Mon amour, mon geôlier

Acte IX

Reprenant ses esprits, Judy passe une main sur sa figure. Elle ne voit rien, il semble qu’elle ait un bandage autour de la tête. En tapotant, elle essaie de comprendre.

-Il y a quelqu’un? demande-t-elle faiblement. À ce moment, elle ressent une douleur vive au  niveau de la poitrine. Qu’est-ce qui se passe?

-Oh, mon Dieu, merci! Ma chérie, tu es réveillée. Tu as trouvé la vidéo?

-Maria?, dit Judy en touchant ses yeux aussi cachés sous le bandage, qu’elle cherche à défaire. Mais qu’est-ce qui se passe? Où suis-je?

-Ma chérie, tu es à l’hôpital. Non, tu ne dois pas le défaire.

-Mais, que m’arrive-t-il?

-Tu t’es fait attaquer…

-Ah! Et?

Au fur et à mesure, Judy commence par se rappeler ce qui s’est passé. Elle venait de rentrer chez elle, lorsqu’elle est tombée sur un voleur à la maison.

-Tu dois rester sous surveillance pendant quelque temps. Tu as eu une hémorragie interne, quelques commotions sur la tête et plusieurs bleus.

-Eh bien, ce n’était pas mon jour de chance. Je suis là depuis combien de temps?

-Une semaine.

-Oh! geint-elle. Et depuis, tu es là tous les jours? Je ne me suis réveillée qu’aujourd’hui? s’inquiète-t-elle. Dire que je ne me souviens de pas grand-chose.

-Non, c’est sans doute l’effet des médicaments.

-Oh, je suis tellement navrée pour tous les soucis…

-Chut, lui fait Maria en prenant sa main dans la sienne. Ne t’en fais pas pour ça.

En entendant le son de l’électrocardiogramme, Judy se dit qu’elle ne pouvait pas mieux tomber.

***

À mesure que les jours passent, Judy se remet peu à peu. Aujourd’hui, l’infirmière va lui enlever cette nuisance sur la tête. Elle en avait presque assez de seulement avoir à écouter les gestes, les bruits de son environnement, à renifler les odeurs des médicaments qui font partie de sa vie depuis quelques jours.

-Quand est-ce que je pourrais rentrer?

-Bientôt. Dr. Laviolette tient à vous faire faire des examens avant de vous laisser partir.

-Quelque chose ne va pas? s’affole Judy tout à coup.

-Non, non, tout va bien. C’est juste une question de routine. Vous allez pouvoir rentrer chez vous bientôt, lui rassure l’infirmière.

À cette seule idée, Judy frémit de la tête aux pieds. Jamais plus, elle ne remettra les pieds dans cette maison, où elle a failli rendre l’âme. Jamais! Alors, où ira-t-elle? Elle n’a où aller à part cette résidence de campagne. Un endroit, très loin des tumultes de la capitale. Ce serait vraiment l’occasion de se retirer quelque temps… Aller retrouver Nanie. Trop de malheurs depuis que cet homme a débarqué de nulle part. Non, s’est évadé de préférence de prison, pour faire irruption dans sa vie, une vie il y a quelques jours de cela, si calme, si paisible… presque insipide.

En très peu de temps, Judy a fini par développer un sixième sens. Elle devait aussi songer à sa sécurité. À peine que la personne ait déposé la main sur la poignée de la porte, elle en est alertée.

-Qui est là? demande-t-elle sur ses gardes lorsque la personne passe la porte.

-Tu ne crains rien.

Et au son de cette voix, Judy sent une décharge électrique traverser tout son corps meurtri.

-Gail?! Qu’est-ce que tu fais là? On me surveille, comment as-tu fait pour rentrer?

Pour toute réponse, il prend sa main dans la sienne. Une caresse qui lui fait oublier un instant ses malheurs. Elle aurait aimé qu’il la prenne dans ses bras pour la serrer si fort, jusqu’à ce qu’elle en ait le souffle coupé.

-Comment te sens-tu?

-Je ne sais pas. Je suis sous sédatif. Je n’arrive toujours pas à faire grand-chose. J’ai mal ici, dit-elle en indiquant sa cage thoracique.

Dans d’autres circonstances, elle aurait aimé goûter la douceur de cette main sur son corps, mais, là, ça lui fait vachement souffrir.

-Ici?

-Oui, fait-elle.

