Haïti: une démocratie sans des démocrates

Dragan Matic écrit : « Il est vain, voire trompeur, de parler de démocratie lorsqu’il n’existe pas une répartition des richesses suffisantes entre les citoyens. »

Partant de cette citation à savoir qu’il doit y avoir une certaine corrélation entre la démocratie et le bien-être collectif de tout un peuple, donc parler de ce sujet dans ce court texte, c’est chercher à comprendre cette dynamique dans les labyrinthes d’une longue transition démocratique qui n’en finit pas.

C’est aussi chercher à comprendre à travers le combat au quotidien des nationalistes haïtiens, les embûches imposées par l’oligarchie locale rapace et les pays occidentaux qui sont dans l’ensemble, les vrais obstacles à la démocratie en Haïti. 

La démocratie c’est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple, disait l’ancien président des États-Unis Abraham Lincoln. Cet idéal qui a vu le jour en Grèce, particulièrement à Athènes, est devenu aujourd’hui une exigence et même une obsession pour la communauté internationale dans de petits pays comme Haïti. 

Mais si on tient compte de l’ingérence démesurée des puissances occidentales  dans les affaires politiques des petits pays, on comprendra aisément que cette communauté internationale, dans la pratique, applique une démocratie toute affaire différente de celle que parlait l’ancien président Lincoln. 

Ainsi dit, face à des dérives politiques en Haïti des dernières décennies, ce ne serait pas une mauvaise chose si on questionne les problèmes de la démocratie dont certains voient comme une idée du despotisme de la masse manipulée dans bien des cas par des politiciens traditionnels sur le terrain aussi bien que des faux amis de la communauté internationale.

Le processus démocratique initié en Haïti depuis plus de trente ans, particulièrement dans un contexte de l’après-guerre froide ou de nouvel ordre mondial, semble jusqu’à présent rencontrer des difficultés de pratiques dans le pays.

Les élections post Duvalier coûtaient des millions de dollars au Trésor public aussi bien qu’aux pays représentants, membres de l’organisation des Nations unies dans leurs contributions techniques et logistiques. 

Malheureusement, ces millions de dollars avaient, avec les ingérences à outrance de l’occident dans le choix des candidats ou de coup d’État contre des présidents populaires, été mal utilisés au processus démocratique. Ainsi, plus de trente-six ans après le 7 février 1986, ces millions n’ont pas pu aider au renforcement des institutions démocratiques du pays, voire améliorer la situation socio-économique du peuple haïtien. 

Ces millions, gaspillés dans de processus électoral et dynamique démocratique, ont, en réalité, servi à enraciner le statu quo du système corrompu dont leurs politiques publiques entravent et compliquent chaque jour le développement d’Haïti. 

Ce sont des occasions ratées dans une dynamique démocratique avec des politiciens sur le terrain et une communauté internationale stoïque dans leur position statique de déstabilisation du pays.

L’histoire politique des dernières élections en Haïti nous enseigne comment des pays occidentaux ont, tout en supportant des mouvements anti-démocratiques de toutes sortes, sapé pendant plusieurs décennies le processus démocratique qu’ils avaient eux-mêmes encouragé après le départ du dictateur Jean-Claude Duvalier le 7 février 1986.

L’exemple classique de sabotage le plus récent de l’international est le coup de force contre un président populaire en 2004. Puis, la présence d’une Mission des Nations unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH). Mais après plus de dix ans de soi-disant d’apports techniques et logistiques à des institutions locales, cette mission salvatrice, avec la complicité du Core Group dans des élections frauduleuses en Haïti, à leur départ, avait laissé un pays beaucoup plus déstabiliser qu’avant leur rentrée en 2004.

De gouvernement de bandits légaux et alliés de G9, Haïti fait peur. Au point qu’aujourd’hui, vu l’incapacité des forces de l’ordre à ressourdre les problèmes de l’insécurité généralisée dans le pays, même de mauvaises élections, l’État haïtien ne peut pas  organiser.

