Le Chili vient d’élire un nouveau président. José Antonio Kast est un héritier direct du pinochétisme. Ceux qui connaissent l’histoire du Chili des années 70-80 ont du mal à s’imaginer ce tournant « réactionnaire ». Et pourtant, les régimes socialistes qui ont voulu refonder le Chili ont fini par laisser fondre l’espoir de tout un peuple, accablé par des chocs brutaux qui ont gravement affecté l’économie des pays d’Amérique latine.
De l’Argentine au Honduras — et aujourd’hui le Chili de José Antonio Kast —, l’histoire a montré qu’elle pouvait repasser les plats. Un certain révisionnisme historique, qui fait désormais florès au pays d’Allende et de Michelle Bachelet, affirme que la dictature était nécessaire.
Avec l’établissement du vote obligatoire, cinq millions de nouveaux électeurs, jeunes en majorité, qui n’ont pas connu les années de braise de la dictature, ont porté au pouvoir le candidat de la droite radicale. La gauche chilienne, qui se veut moderne, féministe et écologique, incarnée par la candidate Janet Jara, doit aujourd’hui se repenser.
Il faut comprendre qu’en dépit des ratés de la gauche de gouvernement, il y a la montée de l’insécurité et la hausse de l’immigration vénézuélienne et haïtienne. Aujourd’hui, la peur de « l’autre » et l’insécurité constituent d’excellents sujets de campagne un peu partout en Amérique. Les « grandes peurs » font toujours le lit des extrêmes, et le Chili, comme Haïti, n’y échappe pas. À la veille des élections de 2026 en Haïti, il faudra peut-être s’attendre, là aussi, à une demande radicale face à l’insécurité.
Reste maintenant à voir si ce basculement se traduira en actes durables, ou s’il ne sera qu’un épisode de plus dans une alternance nourrie par la fatigue, la peur et la défiance. Dans tous les cas, l’enjeu est clair : sans réponses concrètes sur la sécurité, l’économie et la cohésion sociale — et sans travail de mémoire — les démocraties laissent trop facilement le champ libre aux récits qui réhabilitent l’inacceptable.
Roody Edmé
