Derrière ce mot de sept lettres, INFOTEL résonne la mémoire de toute une génération répartie entre les Haïtiens évoluant sur la terre natale et des milliers d’autres hommes, femmes et familles qui vivent en terres étrangères, on est invité à revisiter quelques aspects importants dans cette aventure éducative et culturelle, qui a été animée par l’intelligence collective et l’innovation sociale, en tant que l’une des premières et parmi les plus grandes foires technologiques organisées en Haïti, durant les quarante dernières années. Il y a environ trente ans, ils et elles faisaient la queue à l’entrée des différents complexes éducatifs retenus, qui accueillaient les nombreuses éditions de « INFOTEL ».
Dans la décomposition même de ce mot, qui s’est popularisé durant la deuxième moitié des années 90 et au cours de la première décennie des années 2000, on retrouve dans le regroupement des lettres et des syllabes la représentation des principaux concepts qui persistent et signent encore la dynamique de socialisation numérique continue, imposée aux hommes et femmes évoluant en Haïti et dans sa diaspora.
Dans le premier syllabe (IN), ces deux lettres proposent de nombreux concepts presque incontournables dans le nouvel ordre mondial de l’économie de la connaissance et la création de richesse. Avec la lettre « I », on retrouve : information, informatique, internet, investir, investissement, institution, internationalisation, initiation, initiative, innovation, immatériel, intégration, input, interface, imagination, interaction, inte-relation, imitation, industrie, identité, intellectuel et désormais intelligence (collective, économique, artificielle). La lettre « N », propose les termes comme : nouveauté, numérique, navigation, notions, nations (culture, identité et frontière), nature, narration, notation, notes, neutraliser, et même la nullité confirmée dans tous les domaines, face à la somme incalculable des informations actualisées, accessibles et diffusées à la seconde, et dans tous les domaines d’activités humaines, physiques, matérielles, intellectuelles, matérielles ou virtuelles.
Dans le deuxième syllabe composé de (FO), on tombe vraiment dans le cœur de l’activité à travers les principaux concepts suivants, avec « F », comme : Foire, fonction, fondement, force et faiblesse, finance, frontières (presque inexistantes entre les domaines d’activités), focus, focaliser (sur les vrais enjeux du présent et de l’avenir), face (image, et pourquoi pas Facebook) et surtout la formation dans tout et partout (technologique, économique, politique, collective, populaire, politique, initiale et continue). Autour de la lettre « O », s’est particulièrement construit un ensemble de concepts : Online, objectif, observation, observatoire, omniprésence (technologique), opportunité, onde (de choc culturel), obligation, ouverture, ondulation (ondes qui nous traversent), oser (innovation), onze (dualité ou équilibre, car personne ne dispose du monopole du savoir), opposition (entre l’homme et machine), entre autres.
Dans le troisième syllabe qui résonne en (TEL), on tombe directement dans les trois catégories. Avec le « T », on explore en premier lieu les deux mots suivants : télé qui fait référence (à distance), comme la Télématique, les Télécommunications, téléphone, et la Tech, en référence à la Technique et la Technologie. Plusieurs autres termes comme : temps (rapidité et rapprochement), transactions (numériques et financières), transition (technologique presque obligatoire), transfert (données, compétences, monnaies), transport, transportation, trajectoire, totalité, entre autres vont compléter la liste. Avec la lettre « E », on se tourne vers les nerfs de la guerre, l’économie. Arrivent ensuite : Environnement, espace (physique et virtuel, comme les médias sociaux), électronique, électrique, en passant par d’autres concepts aussi déterminants, puisqu’il s’agit de foire comme exposition, expériences (partagées, produits), ensemble (communauté, collectivité), éducation, encadrement, enrichissement, evasion, évolution, entre autres. Avec la lettre « L », on finit par se retrouver dans cette forme de liberté (démocratisation de l’information), libéralisation (des savoirs, de la connaissance, des informations et de l’économie), lieux (n’importe qui peut communiquer avec tout le monde et sans discrimination), en passant par les autres mots comme : liaison, loisir (dépendance), littérature (Amazon), longueur (d’avance), lignes, lois ou législation, limites (sans frontière), entre autres.
Dans l’éducation économique à la formation technologique de cette génération (en se limitant à la période de 1995 à 2025), on pourrait dans une approche à fois éducationnelle, sociologique et scientifique analyser les impacts de la foire INFOTEL sur les choix et la réussite des professionnels haïtiens issus de cette génération. Comment les expositions et les interventions inscrites dans les agendas proposés au cours des différentes éditions de cette foire numérique, ont-elles impacté les secteurs de l’éducation et l’administration publique et privée en Haïti ? Dans quel sens INFOTEL aurait-elle contribué dans le développement personnel, la promotion technologique, l’économie numérique et la décentralisation des produits et services informatiques dans le pays ? Pourquoi serait-il important d’encourager des recherches universitaires dans le pays en lien avec un tel événement ?
Dis-moi à quelle édition d’INFOTEL que tu as participé, et je te dirai le nom de l’intervenant, les principales institutions qui exposaient ou la diversité des activités qui t’ont marqué chaque édition ? N’est-ce pas une belle façon de marquer le prochain anniversaire de cette manifestation par l’exposition des souvenirs et de la mémoire de la génération d’INFOTEL. Et pourquoi ? Personnellement, Frantz Mathias, Schiller Jean-Baptiste, Charles Clermont, Hans Tippenhauer, feu Stéphane Bruno, Frantz Verrela, Claude Bernard Célestin, Michèle Guillaume et quelques autres voix féminines oubliées, feu Dre Elsie Suréna entre autres, parmi les centaines et milliers de visiteurs anonymes et les personnalités publiques, les représentants et les responsables des institutions, comme le patron de Group Croissance, Kesner Pharel, resteront à jamais dans mes souvenirs, par l’impact de leur communication.
De près ou de loin, les interventions et les conseils de ces derniers continuent d’influencer un grand nombre de choix académiques et économiques, sur le plan intellectuel et professionnel, politique et géopolitique dans la vie de nombreux d’anciens jeunes de cette époque, en dehors de leurs familles et des différentes activités économiques dans le pays.
Dans quel sens l’interruption des activités comme INFOTEL et d’autres foires similaires au fil des ans, aurait-elle contribué dans la désorientation et la déviance de la jeunesse haïtienne vers d’autres activités dégradantes et déshumanisantes ou criminelles ? Entre interruption ou reconversion au sommet, comment une telle distance entre les écoliers et les finissants avec les élites du pays, participaient à une forme de récupération, d’encadrement ou de transition scolaire et socioprofessionnelle ? Sachant qu’on ne peut pas donner ce qu’on a pas, on est en droit de considérer que la génération de la deuxième décennie des années 2000 aura grandement manqué l’opportunité de se socialiser à l’ère technologique, de façon responsable pour s’infoteliser.
Des professionnels et des parents, des patrons et des promoteurs informatiques, parmi les pionniers et les plus anciens, des écoliers et universitaires, des journalistes et des curieux, étaient bel et bien présents sur la cour du site à faire le tour, et se donnaient rendez-vous sous les tentes qui remplaçaient les salles de conférences. Dans certaines salles de classe fermées et ouvertes, éclairées ou conditionnées pour faciliter la projection de certaines vidéos informatives et éducatives, plusieurs autres jeunes faisaient le va et vient.
Depuis plus de trente ans, cette grande manifestation à caractère technologique rivalisait ainsi avec d’autres grands événements culturels, comme les festivals et foires de Musique en Folie, Livre en Folie, et quelques années plus tard, Vol au Vent ou Artisanat en Fête, tous portés par Le Nouvelliste, parmi les grandes innovations au lendemain de 1986. Au cours de cette même période, l’organisation des journées récréatives dans les écoles et quelques championnats sportifs complétaient ainsi la liste des destinations valorisantes pour la jeunesse haïtienne. Avec la seule différence, la foire INFOTEL se tournait beaucoup plus autour des besoins du présent et des enjeux de l’avenir, sur le plan technologique et économique, en informant les acteurs et en les invitant à se préparer pour ne pas rater le train technologique de l’époque.
De nombreuses entreprises qui exposaient durant cette période, n’ont malheureusement pas pu tenir au fil des années, avec les différents chocs internes et externes que le pays a connus. Le bogue de l’an 2000 certes n’a pas eu lieu, car j’ai passé la nuit du 31 décembre 1999 au 1 janvier 2000, dans mon premier emploi à la Bipcom/Haïcom, à travailler sous la supervision du PDG Reginald Chauvet, en compagnie des techniciens. Heureusement. Mais la rapidité des changements technologiques, économiques et socioculturels, allait obliger plusieurs opérateurs à la reconversion ou la fermeture, comme pour le cas des services de messagerie électronique avec les beepers et les pagers (Bicom, Ericom, Multicom, Digicom, Motorola, Voilà, entre autres). Sans oublier le passage éclair des centres de navigation internet qui portaient tous les noms associés aux services de Cyber-Café. Rares sont les principales entreprises technologiques, parmi celles qui fournissent les services de téléphonie ou surtout d’internet qui continuent de fonctionner plus de trente ans après. ACN, Netcom, Téléco, Rectel, Ti Telefèn 2004, Haitel et plusieurs autres, se reposent depuis dans la plupart des pages des anciens annuaires téléphoniques du pays, illustrés par les tableaux de Simil.
D’autres acteurs, en particulier issus des autres secteurs, notamment dans l’éducation et la formation professionnelle allaient s’inscrire dans cette dynamique technologique. L’université Infotronique, le centre de formation technique Canado, et quelques années après l’arrivée du centre de formation technique et professionnelle Haïti Tec, en dehors du réseau de formation Alliance, sont parmi les plus résilientes des institutions de formation technologiques dans la capitale haïtienne qui résistent. En dehors de la reconversion obligée de certaines écoles de dactylographie, de secrétariat ou leur adaptation et migration dans des cours informatiques (réseaux, réparation, ou maintenance ), ce sont des dizaines d’établissements dans les principales régions du pays qui se sont dédoublés pour rattraper retards ou le train de l’ère technologique, en dehors des crises et catastrophes que le pays à connu également. Il était une fois Cainfo, Cetinfoh, Intec, ITECIS, parmi d’autres institutions de référence inexistantes ou peu visibles, comme le CMP.
Depuis plus de trois décennies, la firme Group Croissance à travers ses multiples activités organisées, notamment l’initiative de la foire INFOTEL dans les années 90, a certainement fait école et écho dans le milieu, en (PEF). Une manière de résumer ses actions dans les différents secteurs de la vie nationale et à l’échelle internationale, à partir de la promotion des politiques publiques, la prévention et le partage des pratiques de performances dans les différents domaines stratégiques, les secteurs de l’économie et de la finance, à partir des services d’éducation et de la formation, tels que je m’autorise à résumer le concept du Group Croissance à travers la dynamique INFOTEL.
Dans mes choix de poursuivre parallèlement des études à l’Ecole nationale des Arts (ENARTS) en arts plastiques et gestion culturelle, afin de donner un discours et une démarche à mes oeuvres créatives, et de rejoindre du même coup la première cohorte en télécommunications d’Haïti Tec, afin de mieux apprendre la base de l’architecture technique et géopolitique des technologies, les influences et les retombées de ma participation dans les différentes éditions de cette activité, et d’autres connexes, comme la foire d’orientation professionnelle du Canado sont plus que visibles. Une vision qui s’est renforcées avec le passage au département de l’anthropologie-sociologie de la faculté d’Ethnologie, pour mieux construire des contenus identitaires et mesurer le poids des dimensions patrimoniales dans la mondialisation, tout en de nouvelles compétences pour mieux comprendre le fonctionnement des institutions sociales, ce sont autant de bagages transportés à bord du train d’INFOTEL. Et la diplomatie culturelle, économique et commerciale, argumentée par la politique et l’éducation allait servir de socle pour questionner et négocier l’avenir de cette génération issue de cette foire, rattrapée, dépassée ou dominée sur les médias sociaux par un grand nombre de cas foirés.
Donner à César, ce qui est à César. Durant les trente dernières années et plus, cette foire technologique aura grandement marqué la capitale haïtienne et quelques villes de provinces, comme la grande messe technologique qui participait dans la promotion pour une meilleure intégration intelligente et responsable des élites et des jeunes, avec l’arrivée de l’ère numérique durant laquelle on parlait des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication). Quelque temps plus tard, avec sa vulgarisation on allait mettre de côté le préfixe nouvelle pour rester aux TIC. Moins de trente ans plus tard, à la fin des deux premières décennies de ce millénaire, nous sommes tous invités à changer de wagon dans le train technologique, pour ainsi se tourner vers l’intelligence artificielle (IA).
Dans ce contexte de guerre technologique et économique, sur fond de géopolitique de l’information, de l’innovation et de l’économie des savoirs, les technologies participent activement, de façon visible et invisible à la fois dans la provocation et la résolutions des conflits, et de plusieurs autres problématiques transnationales, comme la migration, les crises économiques, sécuritaires, migratoires et des ressources, entre autres. Quelles sont les possibles influences des expositions et des conférences, des simulations et des initiations, des animations et des créations retenues dans les différentes éditions d’INFOTEL, autour de l’éveil de la jeunesse haïtienne, en termes de prévention, de prévision ou de préparation face aux nombreuses crises qui persistent depuis les années 90 et jusqu’à nos jours ? Comment les impacts de cette foire technologique qui rattrape nos souvenirs, parmi d’autres initiatives similaires, avec une certaine reprise actualisée, pourraient-ils contribuer à la conscientisation des acteurs haïtiens contemporains dans la nouvelle dynamique de géopolitique de l’IA en cours, plus de trente ans plus tard ?
Derrière ces nombreuses thématiques proposées à l’époque d’INFOTEL, qui informaient le plus grand nombre sur l’actualité technologique, qui invitaient les acteurs issus de toutes les couches et les strates de la société à se responsabiliser, et qui inspiraient certainement un grand nombre de professionnels et des entrepreneurs (autour des opportunités économiques et création de richesse, biens et services), et notamment des jeunes en particulier dans leur futur choix professionnels (en termes d’orientation professionnelle), on est en droit de considérer que cette grande manifestation technologique, économique, éducative et culturelle qui a fait école et écho, aurait toute son importance dans les décors des villes paisibles actuellement. En dehors des principales foires traditionnelles (technologiques et scientifiques) organisées à l’Université Notre-Dame, à l’institution Saint-Louis de Gonzague, et au Collège Catts Pressoir, entre autres, au fil des ans, on continuer d’observer certains fragments éparpillés ou les graines semées par INFOTEL qui continuent de germer dans de la bonne terre fertile. Ce ne sont pas les promoteurs reconvertis, encore moins les partenaires récidivistes malgré les crises de toutes sortes qui s’investissent et les jeunes publics qui se donnent rendez-vous au Sommet international de la Finance, et de la FINTEC qui diront le contraire. Que chacun et chacune viennent partager leurs témoignages sur l’impact de cette foire dans leur vie personnelle ou professionnelle ? Que les couples qui se sont croisés pour la première fois dans une des foires d’INFOTEL prennent le temps de le raconter à leurs enfants ou aux publics ? Que les souvenirs partagées entre les images, les affiches des programmes, les maillots et d’autres documents qui ont survécu aux tremblements de terre et aux catastrophes humanitaires viennent constituer ou compléter la première collection des archives technologiques destinées au prochain musée haïtien de la technologie, afin de mieux valoriser l’économie de la mémoire ?
Difficile d’écrire les différents chapitres de l’histoire des technologies en Haïti, d’aborder l’évolution de la formation dans les domaines de l’informatique, et les relations interdépendantes entretenues par les industries des technologies numériques avec les systèmes financiers et les opérateurs économiques, sans faire escale dans les archives et la mémoire collective de la foire INFOTEL. Tel un héritage qui se mesure à la fois sur le plan horizontal et vertical, plus d’un reconnaîtra que cette foire a servi de phare pour orienter positivement et promotionnellement un grand nombre de jeunes d’ici et d’ailleurs. INFOTEL a servi de foire pour guider toute une génération.
Dominique Domerçant