Le conseil de l'ordre des avocats des Gonaïves entre défi et insouciance concernant la prestation de serment de ses élèves avocats fraichement sortis de l'École du Barreau( Promotion: février-juillet 2023)!

Les barreaux, institutions autonomes, sont des organisations corporatives, appelées Ordre du Barreau, jouissant de la personnalité civile et ayant sur ses membres un droit de surveillance et de discipline. Ils sont régis par le décret loi du 29 mars 1979 en son article 4.

L’article 1 dispose: le titre d’Avocat est attribué au licencié en Droit assermenté, inscrit  au tableau d’un ordre ou sur la liste des Stagiaires d’un Barreau de la République.

Selon la procédure administrative et légale, il faut prêter serment par-devant un juge assermenté du Tribunal de Première Instance dans la juridiction à laquelle on veut exercer la profession d'avocat, la règle veut que ce soit le doyen qui reçoit la prestation de serment, toutefois, il peut donner commission rogatoire à un autre juge de son tribunal pour recevoir la prestation de serment.

Puisque les barreaux sont autonomes, ils ont leur façon de procéder pour permettre aux nouveaux membres d'accéder à leur tableau d'ordre.

Dans le cas qui concerne la ville des Gonaïves pour être admis au tableau de l'ordre il faut:

1) Réussir le concours d'entrée de l'École du Barreau et réussir les deux sessions sanctionnées par des examens et des simulations dignes de ce nom, ce qui vous rend éligible pour la prestation de serment, ainsi, sur présentation du Bâtonnier ou un membre délégué de son conseil vous allez prêter, devant le tribunal civil de la juridiction, le serment suivant: “Je jure d’observer, dans l’exercice de ma profession, les principes d’honneur et de dignité qui doivent caractériser les membres de l’Ordre des Avocats”

2) Demander l’inscription au tableau de l’Ordre par requête adressée au Bâtonnier. Il y sera annexé le certificat d’aptitude à la profession d’avocat.

Le sollicitant acquittera un droit corporatif dont le montant est fixé par les règlements intérieurs.

Arrêtons-nous un peu sur la première possibilité, l'École du Barreau des Gonaïves lors de la phase de recrutement pour une nouvelle promotion avait inséré dans son avis paru le jeudi 1er décembre 2022:“le postulant ayant obtenu la moyenne escomptée pour réussir les deux sessions de l’École du Barreau doit fournir sa licence ou sa fiche de dépôt de la demande de licence pouvant l’habiliter à prêter serment comme Avocat stagiaire”. Parler de la licence nous renvoie à l'EDSEG(École de Droit et des Sciences économiques des Gonaïves), mais, étant donné que le rectorat de l'UEH a un droit de regard sur l'EDSEG, pour avoir la licence, il faut la signature de l'EDSEG, du ministère de l'Éducation nationale et de la Formation professionnelle notamment celui de l'UEH. Mais, depuis tantôt trois(3ans), il existe un bras de fer entre l'EDSEG et le Rectorat de l'UEH, ce qui crée une vive tension et débouche sur deux EDSEG: une aux Gonaïves et l'autre à Port-au-Prince.

 

Bref, la question de licence est devenue problématique et les étudiants en paient les frais, d'ailleurs, la licence n'a jamais été chose facile.

Nos prédecesseurs ont fait la démarche et bon nombre d'entre eux ne l’avaient reçue après dix(10)ans dans l’exercice de la profession comme avocat.

Depuis peu soit en 2022, le CPSJ( Conseil Supérieur du Pouvoir judiciaire) s'est mêlé de la partie, non pour chercher un compromis, mais pour demander aux juges auxquels ils ont un pouvoir de contrôle sur leur travail de ne recevoir la prestation de serment d'aucun étudiant finissant sous la présentation de procès verbal de soutenance, mais ils doivent avoir leur licence. Une décision qui frise l’absurdité, car, si un étudiant finissant à un procès verbal de soutenance cela veut dire clairement qu'il a soutenu son mémoire de sortie devant un jury qui a sanctionné positivement son travail, ce qui donne droit automatiquement à la licence.

 

D'après la loi, il doit être à même de prêter serment, mais la grande question qu'il faut poser dans ce pays: Est-ce la loi qui dicte le comportement de la plupart de nos dirigeants? La réponse est claire: Non.

Le Barreau des Gonaïves quant à lui a entrepris à travers une commission d'intermédiation composée de plusieurs personnalités notoires de la ville des Gonaïves, une solution à l'amiable entre l'EDSEG et le rectorat, ce qui n'a pas servi à grand-chose, entre-temps il avait fermé l'École du Barreau pendant un(1)an.

Le conseil de l'ordre des avocats propriétaire de l'École du Barreau, a en outre, rouvert l'École sans avoir en main aucune stratégie, aucun moyen pouvant permettre à ses élèves avocats de prêter serment, étant donné que l'École du Barreau est l'une des activités génératrices de revenus et qu'ils ont de grands projets, notamment la construction du Bâtonnat.

Il se retrouve présentement entre le marteau et l'enclume face à des élèves avocats qui veulent prêter serment, qui sont dans leur droit et le doyen du TPI des Gonaïves qui est ferme sur sa position quant à la manière et aux conditions de prêter serment, il faut avoir la licence.

Ce qui ne constituait pas un problème pour les huit(8) promotions précédentes de l’École du Barreau qui ont prêté serment sans la licence qui est un casse-tête chinois, or,nous avançons à grands pas vers la réouverture de l’année judiciaire.

Encore une fois le peuple est victimisé, martyrisé par l'excès de pouvoir des uns et l'insouciance des autres, le pays ne veut pas de ces fils et filles qui choisissent le chemin de l'École pour réussir leur vie, encore une fois nous sommes négligés et humiliés par nos frères et soeurs.

Il est temps de dire non face à l'injustice dans ce pays, qui pis est, punit des acteurs travaillant pour que règne la justice.

Le conseil de l'ordre des avocats des Gonaïves à travers l’Ecole du Barreau doit prendre ses responsabilités face à la situation que nous nous retrouvons tous.

Le conseil doit agir dans le meilleur délai pour faciliter la prestation de serment, car, il y a célérité dans l’urgence, les élèves avocats ont respecté leur engagement et fourni toutes les pièces exigées pour la prestation de serment, il vous reste maintenant de tenir parole.

On ne veut que porter nos pierres à la construction de ce pays, nos parents ont investi tout leur avoir pour nous, nous refusons d'être victimes, d’être le dindon de la farce, nous pressons la sonnette d'alarme pour dire assez! Assez! Non à l'injustice, oui à l'État de droit!    

                                   

Me Emmanuel ST PHARD,élève avocat.

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