Ceci étant dit, mis à part du problème de répartition des richesses entre les citoyens, face à l’incapacité des autorités à pouvoir organiser des élections pour renouveler le mandat des élus, on continue de parler de démocratie sans des hommes et des femmes à des postes électifs des pouvoirs politiques décisionnels.

 

Une démocratie sans des élus

En cinq ans de mandat, le gouvernement Tèt Kale première version, supporté et toléré par l’international dans le sabotage de ce qui restait des acquis démocratiques,  n’avait organisé aucune élection. Où si, en fin de mandat, il y avait une tentative de le faire, c’était pour, vu tous les irrégularités et vices de forme à la base, finalement être annuler et refaire par l’administration du gouvernement de transition.  

C’était cinq ans gaspillé dans un semblant de démocratie avec des apprentis dictateurs qui, dans les labyrinthes d’une transition qui n’en finit pas, étaient incapables d’organiser des élections générales pour le renouvèlement des élus. 

Et en fin de compte, depuis le scrutin contesté de novembre 2010 et de mars 2011 qui avait porté le musicien immoral à la présidence aussi bien que d’autres alliés au casier judiciaire du Core Group au parlement, la dernière fois qu’il y avait eu des élections en Haïti, c’était en novembre 2016. À cette époque, le taux de participation des électeurs à ce scrutin était de moins de 20 %. 

Depuis lors, seuls les donneurs de leçon internationaux et alliés locaux du pouvoir des bandits légaux parlaient de démocratie. Bien entendu, d’une démocratie sans actions démocratiques.  

Mais au moins il y avait des élus avec un mandat qui, avec tous les privilèges, déshonorablement, gaspillent l’argent de l’État pour ne rien faire...puisque, même des mauvaises séances de la honte qui déshonorent la République, ces déshonorables mals élus les faisaient très mal. 

À malin, malin et demi. Puisque c’était à ce moment des gaspillages de l’argent de l’État pour des nuls, des massacres à répétition dans les quartiers populaires, où tout semblait aller bien pour les autorités corrompues d’un État de bandits légaux que, le 7 juillet 2021, un commando avait assassiné le président de la République en sa résidence privée.  

Plus de dix-huit mois après son assassinat, comme il n’y avait pas eu d’élection présidentielle pour le remplacer, donc il y a un Palais national, encore sous les décombres du tremblement de terre du 12 janvier 2010, avec un budget très élevé de fonctionnement, pourtant sans un président. 

Quant aux députés de la 50e Législature, ils étaient partis depuis bien longtemps pour, finalement ne pas se revenir ou non plus se faire remplacer à la Chambre basse au Bicentennaire. 

Ils ne sont pas retournés pour légiférer dans leurs malversations politiques contre les masses  défavorisées dans les quartiers populaires. Ces déshonorables en attentes d’autres élections frauduleuses pour, dans des combines politiques, agiter et continuer à négocier de leurs votes lors des séances de ratification d’un chef de gouvernement sont, aujourd’hui, en chômage et risquent d’être des chômeurs pour longtemps.

Entre-temps, depuis le renvoie d’un tiers de sénateurs par le président de la République le deuxième lundi de janvier 2020, il y restait seulement un petit groupe de dix déshonorables qui, au frais de la République, étaient, eux aussi payés pour ne rien faire.  

Mais, finalement, le lundi 9 janvier de cette année, avec le départ de ce dernier tiers du sénat, il n’y a plus de sénateurs à la Chambre haute. Pas même un seul déshonorable pour continuer à déshonorer la République.  

Et ce n’est pas seulement le parlement qui est privé de ses mauvais larrons qui, dans  bien des cas, étaient mal élus. Faute d’élections depuis plus de six ans, les mairies de toutes les villes du pays sont aussi orphelines de leurs maires.

