C’est toi qui l’avais choisie
la date fatidique du 7 février
où on dira « ouf, il est parti »
Douze millions d’âmes avaient passé la nuit
À célébrer ton arrivée pour les deux ans de transition
On discutait de vingt-quatre mois d’espoir
Pour la sécurité, le plein emploi, l’accès au capital
La paix, la renaissance des victimes des malheurs.
Tout de suite après ta mainmise sur le pouvoir
Tu sembles avoir déclaré
Vingt-quatre mois, c’est peu
Un bon mandat dure vingt-quatre ans.
Avec tacite renouvellement.
Les vingt-quatre mois sont arrivés à terme
La nation attend ta parole pour pouvoir
Célébrer le nouveau jour qui se lève.
Veux-tu présider sous un soleil doux et suave
Comme l’auraient voulu Socrate,
Démosthène ou Périclès ?
Ou présider en chef absolu dans une caverne
Entouré de gens qui te ressemblent et au milieu de cadavres ?
Les bateaux de transport n’entrent plus dans nos ports
Rien ne sort, rien n’entre
Tout le monde se dit : « nous aurait-il menti ? »
Les villes, on te rapporte, sont à feu et à sang.
Les magasins sont fermés, les hôpitaux vides
Pas même du coton pour nettoyer une blessure ;
Ni de bistouri pour que les chirurgiens
Coupent la corde qui étrangle la nation.
Les écoles n’ont plus de quoi enseigner l’écriture.
Plusieurs des stations d’essence
ne sont pas approvisionnées.
Là où il y a approvisionnement,
le prix est très élevé.
: « As-tu menti ? », te redemande tout le monde
Ou obéis-tu à un ordre contraire
À l'intérêt national, et plus fort que ton caractère ?
Par des promesses et des astuces,
Sans faire usage d’une force manifeste,
Tu as mis tes hommes en place.
Dans les postes où on contrôle les espèces
Une fois maître des leviers,
Tu es devenu celui qui paie.
À cause de la générale souffrance,
Tu achètes à bas prix l’obéissance.
Les bruits de sandales ou des pieds nus
Ne peuvent en rien inquiéter ton statut
Après nous, c’est nous, est ton refrain.
Dèyè mòn, gen mòn[1]
Chez nous le pouvoir est à vie .
Pardonne les diplômés s’ils comptent mal.
Ils sont trop attachés aux livres censurés
Qui disent que quand un accord négocié est signé,
Il doit être respecté point par point !
La police a reçu l’ordre de tirer
De gazer et d’arroser les barricades
D’eau acidulée qui brûle la peau.
Faites feu !, ordonne le commissaire.
Se sentant menacés,
Et pour ne pas être jugés pour les crimes qu’ils ont perpétrés,
contrebandiers, affairistes de tout acabit
vont solliciter un visa pour l’étranger.
Où ils n’auront plus rien à craindre ni à payer.
Frappez fort, faites que les pieds nus
Les torses nus ressentent les bousculades et
les bastonnades! Leurs gémissements font ton plaisir !
Le médecin, les patrons, l’église ont parlé
Les ordonnances sont prescrites
Pour les maux de tête,
le médecin prescrit le tylenol
Pour écraser les manifestations,
C’est la prière, le bâton et les élections
Mettez en marche la propagande!
Pour les jeunes qui ont l’espoir chevillé au corps
Mais les vieux eux ont trop vu.
Faites l’éloge des promesses que font les candidats
Même s’ils sont des politiciens recyclés
Avec des discours et des promesses désabusés !
L’électorat a la mémoire courte
Pour les bulletins de vote pas de souci,
Nous les manipulerons sans piper mot.
Faites que les revendications
Soient toujours remises à un demain hypothétique!
Après toute propagande, il faut surtout dire amen !
William Savary
Ghana 2024
[1] Derrière chaque montagne, il y a une autre montagne