La reddition des comptes doit devenir une obligation si nous voulons un jour avoir une gouvernance qui fonctionne. Nous avons une conception du pouvoir qui est aux antipodes de la modernité, si nous considérons que la modernité consiste en un ensemble de principes devant permettre à une société de progresser et de s’organiser pour un mieux-vivre ensemble.
L’exercice du pouvoir est vu avant tout chez nous comme la possibilité de prendre des décisions sans avoir à rendre compte à personne. C’est le syndrome apredye se mwen. Alors que le responsable de la plus petite entreprise est astreint à de bons résultats, le responsable politique en général s’en fiche éperdument. On comprend bien que le seul résultat qui compte est la jouissance des privilèges qu'offre un État non dédié au bonheur des citoyens.
L’obligation de la reddition des comptes est l’un des moyens de rendre le chemin plus difficile pour tous ceux, jeunes et moins jeunes, qui rêvent de venir faire leur tour de ripailles conformément aux lois du sétoupamisme triomphant.
Pour que la reddition de comptes devienne un principe admis, seul moyen d’empêcher que la délinquance ait pignon sur rue, il faut que les citoyens, dans leur grande majorité, comprennent qu’il est vital que les dirigeants ne se sentent pas maîtres à bord du navire dans lequel nous sommes tous. Eux, ils auront les moyens, grâce à leurs complices étrangers, de fuir la catastrophe. Nous, par contre, ce sera impossible. Nous aurons alors bu le calice jusqu’à la lie.
Les gouvernements haïtiens n’ont jamais rendu des comptes. Un budget est voté après l’autre sans qu’on sache ce qu’il est advenu du précédent. Des fonds sont gérés à partir de diverses rubriques, comme les appels téléphoniques sur l’étranger, les transferts, sans que personne ne sache à quoi ont servi les sommes colossales qui ont été collectées. Bien sûr, l’État continue à effectuer des dépenses somptueuses pendant que la désuétude, la crasse et le chaos sont partout. Il n’y a pas l’ombre d’un sursaut de la part de nos dirigeants pour laisser penser à une volonté de sortir de cette boue. Mais sous la tonèl, un kokorat peut-il rêver d’étoiles ?
Gary Victor