-Et là? demande-t-il, appuyant toujours avec fermeté.

-Hum, hum…

-Tu ne pourras pas rester ici plus longtemps. Il va falloir faire les examens au plus vite. Je t’avais averti.

-Oui, tu avais raison. Je n’avais pas su écouter, concède-t-elle. Mais… c’était tellement invraisemblable.

-Arrête de parler.

-J’ai cherché à entrer en contact avec ton détective.

-Quel détective?

-Celui que tu as engagé.

-D’où sors-tu cette histoire? C’est nouveau, je n’ai engagé personne.

Judy se tait un instant et essaie de comprendre ce qui ne va pas dans tout ça.

-Si je dois t’aider, tu dois me dire toute la vérité.

-Tu crois vraiment pouvoir aider quelqu’un là où tu es?

-J’ai subtilisé son numéro à ma secrétaire. Je lui ai laissé un message disant que je tenais à le rencontrer, lui laissant mon adresse.

-Tu es malade? s’exclame Gail dont le ton de la voix fait sursauter Judy. Tu comptes te jeter en pâtures aux chiens? Comment peux-tu vouloir rencontrer une personne que tu ne connais pas dans ta maison? Je n’ai aucune idée de qui ça pourrait être, je te le redis, je n’ai engagé personne. Tu ne dois plus te mettre en danger de telle sorte. D’ailleurs, je ne vois même pas comment tu te retrouves mêlée à tout ça, lâche-t-il anxieux, les sourcils froncés.

Judy esquisse un faux sourire.

-Quoi que je fasse, j’ai bien peur de n’être désormais en sécurité nulle part.

Il lui caresse tendrement le visage encore couvert de bleus, qui vont sûrement prendre du temps pour s’estomper complètement.

-Pourtant, s’il n’était pas arrivé à temps, je crois que cet homme m’aurait finalement tué.

À ce souvenir, une larme perle aux cils de la jeune femme.

-La police croit que c’est quelqu’un qui était rentré par hasard, moi, je sais qu’il cherchait quelque chose de particulier. Quoi? Je l’ignore. Et, dommage qu’il se soit enfui et ne soit plus là pour dire qui l’avait envoyé. Oh, Gail, j’ai peur.

***

Telle une nuée de tourtereaux, de lourds nuages gris courent dans le ciel. L’air est chargé d’humidité. Judy allongée sur une chaise longue sur la véranda est loin dans ses pensées. Que de choses se sont passées en si peu de temps. Là maintenant, elle espère faire une pause. Penser une fois à sa vie. À la vie. Si courte. Judy préfère, certaines fois, ne pas imaginer ce qui se serait passé si ce mystérieux détective n’était pas intervenu à temps. Mieux vaut tout oublier. C’est déjà bien loin, tout ça. Elle est en sécurité maintenant et profite de sa convalescence pour goûter aux plaisirs de la vie. Tellement belle… Tellement imprévisible que des fois, on a envie de lui dire : Hé, toi! Fais voir ce que cachent tes mains? Tant qu’elle peut nous surprendre. Et, peu importe parfois ce qu’elle nous réserve, rien ne vaut la vie. Rien ne vaut une vie.

Les premières gouttes de pluie s’abattent sur la nature qui frissonne à chaque fois, comme une première fois. Judy en ressent elle aussi, une vive euphorie, comme si elle faisait une avec elle. Elle se retient un moment d’aller courir sous cette pluie d’étoiles et de hurler à tue-tête son bonheur d’être là, en vie et de pouvoir toucher cet instant. Quoi qu’il en soit, rien n’arrive au hasard. Tout à un but. Ce soir, elle ne peut pas aller sous la pluie… Pas aujourd’hui… Bientôt… Des pluies… Il y en aura encore et encore jusqu’à la fin des temps. Même au paradis. Ce qu’il lui faut, c’est un peu de repos. Elle a de la chance d’avoir trouvé quelqu’un pour prendre soin d’elle, en ce moment précis. Sinon, elle en serait perdue. Il est arrivé dans sa vie au bon moment. Et avec lui, Judy n’a qu'à fermer les yeux et…

-Mais, pourquoi restes-tu sous la pluie?

-Je voudrais bien aller y danser, répond-elle avec un sourire narquois.

-Au lieu de rétorquer, tu ferais mieux de rentrer, dit-il en lui prenant par le bras.

