Dans l’histoire de la musique populaire haïtienne, le pays a découvert de nouveaux souffles lors du concours de musique porté par la compagnie aérienne American Airlines, durant la fin des années 80. Quarante ans plus tard (1984-2024), suite à un entretien réalisé avec l’une des talents polyvalents et emblématiques de cette belle génération qui a fait l’honneur et la fierté de la culture nationale, je vous invite à revisiter l’histoire de l’une des meilleures formations dans les arts du spectacle et de scène, qui portait le nom de Konpayi Animasyon Teyat ak Atistik, plus connu sous le sigle « KATA ».
Dans le prochain musée national de la musique haïtienne, une exposition consacrée au groupe KATA devrait pouvoir offrir la possibilité de découvrir autant les photos et vidéos souvenirs, les échantillons des costumes et pourquoi pas la représentation physique ou la réplique de la mythique camionnette de couleur rouge, baptisée « La main divine », sur le toit de laquelle, les talents de KATA, et Florence Augustin et ses autres complices apportaient le message du moment « An mache kata ».
Des noms de figures culturelles importantes de la génération des années 70 et 80, à inscrire dans le tableau d’honneur de KATA, fondée en 1984 par Florence Augustin. Cette dernière précise : « Son cousin Marcus Augustin, et le regretté Jean Baptiste Télémaque, le groupe a réuni un ensemble d'artistes talentueux », tout soulignant que les principales chanteuses étaient Florence Augustin, Alix Pierre Louis, et Daphné Duplan, qui ne chantaient pas seules. « Elles étaient accompagnées de Maguy Jean Louis, Myrtho René, Karline Augustin, Albert Desmangles, et bien d’autres qui ont contribué à l'enregistrement des vidéoclips, parmi lesquels Fernande Pierre, Shirley René, Réginald Lubin, Yanick Cazeau, Micheline Cazeau, pour n’en nommer que quelques-uns, en dehors des deux invités : Jean Michel Daudier et Yves Mardice. », se souvient la chanteuse qui porte la belle robe bleu, dans ses prestations debout sur le Tap-Tap.
Dans la présentation de l’aventure artistique et musicale de KATA que Florence Augustin nous présente, quarante ans plus tard, elle rappelle que : « Son ambition était d'insuffler un vent de renouveau à la musique haïtienne en collaborant avec des artistes au sein d'une structure soigneusement élaborée. Le conseil d’administration a consacré une année entière à travailler sur les statuts du groupe, afin de définir clairement son objectif artistique culturel et musical. Le projet visait non seulement à promouvoir la créativité et l'innovation dans la musique haïtienne, mais aussi à contribuer au développement culturel en mettant en avant les talents locaux et en créant un espace où l'art pouvait s'épanouir pleinement. ».
Dans le répertoire du groupe, il nous faudra pratiquement nous accrocher à : « a trilogie composée de Kenbe Men, An n Mache Kata, et Chante Lespwa représente les principales créations artistiques, musicales et vidéographiques du groupe, avec des musiques orchestrées par Marcus Augustin. Les paroles de Kenbe Men et Chante Lespwa ont été écrites par Jean Pierre Leroy, tandis que celles de An n Mache Kata ont été signées par Sandy Clairsaint (Dubréus), également décédé. », selon l’artiste chanteuse, écrivaine, peintre et femme de théâtre, membre fondatrice de KATA, Florence Augustin.
Dans ses temoignages autour de la petite histoire de KATA, elle se souvient comme si c’était hier, que « Le vidéoclip de Kenbe Men a été réalisé à la Télévision Nationale d’Haïti à l'initiative de Frantz Marcelin, un vidéaste qui a grandement contribué à l'encadrement des artistes haïtiens. ». Elle poursuit : « Le clip de An n Mache Kata a été tourné à la guildive Larose à Saint-Marc, où les artistes, sous un soleil brûlant, dansaient avec le sourire sur des pelures de canne à sucre glissantes et infestées de fourmis. », « Quant à Chante Lespwa, son enregistrement s'est achevé à 2 heures du matin, alors que les artistes quittaient le Théâtre de Verdure à Port-au-Prince. », il était une fois cet haut lieu culturel désormais perdu dans le paysage, en face du Village de Dieu.
