Il fut un temps où Haïti, malgré ses douleurs, savait faire entendre sa voix dans le concert des nations. Ce temps semble révolu. Aujourd’hui, le pays ne parle plus. Il subit. Il encaisse. Il se tait.
La décision de Donald Trump d’interdire aux Haïtiens l’entrée sur le territoire américain n’était pas un simple geste politique : c’était un acte idéologique. Elle s’inscrit dans une matrice où Haïti n’est pas considérée comme une nation, mais une anomalie, un rappel dérangeant de ce « crime originel de liberté » qu’a été notre révolution. Pour certains, Haïti n’est pas un État, c’est un affront. Un symbole noir à effacer du tableau des puissances, une mémoire qu’on cherche à étouffer par l’exclusion, la marginalisation et le mépris.
Mais ce qui choque plus encore que la brutalité de cette hostilité, c’est l’absence totale de réaction de notre État. Face à l’humiliation, nos représentants gardent les yeux baissés. Aucune note diplomatique, aucun discours fort, aucune convocation d’ambassadeur. Pas même un murmure d’indignation. Le silence est devenu notre réponse par défaut, notre doctrine officielle, notre posture nationale.
Et ce silence s’étend. En République dominicaine, des rafles et des expulsions ciblées sont organisées régulièrement contre nos compatriotes, dans un climat de haine institutionnelle. À travers le monde, nos ressortissants sont malmenés, refoulés, traités comme des indésirables. Et pourtant, de Port-au-Prince, toujours rien. Pas un mot. Pas une main levée. Pas un geste de fierté.
Pendant que les grandes puissances déplacent Haïti comme un pion sur l’échiquier géopolitique, notre diplomatie se contente d’occuper les fauteuils, de faire tapisserie dans les couloirs, de signer sans exister. À croire que le drapeau ne flotte plus que par habitude.
Le respect se défend
Et quand il aurait fallu unir, rassembler, répondre ensemble à la blessure, notre propre ministre des Affaires étrangères choisit… de diviser. Entre Haïtiens de l’intérieur et ceux de la diaspora. Entre diplomates “de carrière” et ceux venus de l’extérieur. Comme si la fidélité à la nation se mesurait en kilomètres. Comme si l’exil était un choix. Comme si, face aux insultes du monde, il nous fallait encore nous battre entre nous.
C’est plus qu’une erreur : c’est une faute morale. Une insulte à l’histoire, à l’unité, à l’idéal même de ce que fut Haïti. Nous sommes tous Haïtiens. Et quand la patrie saigne, nous saignons ensemble. Un diplomate n’est pas un portier de ministère. Il est la voix de ceux qui n’en ont pas, le cri d’un peuple qui ne veut pas mourir en silence.
Il est temps de se souvenir. Le respect ne se quémande pas : il se défend. Il se proclame. Il s’arrache.
Si notre diplomatie n’a plus de voix, alors c’est à nous de parler. À nous de rappeler que la République d’Haïti n’a pas été fondée pour courber l’échine, mais pour marcher debout — même contre le vent.
Tant qu’il restera une voix pour le dire, le pays ne sera pas mort.
Maguet Delva