Une fois debout, il l’attire jusqu’à lui et la prend dans ses bras. Elle ferme les yeux. Un instant de pur bien-être. Enlacés tous les deux… bercés par la pluie qui murmure un doux refrain.

Ce qu’elle adore la pluie!

-C’est l’heure de prendre tes médicaments.

Doucement, Judy se laisse aller dans ses bras. Elle se sent tellement bien avec lui, si doux et si attentionné. Rien ne lui échappe. Il l'embrasse affectueusement sur le front avant de la précéder à l’intérieur.

Après avoir aidé Judy à prendre ses médicaments et s’assurer qu’elle ne manque de rien, Gail s’apprête à quitter la chambre.

-Tout va bien? lui demande-t-il.

-Non, répond-elle.

-Qu’est-ce qui ne va pas?

-Je veux que tu restes avec moi, avoue-t-elle en lui tendant une main.

Sans se faire prier, Gail lui prend la main pour ensuite se faufiler dans les draps à côté de la jeune femme qui se blottit tout contre lui comme on s’attache à un rêve. S’enivrant de son parfum, elle se serre plus fort, prête à se perdre en lui.

Dehors, la pluie s’acharne…

 

 

***

Cette maison rappelle à Judy tant de beaux souvenirs. Elle et son père venaient tous les ans pour y passer Noël. Et aussi, chaque fois qu’ils en avaient l’occasion. Noël arrive à grands pas. Une fête de famille, d’amour et de partage. Judy se rend compte combien elle est seule dans la vie. Elle aura bientôt 25 ans… Et alors? Oui, un bon boulot, si! Mais, pourquoi les femmes doivent-elles toujours penser qu’il leur faut un mari, une maison avec des rejetons? N’est-ce pas un peu dépassé? Sa mère n’est-elle pas morte justement quand son accouchement a été compliqué? Peut-être qu’elle a toujours eu peur inconsciemment? Peur de s’engager pour ne pas qu’il lui arrive la même chose? Bien que dans une relation, rien ne la forcerait à avoir des enfants.

-Tu aimes les enfants? demande Judy brusquement à Gail en train de l’aider à décorer le sapin de Noël.

-Tu veux dire si je veux avoir des enfants? reprend-il?

Elle le regarde seulement pour toute réponse.

-Je trouve qu’ils sont merveilleux. Et je voudrais bien avoir deux ou trois fils pour la postérité…

Bien entendu, Judy ne s’est pas trompée. Tous les mêmes, qui croient que les femmes sont des pondeuses. Et en plus ils ont des préférences…

-Une fille ne te ferait pas plaisir?

-Toutefois, c’est à ma femme de savoir si oui ou non, elle veut avoir des enfants. Il y a toujours l’adoption, il y a tellement d’enfants qui sont dans l’attente d’une famille… Tu me donnerais une fille?

Cette question trouble Judy plus que de raison. Ce n’est pas ce à quoi elle s’attendait.

-Euh… moi? répète-t-elle comme s’il pouvait s’agir de son ombre. Comment?

Mais avant toute chose, il devrait y avoir quelque chose entre eux d’abord, non? Du genre… Mais, non! Il n’y a rien. Il n’y aura rien. Combien de fois, l’a-t-il repoussée, déjà? C’est clair que le courant ne passe pas entre eux deux. Il a beau être agréable, affectueux et prévenant avec elle, mais elle doit reconnaître qu’elle n’est pas son genre de fille. Il vient tout à l’heure de lui parler de sa femme. Parbleu! A-t-elle vu sa femme? Une bombe! Elle, elle n’a rien de spécial. En un mot, elle est ordinaire. Elle n’a pas cet élan qui attire… Et attise…

-Tu vas bien? demande Gail qui dépose sur le parquet, la boîte de guirlandes qu’il tenait pour venir la prendre dans ses bras.