Dans une synergie artistique importante, Florence Augustin nous confie que : « Le groupe rassemblait un grand nombre de talents de toutes disciplines : chant, danse, théâtre... Les danseurs, tels que Gérard Florestal, Jean René Delsoin, et Jean Guy Saintus leur chorégraphe, faisaient partie intégrante de cette aventure artistique. Et tout le monde dansait, tout le monde chantait ! ».
Deux ans, comme une étincelle dans l’espace de quatre décennies, qui continue de briller dans le répertoire de la musique populaire et traditionnelle, autant dans la forme esthétique que dans le fond, à travers les thématiques abordées, qui proposent encore des messages d’actualité. Florence nous dit : « L’aventure de Kata a duré environ deux ans. Face à l'instabilité politique croissante, le conseil d'administration a choisi de ne pas mettre en danger la vie des artistes en les exposant aux manifestations de plus en plus fréquentes. ».
Des messages à retenir quarante ans plus tard, la fondatrice de KATA informe : « Sans être du mouvement racine, Kata a influencé beaucoup de groupes à prendre cette direction. Malgré sa courte existence, le groupe a laissé une empreinte indélébile sur la scène musicale haïtienne. Sa musique, ses messages et son style ont su marquer les esprits et traverser les générations. La célébration de ces 40 ans témoigne de l'importance culturelle et historique du groupe. Il s'agit d'une reconnaissance de son rôle dans l'évolution de la musique haïtienne et de l'influence qu'il a exercée sur les artistes qui ont suivi. ».
Derrière sa fierté cachée, les rendez-vous manqués de la formation artistique, et certainement de la somme de ses réalisations et contributions artistique, elle entend que : « C’est l'occasion de raviver la mémoire des fans et de rappeler les moments forts vécus durant la courte existence du groupe. Il symbolise la manière dont la musique peut créer des souvenirs durables, même sur une courte période. Elle peut aussi être l'occasion de transmettre l'héritage du groupe aux nouvelles générations, en les faisant écouter les musiques à ceux et celles qui ne les ont pas connus à l'époque. Fêter 40 ans après sa dissolution souligne la résilience et la pertinence continue de l'œuvre du groupe. Cela montre que, bien que le groupe ait cessé d'exister, son influence et son héritage perdurent. En somme, c’est un hommage à l'impact profond et durable qu'un groupe peut avoir, même avec une durée de vie limitée. ».
Des modèles, mentors ou supporteurs à honorer, sans hésitation, la promotrice de KATA mentionne les noms de Raymond Desmangles, Bobby Denis, Patrick Déjean, pour les enregistrements, Sergo Décius, percusionniste. Quelques fanatiques dont Jacques Marcellus.
Dans la culture populaire et l’imaginaire collectif du peuple haïtien, le terme Kata, fait référence à plusieurs éléments, parmi lesquels : « Dans la musique haïtienne, un kata (ou cata) est une structure rythmique composée de cinq battements qui sert de base à de nombreuses musiques populaires, et peut également désigner un rythme, comme dans le rabòday. Le groupe Kata avait pour mission de soutenir et encadrer les artistes, en les aidant à collaborer sur des projets communs. », rapporte-t-elle, tout en concluant : « Actuellement, les artistes sont dispersés entre Haïti et l'Amérique du Nord. Leur vie a évolué depuis, et beaucoup sont devenus des parents responsables, dévoués à leur famille. Certains continuent à évoluer dans le domaine de la musique, tandis que d'autres ont poursuivi des carrières dans différents secteurs. ».
Dominique Domerçant
