Le pays s'égraine. La politique tourne en rond. Les promesses s’effritent comme poussière de ciment sur le chantier abandonné du Palais National. En Ayiti, la transition s’est tournée en immobilisme kèkal, et le Conseil présidentiel de transition (CPT), censé ouvrir des fenêtres de la stabi, ferme les portes. Massacres répétés. Déplacés sans refuge. Institutions à genoux. Forces de l’ordre débordées. Une affaire BNC, qui éclabousse jusqu’aux couloirs du Palais. Washington qui souffle trop fort sur des décisions censées être souveraines. Les dates passent messieurs-dames. Les crises s’accumulent, avez-vous la moindre conscience ? Le 7 février 2026 approche comme un jugement d'Harmaguédon. La population n’attend plus des discours circonstanciels, mais elle exige une rupture nette et claire, un départ ordonné, une respiration nouvelle. Le CPT a failli à la mission qu’il s’était lui-même attribuée. Dès lors, comment sortir dignement de l’impasse ?
Le 4 avril 2024 devait être un pacte fondateur. Un souffle. Une boussole. Le CPT y avait juré transparence, neutralité, collégialité. Il avait promis stabilité, sécurité, élections. Il avait promis de respecter le calendrier, de ne pas s’accrocher au fauteuil, de servir et non de régner. Or, très vite, l’accord n’est devenu qu’un chiffon méprisable. On l’a refoulé au fond du tiroir négligeable. On l’a froissé. On l’a violé. Article après article. Principe après principe. Et aujourd’hui, tout le monde le voit, donc la transition s’est Alors que les massacres continuent. Macabre rituel. Nuits de feu. Jours de sang. Des quartiers entiers pris en otage par des coalitions armées qui dictent leur loi. Les victimes s’ajoutent aux victimes, comme une litanie sans fin. Le CPT avait promis d’« endiguer la violence ». En contrepartie la violence a débordé sur les rives du mal satanique. Elle s’est installée. Elle a gagné du terrain. Jusqu’à encercler la capitale. Jusqu’à infiltrer les provinces. Jusqu’à plier les institutions. Quel bilan de honte alors?
Puis il y a les déplacés internes. Des dizaines de milliers au départ. Des centaines de milliers aujourd’hui. Plus de 700 000, selon les décomptes humanitaires. Des familles traquées, arrachées, dispersées. Des écoles transformées en dortoirs. Des rues transformées en refuges. Le CPT avait juré un retour rapide à la normale. Quid maintenant messieurs-dames? La normalité n’existe plus. Elle s’efface davantage chaque semaine. Elle se dissout sous les flammes et les rafales.
Les forces de l’ordre, elles tentent. Elles s’essoufflent. Elles manquent de tout : de moyens, de soutien, de cohérence politique. Les opérations annoncées en fanfare se meurent en silence dans le cimetière de la honte. Quelques victoires symboliques, vite avalées par des défaites tenaces. La sécurité reste un mirage. La coordination interinstitutionnelle, un mythe. La stratégie, un brouillard. On navigue à vue. On recule plus qu’on avance.
Dans ce chaos, l’affaire des 100 millions à la BNC s’est invitée comme un poison. Une tache indélébile sur une transition qui prétendait la vertu. Des noms circulent. Des complicités se murmurent. Des responsabilités se cachent. L’opinion observe. S’indigne. Exige des comptes. Le CPT, lui, tergiverse, s’enlise, s’excuse à demi-mot. Dès lors, comment incarner la rupture quand on s’enfonce dans les mêmes eaux troubles que les régimes honnis ?
En arrière ressort, une ombre plane comme des papillons d’été. Celle de Washington. Discrète parfois, pesante souvent. Conseils, pressions, arbitrages invisibles sous le catalpa de la Caricom, de l’OEA. Le CPT ne semble plus décidé, il valide. Ne gouverne plus, il exécute. Le Conseil électoral provisoire (CEP), censé être un organe indépendant, respire au rythme des intérêts étrangers. Les mandats se font et se défont dans les ambassades. La souveraineté devient une formule creuse. Une ornementation diplomatique. Un souvenir partant en mille éclats.
Le 7 février 2026 doit être une ligne claire. Non négociable. Non extensible. L’accord du 4 avril l’avait inscrit comme terme de la transition. La population l’a retenue comme une date-limite. Les partenaires internationaux l’ont reconnu comme un verrou démocratique. Toute tentative de prolongation serait un affront face à la population. Un dérapage anti compromissoire. Une fuite en avant. La transition n’a pas rempli son contrat ; elle ne saurait réclamer du temps supplémentaire. Pour faire quoi alors?
Le CPT doit donc plier bagages. Non par vengeance. Non par pression. Pas même par colère. Mais par nécessité. Pour restaurer une éthique minimale. Pour éviter l’enlisement du peu qui reste de la politique. Pour préserver ce qui reste de cohésion nationale. Pour empêcher que la transition ne devienne elle-même une crise en elle-même qui implose. Partir, ce n'est pas abdiquer la volonté de servir, c’est ouvrir une porte sur la grandeur. C’est permettre une recomposition pour tenter de faire ce qu’il fallait faire depuis 22 mois. C’est donner au pays une chance de respirer autrement.
Le départ du CPT doit être ordonné, préparé, balisé. Il doit déboucher sur une instance plus resserrée, plus crédible, plus compétente d’une institution. Une structure temporaire, focalisée sur deux missions : sécuriser le territoire et organiser des élections Il faut rompre le cycle des transitions à rallonge en s’appuyant sur un plan global et général. Les dirigeants provisoires qui deviennent permanents. Les mandats limités qui s’éternisent. Les crises qui s’auto-alimentent. Le pays étouffe messieurs-dames. L’histoire s’impatiente souple. La population observe, malgré elle.
Le 7 février 2026 n’est pas une date. C’est un avertissement messieurs-dames. Une conclusion de 22 mois d’ingérence. Un verdict réserviste de la population asservie à la misère. Le CPT peut choisir la sortie honorable. Ou subir une sortie forcée. La première option préserve ; la seconde consume. Le moment est venu. Plier bagages, messieurs-dames, pour que le pays, enfin, puisse déployer son avenir avec force.
elmano_endara.joseph@student.ueh.edu.ht
Formation : Masterant en Fondements philosophiques et sociologiques de l’Éducation/ Cesun Universidad, California, Mexico; Juriste, Communicateur social