Au lieu de répondre bêtement que ça va, pourquoi ne joue-t-elle pas franc-jeu? Oui? Et pour lui dire quoi? Qu’il lui plaît? Ou qu’elle est amoureuse de lui? Comment devient-on amoureux? Que disent les écoles déjà? Bon il n’y a pas de courant de pensée, mais croit-elle qu’il suffit d’un simple regard pour que tout s’effondre? C’est clair qu’il ne fait rien pour marquer leur relation. D’abord, comment devrait-il marquer cette relation? N’est-il pas là pour elle, alors qu’elle a besoin de lui? Ne pas lui avoir fait l’amour alors qu’il en avait l’occasion ne signifie pas qu’il ne l’aime pas. C’est une vision bien réductrice de l’amour que de penser qu’il se limite parfois à l’acte sexuel. Au contraire, il la respecte et a su la protéger. Si cette jeune femme veut savoir, ce n’est vraiment pas le moment. Il suffit de réfléchir au nombre de jeunes femmes vulnérables, qui se sont faites violer, abuser, ou encore se sont retrouvées dans l’obligation de se donner dans des conditions qu’elles regretteront, des vies entières. Elle devrait le remercier pour sa présence inconditionnelle dans sa vie, à un moment où sans lui, elle serait peut-être livrée à elle-même.

-Oui, merci, murmure-t-elle. Merci pour tout… Merci d’être là pour moi.

Oui, c’est cela de la reconnaissance.

 

 

***

Judy s’éveille en douceur par le bruit du vent et l’odeur de la pluie qui entrent par la fenêtre. Gail est là. Dans la fraîcheur des draps de coton, allongé à ses côtés. Elle le contemple longtemps à la lueur de la lampe de table avant de se résoudre à aller fermer les fenêtres. Si près, mais pourtant si loin. Elle se lève, écarte la moustiquaire et se dirige vers le balcon. Sa chambre a vue sur le jardin. Un magnifique jardin de rêves. L’un de ses coins préférés dans la maison. Judy pousse un soupir. Au final, elle croit que c’est la maison toute entière qu’elle adore. Cette maison qui garde intacte, à l’abri du temps, de si merveilleux souvenirs…

Judy ferme les fenêtres pour descendre se préparer une tasse de thé vert, profiter de la pluie qui lui offre un doux réconfort, mais aussi calmer ses sens enflammés. Elle est comme envoûtée. Prisonnière d’un enchantement.

La cuisine, une grande pièce fraîche et unique. Si familière qui lui rappelle tant de bons moments. Judy s’assoit sur une chaise et laisse bercer son esprit par le chant de la pluie qui s’intensifie. Mais, elle est trop vite ramenée à la réalité par le sifflement de la bouillotte sur le feu. Judy prend sa tasse et va s’appuyer contre la porte-fenêtre. La tête renversée, elle referme les paupières, respire un bon coup et s’abandonne à la douce mélodie de la pluie qui crépite sur les feuilles les faisant danser fébrilement. Sans savoir pourquoi, elle voudrait qu’il soit là. Jouir de cet instant avec elle. Et, elle frémit comme les feuilles sous la caresse de l’eau, lorsqu’elle sent ses bras l’entourer. Quelle connexion! Doucement, elle se laisse aller contre lui en savourant la délicieuse sensation de son corps pressé contre le sien. Gail caresse le long de son bras, referme les mains autour de ses épaules. Son souffle chaud caressant son cou, voyage dans tout son corps pour lui procurer une sensation d’ivresse. Doucement, il lui fait faire volte-face. Lorsqu’elle se retourne, elle se retrouve perdue tout au fond de ses yeux. Il lui prend la tasse des mains, qu’il dépose sur la table basse qui se trouve dans un coin de la fenêtre, faisant ainsi tomber la seule barrière qui les séparait. Plus aucune frontière. La porte est maintenant ouverte sur un autre monde. Un vieux monde où ils attendaient longtemps ce moment de se retrouver. Gail se penche pour cueillir les lèvres de la jeune fille, laissant échapper un soupir rauque de désir. Mais, brusquement, la jeune femme se dégage de son étreinte et se sauve dans la douceur de la nuit. L’attirance qu’elle éprouve pour lui est insensée. Il ne pourra rien exister entre eux. Judy se souvient avec amertume comment il avait mis fin à leur étreinte, la dernière fois dans la voiture. Elle ne veut plus être rejetée. Cela devient insupportable.

-Je suis désolé. Je ne veux pas te faire de mal. Dès le premier jour, j’ai eu ce besoin viscéral de te protéger… Tu es tellement douce, fragile et innocente, avoue-t-il d’une voix chaude et profonde lorsqu’il la rejoint dans la chambre.

Il lui caresse lentement la joue avec son pouce.

-Je t’aime! Je t’ai aimé dès l’instant où je t’ai vue pour la toute première fois.