La démocratie, à travers d’élections crédibles et transparentes, même formellement instaurée, peut, dans une certaine mesure, particulièrement dans les pays pauvres, rester une idée théorique. Mais les élections de renouvellement des élus, surtout dans le cadre d’une échéance politique, même lorsqu’elles peuvent être très coûteuses pour le Trésor public, elles ne sont pas des dépenses inutiles, puisque les obligations démocratiques sont remplies.  

Elles le sont, parce que c’est le passage obligé au processus démocratique. Cependant elles sont insuffisantes si toutefois rien n’est fait pour qu’à travers des distributions de richesses les conditions de vie des masses défavorisées soient changées. 

De plus, parler de démocratie implique des élections crédibles avec la participation de tous les citoyens aussi bien des partis politiques.  

Pour parvenir à un tel projet, indispensable à la survie au processus démocratique, les partis politiques et la société civile doivent tenir compte des mauvaises expériences du passé. Surtout après le départ de Jean Claude Duvalier le 7 février 1986. Et finalement divorcer avec les anciennes pratiques du jeu politique macabre établi par des politiciens traditionnels. Ceci a pour objectif de préparer le terrain, propice pour l’apparition sur la scène de nouveaux acteurs politiques équipés de nouvelles méthodes de changements et de nouvelles configurations stratégiques.  

En se faisant, les élections arriveront à remplir de nombreuses fonctions importantes dans la société. Elles parviendront à socialiser, institutionnaliser l’activité politique, et surtout rendre possible l’inclusion de beaucoup de citoyens à des postes politiques de grandes décisions sans pour autant passer par le bouillonnant à travers des manifestations, des émeutes, ou des mouvements de révolutions.  

Parce que les élections offrent, à travers le renouvellement d’un calendrier électoral, un accès régulier au pouvoir politique où les dirigeants peuvent être remplacés l’un ou l’autre sans pour autant d’être renversé de force.  

Ces dirigeants seront en mesure de le faire parce que l’élection aura une légitimité à leurs yeux aussi bien qu’à ceux de leurs électeurs. Par ce que, l’élection est universellement reconnue et acceptée comme étant la seule méthode juste et libre de choisir dans une dynamique démocratique,  les dirigeants politiques.

Et c’est cette dimension que les hommes et femmes politiques, les autorités haïtiennes et ses amis de l’international n’ont pas, jusqu'à  présent, fait preuve quand ils parlent de démocratie. Encore, c’est une démocratie sans action démocratique.

Ainsi, plus de trente-six ans après le départ pour l’exile de Jean-Claude Duvalier le 7 février 1986, Haïti continue de faire face aux crises institutionnelles.   

Entre-temps, les acteurs politiques sur le terrain, eux, ils font passer du temps. Et dans leurs stratégies de faire passer du temps de sorte qu’ils puissent en jouir tous les privilèges et tirer suffisamment de profit d’un pouvoir de facto, les autorités illégitimes continuent, dans un fait semblant de recherche de solution à la crise d’instabilité politique, de signer des accords. Des accords qui, chaque jour, désaccordent davantage la société haïtienne. 

Donc, face à ce dilemme, parler de démocratie sans démocrates en Haïti, c’est constater que depuis le deuxième lundi de janvier 2023, il n’y a plus d’élus aux postes politiques du pays. C’est aussi constater qu’en dépit des efforts des patriotes progressistes pour essayer de trouver un compromis sociopolitique viable à une crise d’instabilité qui a trop durée, malheureusement, la main intouchable des puissances occidentales et impérialistes internationales aussi bien de l’oligarchie locale est toujours là pour faire avorter leurs rêves les plus humanistes de ces nationalistes et les transformer en des cauchemars inédits.  

« Même si vous êtes seul et que personne ne vous suit, défendez toujours ce qui vous parait juste ». Et c’est ce que je suis en train de faire à savoir: dénoncer, dans l’ère de la démocratie, la dictature d’un tyran imposé des donneurs de leçon. 

 

 

Esaü Jean-Baptiste

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