Essai d'analyse des causes profondes de la décroissance de l'agriculture haïtienne à partir des analyses de Claude Souffrant dans « La sociologie prospective d’Haïti »

Il est vrai que la décroissance de l'agriculture haïtienne est généralement associée à sa prise dans l’engrenage de la politique commerciale adoptée par l'État haïtien sous l'influence de « l’Internationale communautaire », c’est-à-dire la libéralisation du marché haïtien, mais il y a d'autres causes aussi profondes et fondamentales à analyser tout en évitant une fixation de la communauté internationale.

En effet, la première cause de la baisse de l'agriculture haïtienne, c’est qu'on assiste à l'instauration d'un règne d'oppression dans la paysannerie, face auquel des paysans sont révoltés. C'est-à-dire face à la politique de « l’école d'enfermement », du « refoulement » et du mépris des paysans mise en œuvre par les manitous de Port-au-Prince, les seuls fils légitimes d’Haïti, découle une situation de révolte non dans le sens restreint du terme.

Pendant longtemps le rural haïtien ou Haïti d'une manière générale, avec un très faible écartement de l'analphabétisme aujourd’hui, est assujetti à une « école d'enfermement ». Cette école ne permet presque pas la mobilité sociale. Pour Claude Souffrant, une « école d’enfermement » est une école qui garde continuellement ses apprenants dans le plus bas niveau de l’échelle sociale. Notons que l'agriculture est la principale activité économique des paysans. Cependant, l'agriculture haïtienne est encore traditionnelle. Puisque l'agriculture haïtienne n'est pas modernisée, elle nécessite une main-d’œuvre très forte. C’est pour cela qu'avant le pays n’a pas été urbanisé. L'agriculture n'a pas libéré la main-d’œuvre faute du progrès technique, en interprétant les idées du sociologue. Donc, les paysans qui sont des analphabètes pour la plupart à cause du refus de faire la scolarisation de masse dans la paysannerie, et/ou ceux qui sont piégés dans « l’école d'enfermement » pour d'autres sont profitables à cette forme d'agriculture. C'est ainsi jusqu’à la fin du XXe siècle qu'une masse de paysans pratiquaient encore de l'agriculture purement ancestrale, avant de fuir l'activité. Les paysans haïtiens n'ont pas une école leur permettant de faire un dépassement culturel et spirituel. Leurs cultures n'ont pas vraiment évolué. Par conséquent, « l’école d'enfermement » a permis de conserver la culture paysanne. Et elle la garde « sous le nom de l'identité haïtienne », selon les analyses de Souffrant. Donc, dans le sens de Souffrant, il y a une absence de mouvement dans la paysannerie. Mais, malgré que les paysans utilisent des techniques et pratiques qui n'offrent pas une productivité raisonnable, l'agriculture haïtienne nourrissait presque entièrement la population, parce qu'un grand nombre de paysans cultivait la terre, car, ils étaient plus nombreux que les citadins. On était encore dans l’ère agraire.

Dans un contexte tel, des barrières socio-éducatives et culturelles sont érigées contre des paysans, donc ils ne peuvent pas accéder aux privilèges réservés aux citadins. Cela les rend démunis. Privés de certains accès comme l’école, l’électricité, d'un emploi prestigieux, le loisir et des services administratifs, ils sont donc refoulés par le système instauré par le cartel de Port-au-Prince. Certaines positions sociales ne leur appartiennent pas, mais plutôt à ceux ou celles qui étaient au Collège Saint-Louis, Saint Martial ou autres grands collèges de Port-au-Prince. Les paysans n’ont pas de réseaux à Port-au-Prince. Or, en même temps qu'une politique de refoulement est pratiquée contre des paysans, les techniques de culture utilisées par eux deviennent inefficaces, le marché agroalimentaire est libéré, donc la misère progresse dans la paysannerie. En conséquence, la paysannerie est désorganisée sous le poids de la misère. Le marronnage est donc réédité par les paysans, mais à contre sens, des mornes vers les villes pour ne plus pratiquer l'agriculture.

C’est pourquoi la paysannerie haïtienne dégrossit et l'agriculture suit la courbe, car bon nombre de paysans abandonnent la terre pour se rendre dans des centres urbains ou dans la Capitale haïtienne. Ainsi, assiste-t-on à une urbanisation non planifiée en Haïti. Certains parlent « des villes ruralisées ». Les villes haïtiennes sont explosées, car elles sont l'Eldorado des paysans haïtiens. Les Haïtiens se sont aussi attirés par les villes étrangères, parce que selon Souffrant, l'expansion des industries permet le dépassement des limites des peuples dans toute situation de chômage. Pour cela, le sociologue croît que le phénomène de la migration est lié à l’absence de progrès technique dans le pays. C'est une forme de révolte calme des paysans contre le mépris et le refoulement formés des gens soi-disant cultivés à leurs égards.

Enfin, des paysans-agriculteurs, anciennement producteurs, mais non capitalistes, sont recrutés par le prolétariat, selon la pensée marxiste. Beaucoup d'entre eux laissent les mornes pour venir travailler dans des usines d'assemblage à Port-au-Prince. Et ces « paysans acculturés » qui étaient généralement des gens froids, maintenant frustrés de leurs conditions de vie dans des bidonvilles qu’ils espéraient changer en émigrant vers la ville, deviennent de plus en plus agressifs, explosifs, et constituent une menace de paix pour des gouvernements et la société en général.

 

Lopkendy JACOB

Lopkendyjacobrne@gmail.com

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