Dehors, la pluie tombe de plus en plus fort.

Judy ferme les yeux, essayant de calmer les battements désordonnés de son cœur.

-Ce que je ressens pour toi, je ne l’ai jamais ressenti pour personne d’autre avant toi, déclare-t-elle d’une voix mal assurée.

Gail l’entoure de ses bras. Ses lèvres effleurent les siennes. Elle sent la tiédeur de son souffle sur ses lèvres et ferme les yeux, bouleversée.

-Je t’aime aussi, a-t-elle voulu dire, mais les mots se meurent lorsqu’il prend sa bouche dans un baiser doux et langoureux.

Le vent souffle.

La pluie se déchaîne, comme eux deux, emportés par le feu dévorant de cette passion. Ils s’embrassent. Éperdus. Haletants. Avec la peur que ce moment ne leur file entre les doigts. C’est merveilleux de céder enfin à son désir, de s’abandonner.

Une étrange sensation de bonheur s’empare alors de la jeune femme qui se laisse guider par son instinct de femme en aidant son amant à se débarrasser de ses vêtements, pour assouvir enfin ce besoin de le toucher…

Les rafales du vent mugissant dans les arbres dehors, font corps avec leurs soupirs et leurs gémissements, dans une nuit douce et profonde qui s’annonce d’être très longue…

***

Les jours au côté de Gail coulent doux comme dans le plus beau, le plus fou des rêves. Elle est réveillée depuis un bon moment déjà, mais elle préfère rester blottie contre la douceur, que lui procure la chaleur du corps de l’homme endormi à ses côtés. Judy se demande certaines fois, que serait une vie sans fin à ses côtés? Elle prend son temps pour le regarder dormir. Tellement beau dans son sommeil. Judy lui caresse tendrement les cheveux du bout des doigts, portant les yeux lentement vers la fenêtre, attirée par le chant des oiseaux dans les branches. Pas de soleil. Le ciel est morne. Mais, une chaleur intense inonde le cœur de la jeune femme qui commence à aimer cette nouvelle vie. Se réveiller comme cela un matin et regarder dormir l’être aimé avec un sourire aux lèvres est une sensation si pure qui fait bondir le cœur de joie. Être la première à le voir sourire au petit matin est merveilleux. L’embrasser et le serrer dans tes bras est tout simplement magique!

-Tu es magnifique, dit-il en relâchant doucement son étreinte.

Judy porte une main sur sa bouche comme pour retenir le dernier souffle de ce baiser qu’ils viennent d’échanger.

-Tu as bien dormi? demande-t-elle timidement.

-Me réveiller à tes côtés est le plus beau des cadeaux.

Il laisse sa main glisser sur la joue de Judy, caresse sa bouche. Il y a longtemps qu’elle n’a pas été aussi heureuse. Depuis la mort de son père. Gail, est-il venu combler ce vide? Le cœur de Judy se serre soudain à l’idée de le perdre un jour.

-Je ne te quitterai jamais, lui jure-t-il, comme s’il avait lu le fond de ses pensées.

Judy aurait bien aimé le croire. Mais, il y a sa femme… Il y a la prison d’où il s’est échappé. Que de choses pour lui ravir cet homme, dont elle commence à en devenir follement amoureuse. Il vaut mieux ne pas penser à tout cela pour l’instant. Il existe sûrement un moyen de surmonter tout ça, se rassure Judy essayant de faire taire cette petite voix téméraire dans sa tête. Même si elle sait qu’elle a raison. Et, qu’elle et lui ne viennent pas du même monde.

***

Le ronflement d’un moteur de si bon matin attire l’attention de tout le monde y compris de Nanie qui ne cache pas sa surprise.

-Tellement longtemps qu’on n’a pas reçu de visite…

Judy ne dit rien, mais se demande qui cela pourrait être aussi. Elle avait éteint son portable. C’étaient les vœux de son père : pas de téléphone, pas d’Internet. Cette maison doit rester ce qu’elle est. Un havre de paix. Un endroit dans la nature où se réfugier, se ressourcer. Elle n’attend personne. Elle se lève pour regarder par la baie vitrée.

-Zut! C’est Maria.

Maria?

-Vite! Tu dois te cacher, elle ne doit pas te voir.

-Tu n’as qu’à lui demander de partir, que tu ne l’attendais pas.

