L'été 2025 est plutôt torride au Moyen-Orient. La catastrophe militaro-humanitaire à Gaza s’estompe derrière l’éclat des missiles qui cisaillent le ciel de Téhéran et celui de Tel-Aviv. Depuis que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a décidé de lancer une attaque préventive contre les sites nucléaires iraniens, le monde retient son souffle. Cette idée d’attaque préventive — preemptive strike — est une vieille doctrine des néoconservateurs américains, née dans l’après-11-Septembre 2001. Il s’agissait alors, pour les États-Unis, d’anticiper tout projet d’attentat contre leurs intérêts, n’importe où dans le monde, en frappant les premiers leurs adversaires.
Toutefois, la doctrine du gouvernement Netanyahou repose aussi, selon le spécialiste français en relations internationales Bertrand Badie, sur le binôme puissance versus chaos. Il s'agit, dans la guerre moderne, d'annihiler son adversaire en détruisant non seulement son économie, mais en la démantelant au point de la ramener au Moyen Âge. Une victoire totale, ou, comme à Gaza, où le vainqueur peut tout reconstruire à son compte.
Les attaques israéliennes ont commencé par frapper les sites nucléaires, mais s’étendent peu à peu aux entrepôts de carburant et autres infrastructures énergétiques. Il s’agit donc de briser les reins de la République islamique d’Iran. Et qui sait, changer le régime des mollahs, avec en arrière-plan le grand fantasme de transformer la géopolitique du Moyen-Orient au profit d’un certain Occident. Un rêve déjà caressé par des néoconservateurs américains comme Dick Cheney et Paul Wolfowitz, du temps de l’administration de George W. Bush.
Le gouvernement Netanyahou joue sur deux tableaux : l’impopularité interne du régime des mollahs, et le fait que les pays occidentaux perçoivent l’ancienne Perse comme une menace. Cela explique le soutien dont bénéficie assez largement, dans certains pays européens, l’offensive israélienne.
Un autre tableau consiste à reléguer au second plan la catastrophe humanitaire à Gaza. Le spectacle affreux des victimes palestiniennes mourant sous les bombardements de Tsahal commençait à entamer le crédit israélien auprès des opinions occidentales. Et la France d’Emmanuel Macron se préparait même à reconnaître un État palestinien.
La destruction des infrastructures nucléaires iraniennes s’inscrit dans un projet longtemps mûri dans les états-majors à Tel-Aviv. Israël se considérant, depuis 1948, comme une forteresse assiégée.
Après une période d’hésitation, les États-Unis, sous l’ordre de Donald Trump, ont finalement rejoint Israël en frappant trois sites nucléaires en Iran. Cette intervention a aussitôt suscité une réaction virulente de Téhéran, qui a rejeté toute option diplomatique et promis de se défendre, ravivant les craintes d’une escalade régionale. Ironie de la situation : c’est ce même Donald Trump qui, au lendemain des premières attaques israéliennes, affirmait qu’il ne se laisserait pas entraîner dans la guerre — en partie à cause des divisions au sein de son propre camp sur l’opportunité d’une nouvelle aventure militaire, jugée contraire à son slogan «America First». Il n’aura pourtant guère résisté lorsqu’il s’est agi de défendre ce qu’il appelle «la seule démocratie au Proche-Orient».
Roody Edmé