfonça un couteau bien profond dans son ventre. Cela provoqua une déchirure qui perdure dans le temps.
Revenons un peu en 1915, alors qu’Haïti connaissait une grande et fatidique crise; sous le fallacieux prétexte de lui occuper, de lui aider à récupérer la normalité et à recouvrer sa santé, le plus malin, le plus dangereux et le plus monstrueux de ses faux amis débarqua pour la détruire.
Pendant 19 ans, c’est-à-dire de 1915 à 1934, l’un des faux amis d’Haïti prit le contrôle total de sa vie. Toutes ses ressources, ses secrets et ses organes étaient gardés par cet ami mortel. Même Haïti a du mal à identifier les dégâts causés par cette fausse occupation. Il y a jusqu’à présent, l’odeur de cette expérience maléfique sur elle.
Plus tard, soit à partir de 1941 jusqu’à 1946, les amis d’Haïti vont lui infliger une drogue qui la poussa à s’autodétruire. L’objectif est de la distraire afin de piller ses richesses et de la détruire graduellement et systématiquement. La pauvre, ne pouvant pas maîtriser la malignité de ses adversaires, prît ces décisions qui lui coutèrent beaucoup :
- Haïti déclara la guerre à un personnage sanguinaire de l’époque. L’objectif était de prouver son amitié au même ami qui venait de l’occuper pendant dix-neuf (19) ans.
- Haïti renia sa propre culture, sa propre identité au profit de celle de ses faux amis.
- Haïti conclut des accords avec ces amis qui leur donnèrent le privilège d’interférer dans ses affaires privées.
Il faut avouer que la pauvre Haïti est victime d’envoûtement. Toute sa vie est caractérisée par une lutte, une guerre perpétuelle. Comme si elle était le quartier général de Satan. Ce qui est paradoxal dans tout cela, c’est que la silhouette d’Haïti, sa cadence, derrière son visage, là où se cache sa beauté, et sa démarche, constituent des raretés que le monde entier envie. Par exemple, à un moment où beaucoup soufrent de la sècheresse, Haïti ne manque jamais d’eau. A un moment où le changement climatique joue son tour, Haïti reste intact et possède cette capacité qui la permet de s’adapter et de vivre sa vie.
Il y a encore une autre période importante dans sa vie, celle à travers laquelle elle décida d’assumer toutes ses responsabilités. En disant non à l’ingérence et au mépris. En améliorant ses conditions existentielles. Mais, cette période n’est pas nouvelle et ne dure toujours pas longtemps car toute sa vie, Haïti rêve d’une chose : « se voir prospérer jusqu’à redéfinir l’ordre des choses, comme elle le commença depuis sa naissance en 1804 ». C’est, peut-être sa véritable motivation.
En 1987, Haïti, fatiguée des orientations qu’elle donna à sa vie antérieure, décida de repenser son avenir. Il faut dire que c’était une période fragile pour elle puisqu’à cette époque, elle était atteinte d’une fièvre étrange et que le seul médecin sur lequel elle pouvait vraiment compter c’était elle même.
En 1994, à cause d’un disfonctionnement cérébral, Haïti dut faire une autorégulation, en éliminant partiellement ses jambes au profit des béquilles. Elle fit ensuite appel à une intelligence extérieure pour l’aider à garder l’équilibre. Cela causa, malheureusement plus de peines que de biens. Quelques temps plus tard, elle confronte d’autres problèmes. Cette fois, elle ne peut pas comprendre entre sa décision et celle de ses amis, laquelle est la bonne. Chaque fois, c’est la même chose.
Après une longue lutte avec elle-même. Une lutte qui s’éclata entre sa tête et sa poitrine, c’est-à dire entre son cerveau et son cœur, elle finit par adopter une nouvelle voie. Une voie qu’elle put dominer car tous ses organes en furent acteurs. Elle décida d’adopter un autre mode de vie où tout son corps pouvait se sentir assuré dans son identité et concerné par toutes les décisions qu’elle prendra à l’avenir.
Toutefois, à cause d’une mauvaise répartition de taches et d’un manque important de maitrise, cette voie semble taxée aujourd’hui de désuétude et d’obsolescence.
Qu’est-ce qui reste ? Haïti est quotidiennement malade, elle souffre de la fièvre, de la tension artérielle et d’une faiblesse cérébrale, elle a besoin de médicaments efficaces mais, elle fait appel à ses adversaires pour les lui transmettre. Pas besoin d’être expert pour connaître la finalité.
Par ailleurs, ce qui est important, c’est que malgré toutes les implications malveillantes des étrangers qui se disent amis, ces derniers n’arrivent pas à enlever la résilience et la détermination d’Haïti à vivre dignement et humainement. Car elle possède depuis sa naissance, un talent d’autorégulation, d’auto-défense qui lui garantit une survie à tout moment.
Apres environ deux (2) siècles d’expériences, elle commence à se méfier des amis. Certes elle a besoin d’aide, mais elle est consciente que la seule personne pouvant la fournir tout ce qu’elle a besoin, c’est elle-même. Elle fit trop de perte pour ne pas grandir. A présent, elle doit se refaire. Elle a besoin de réalisations à la dimension de son histoire.
Elle doit enfin comprendre que le mal qui l’empêcha depuis longtemps, ce ne fut jamais des démons mais, sa naïveté et son refus d’assumer ses responsabilités elle-même. Elle est trop sentimentale, trop sincère et trop facile.
Sa plus grande chance, c’est qu’elle n’est pas un individu ou une personne proprement dite. Elle est une multitude de personnes, un peuple hérité de plusieurs civilisations, UNE NATION.
Sa maladie n’est pas incurable, car elle vainquit d’autres maux qui furent plus redoutables.
Haïti est un coin de terre où la nature réunit tout ce qui est bon, tout ce qui est magnifique pour le bonheur de l’homme.
Haïti renaîtra de ses cendres ! »
Altès D. MICHEL