-Non, je ne peux pas, dit Judy en dansant comme une enfant prise en faute. 

-De plus, elle est avec sa nièce.

-Sa nièce?

-Oui, Mercedes ta femme.

-Comment sais-tu?

-Viens, tu dois te cacher.

-Je n’irai nulle part. Ces deux complices cherchent quelque chose et elles vont le trouver.

Ces mots font revenir à l’esprit de Judy cet instant à l’hôpital où, Maria lui avait demandé si elle avait trouvé la vidéo. Quelle vidéo? Elle avait failli quitter sa peau et la première chose qu’elle avait songé à lui demander, c'était une chose banale. Après tout, peut-être pas banale du tout. C’est sans doute cette même chose que cherchait le voleur.

-S’il te plaît, cache-toi. Je ne veux pas rester seule, geint-elle. Si elle te voit, elle va encore alerter la police. Je ne veux pas que tu ailles en prison, insiste Judy avec toute la peine qu’elle ressentirait si cela arrivait.

-Non, elles ne feront pas ça.

-Comment peux-tu en être si sûr? Alors, pourquoi les appelles-tu conspiratrices?

-Je me suis fait piéger, je ne peux faire confiance à personne.

-Cache-toi alors, je vais les recevoir, dit Judy en ouvrant la porte d’à côté, en voyant les deux femmes longer le pas jusque vers la maison. Judy ne sait quel comportement adopter. Elle se sent tout à coup, nerveuse. Son esprit bouillonne. La peur coule dans sa peau.

-Est-ce que tout a commencé?… L’émeute?… N’est-ce pas après que ce mystérieux détective soit passé au cabinet? se dit Judy comme pour elle-même? Si toi, tu dis ne pas avoir engagé cet homme? Qui l’a fait, bon sang? Et pourquoi a-t-il disparu tout à coup?

-Tout cela reste à savoir. Peut-être qu’il travaille à son compte, je ne sais pas. Mais, c’est sûr que c’est lui qui a réveillé le volcan endormi. Mon hypothèse est que celui qui veut me voir couler pense que toi et moi avons engagé quelqu’un pour enquêter sur cette affaire. Étant donné que la vérité ne doit pas être dévoilée, ils ont tenté de m’éliminer… Pour étouffer l’histoire une bonne fois. Et, je donnerai ma main à couper que quelqu’un dans notre entourage sert de pont entre eux et nous.

***

-Ma chérie! lance Maria comme si elle avait longtemps attendu ce moment. Tu es partie sans laisser de nouvelles. Viens là dans mes bras. Tu es devenue encore plus jolie… Donne-moi un peu de cette eau.

Judy baisse la tête et emprunte un sourire forcé.

-Tu t’en sors vraiment très bien.

Au tour de Mercedes sur ces mots de la prendre dans ses bras. L’enveloppant dans son parfum exquis.

-Oui, ça va très bien, merci. C’est une visite pour le moins inattendue, ose-t-elle.

-C’est une nouvelle année! S’il y a vraiment un moment où l’on doit être entouré de ceux qu’on aime, c’est maintenant. Je vois que ton sapin brille, fait remarquer Maria qui rentre comme d’habitude la veille de son anniversaire.

-Moi et… Gail l’avons décoré, aurait voulu dire Judy, mais Maria ne lui en aurait même pas laissé le temps de terminer sa phrase, car déjà elle était passée à autre chose.

-Je vois que nous ne sommes pas seules? dit-elle en haussant un sourcil, en voyant Gail.

-Je peux savoir ce que tu fais ici? lui demande sa femme d’un ton sec.

Maria s’avance, embrasse la pièce du regard et lâche :

-Rien n’a changé et dire qu’il n’est plus là…

Judy porte une main à sa bouche pour essayer de masquer le chagrin que cette remarque fait naître en elle.

-Allons, ne soit pas si triste ma chérie. Il t’aimait tellement qu’il n’y a rien, qu’il ne ferait pas  pour toi. Regarde, il n’a pas hésité à laisser tomber ce pauvre Gail pour te protéger, toi!

Judy lève la tête en direction de Maria avant de porter le regard sur Gail qui plisse les yeux comme si cela pouvait l’aider à mieux comprendre.

-Ne fais pas cette tête-là. Il a fait ce que tout bon père ferait pour son enfant.

A suivre

Isabelle Théosmy

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES