Par ce modeste texte, je viens magnifier un spectacle éblouissant de générosité, qu’il m’a été donné de contempler, ce matin, au petit jour. Et, c’est avec le même élan généreux que je transmets le nouvel apprentissage que j’ai pu tirer du riche enseignement que la vie nous livre, dans la singulière banalité des évènements qui se déroulent sous nos yeux indifférents. Lesquels, croissance oblige, sont plus affutés à chercher des opportunités malsaines pour faire du business et du profit.
Vers 4hres 30 du matin, tandis que l’obscurité et la terreur s’abattent sur Port-au-Prince, ville totalement assiégée par l’absolue impunité dont jouissent les gangs, me laissant entrainer par l’insomnie qui m’a tenu en éveil toute la nuit, en raison du crépitement continu et déchainé des armes lourdes que les gangs, terroristes des bidons-villes fédérés par l’ONU, font chanter tous les soirs, j’ai pu entrevoir, dans le ciel, un spectacle sur lequel j’invite les lecteurs et lectrices à méditer. Détrompez-vous, il ne s’agit ni d’histoires d’extraterrestres, ni de loups-garous.
Dans la douceur bleuâtre du petit matin, j'ai surpris Vénus qui, d’abord, se fait dépasser et éclipser par la lune, puis s'attarde à trépasser dans l'angélus du jour, tout en prenant plaisir à guider, comme une boussole fiable et parfaitement réglée, le réveil des veilleurs de l'aube. En effet, juste avant que les premières lueurs du jour naissant deviennent éclatantes, et que l'astre majestueux de notre système solaire ne vienne s’imposer, il y a la lune qui termine sa ronde éclairante et en met une ombre sur la splendeur de Vénus dans l'angélus du matin. Pourtant, Vénus ne s'attarde pas moins à projeter plus loin que son ombre ce qu'elle reçoit généreusement de l'univers, avant de se faire totalement éclipser par le soleil qui progressivement reprend possession de cet espace qu’il a, pendant un tour de terre, abandonné à d’autres.
Il y a dans cette scène, banale pour beaucoup, toute une écologie du don qui magnifie la beauté et la générosité de l'univers. Là-haut, juste au-dessus de nos têtes, dans le silence de leurs courses lentes, mais non moins folles, des astres trépassent en se laissant dépasser et éclabousser par d'autres plus brillants. Le ciel semble, même dans le cas des éclipses totales, ne pas connaître l'enfumage si propre, en grande majorité, aux hommes de toujours faire barrage et d'occulter ce qui peut sublimer leur imposture.
Pour ceux qui sont encore capables d'extraire de leur environnement la moindre donnée pour la relier à d'autres et donner du sens à leur vie, c’est un spectacle éblouissant d'apprentissage. Cela se passe juste au-dessus de nos têtes, dans le ciel d'un matin qui eût pu être celui des magiciens, tant le bleu, servant de décor à cette générosité astrale, est pur d'ivoire. Dommage que des tueurs entraînés et armés par les éternels fossoyeurs des peuples aient longtemps fait trépasser en nous un certain goût du rêve. Celui-là même qui aurait pu nous rendre plus sensibles à l'écologie du vivant et plus disponibles à apprendre de la #nature pour résister à la barbarie marchande de la culture du profit. Celui-là même qui aurait pu inciter chacun à transmettre une part de soi plus apte à magnifier la générosité, la dignité et l'intelligibilité du vivant.
En certaines contrées du monde, dans les savanes africaines, avant que le barbare occidental, blanc et chrétien, en quête d’abondance et de croissance, ne vienne déshumaniser la vie, certaines légendes racontent que ceux qui se levaient suffisamment tôt pour voir Vénus trépasser dans le jour qui se lève, acquéraient une sensibilité qui les rendait plus aptes à comprendre la valeur de la vie et à transmettre son enseignement. Mais c’était au temps de cette merveilleuse écologie entre l’homme et la nature, bien avant l’accumulation primitive de la richesse occidentale par la barbarie de l’esclavage.
Et vous, avez-vous de la disponibilité pour vous lever assez tôt et contempler ce spectacle en osant lever les yeux vers le ciel qui n'a aucun attrait monétaire ?
Erno Renoncourt
