Sort réservé aux Généraux de la Bataille de Vertières

La Guerre de l’Indépendance d'Haïti dura à peu près un an, d’octobre 1802 jusqu'à la bataille de Vertières, le 18 novembre 1803. Durant la première phase de cette guerre, de nombreuses batailles furent livrées dans le Sud et dans l’Ouest. Celles-ci incluent la prise de Port-au-Prince qui fut une bataille épique, d’une importance capitale dans le processus de libération. Les Français durent concentrer leurs forces dans le Nord qui fut leur dernier bastion. Plusieurs batailles importantes furent livrées afin de libérer le Nord du joug des Français. La bataille de Vertières en fut la dernière et viendra confirmer la victoire de l’armée indigène sur celle de Napoléon Bonaparte.

Si le Général de Brigade François Capois surnommé Capois la Mort fut le héros de la bataille Vertières, son chef hiérarchique durant cette bataille fut le Général de Division Augustin Clerveaux qui, à son tour, était sous les ordres du Général en Chef Jean Jacques Dessalines.

J’ai souvent médité sur le sort tragique qui a frappé ces trois héros, comptant parmi les plus proéminents des pères de la nation haïtienne. Au terme de la bataille de Vertières, le 18 novembre 1803, Haïti devient officieusement indépendante et officiellement, le 1er janvier 1804, date de la proclamation de l’indépendance.

L’acte de l’indépendance fut signé par les pères fondateurs de la nation haïtienne:

● Jean-Jacques Dessalines, Général en chef

● Augustin Clerveaux, Général de division

 ● Henri Christophe, Général de division

● Alexandre Pétion, Général de division

● Nicolas Geffrard, Général de division

●Vernet, Général de division

● Gabart, Général de division

● P. Romain, G. Gérin, F. Capois, Jean-Louis François, Férou, Cangé, G. Bazelais, Magloire Ambroise, J.J. Herne, Toussaint Brave, Yayou : Généraux de brigades

 ● Guy Joseph Bonnet, F. Papalier, Morelly, Chevalier, Marion : Adjudantsgénéraux

● Magny, Roux : Chefs de brigades

● Chaperon, B. Goret, Macajoux, Benjamin Noel, Ololoy, Dupuy, Carbonne, Diaquoi aîné, Raphaël, Malet, Derenoncourt : Officiers de l'armée haïtienne

● Pierre Nicolas Mallet alias Mallett Bon Blanc

 ● Louis Boisrond Tonnerre, secrétaire

Le 1er janvier 1804, Jean Jacques Dessalines devient le Gouverneur Général à vie d'Haïti. Le 22 septembre 1804, Dessalines est proclamé Empereur d'Haïti (Jacques 1er) ; il devient donc l’égal de Napoléon. Les seuls nobles de l’empire étaient l’Empereur lui-même et les membres de sa famille.

Dessalines / Jacques 1er régnait à partir de Marchand, la capitale

 Général Clerveaux, Commandant en chef de l’armée était cantonné à la Marmelade.

Général Christophe au Cap-Haitien

 Général Capois (Cappoix) à Port-de-Paix

General Vernet aux Gonaïves Général Gabart a St-Marc

Général Pétion à Port-au-Prince

Général Geffrard aux Cayes

Durant le règne de Dessalines, la politique fut dominée par le massacre des colons français , la tentative ratée de conquête de la partie orientale de l'île et l’érection des forts pour protéger la nation contre un retour éventuel de l’armée française. Mais, dans les mois qui suivirent la proclamation de l’indépendance, la lutte pour le pouvoir politique allait commencer.

C’est ainsi que le Général de Division Henri Christophe avait le projet d’éliminer l’Empereur et voulait le remplacer. Dans un premier temps, il complota avec le Général de Division Nicolas Geffrard pour renverser Dessalines. La mort de Geffrard changea ses plans, mais pas ses intentions. Le Général Clerveaux, le plus ancien Général après Dessalines, fut automatiquement nommé Commandant en Chef de l’armée impériale. C’est lui qui serait appelé à succéder à Dessalines, advenant la mort de l’Empereur. Christophe étant le plus ancien des Généraux après Clerveaux, il lui fallait donc éliminer ce dernier pour devenir Commandant en Chef de l’armée et s’assurer d’être le successeur de Dessalines. Le Général Clerveaux aurait été empoisonné par Justamont, un anglais, médecin de Christophe, délégué par ce dernier au chevet de Clerveaux.

Après la mort de celui-ci, Christophe, le plus ancien Général, devint Commandant en chef de l’armée impériale. Suite au drame du Pont Rouge, 17 octobre 1806, Christophe fut automatiquement le successeur de Dessalines et vit son rêve finalement se réaliser. Sachant que le Général François Capois (Cappoix) était un fervent dessalinien qui ne pouvait qu'entraver sa démarche, Christophe le fit exécuter par ses officiers (Romain et Dartiguenave) lors d’un guet-apens tendu au fossé de Limonade, le 19 octobre 1806. Le drame de Limonade est habituellement occulté par toute une frange de l'intelligentsia haïtienne dans le seul but de sauver la réputation de Christophe et de jeter l’opprobre et tous les torts sur les noirs plus clairs de l’Ouest et du Sud.

L’assassinat du Général Capois, le héros de Vertières n’est-ce pas un crime aussi odieux que l’assassinat de Dessalines ? Le drame de Limonade pourrait être considéré comme plus odieux encore, étant donné que le General Capois n’avait eu aucune attitude agressive à l’encontre de Christophe, tandis que Dessalines, selon sa propre confession, avait menacé des Généraux de l’Ouest et du Sud. Cette attitude agressive de Dessalines rappelait aux gens du Sud les crimes du passé quand, en 1800, après la guerre civile du Sud, Toussaint Louverture ordonna à Dessalines de massacrer 5000 rigaudins parmi lesquels à peu près 3000 noirs plus clairs (métis) à la Grande Anse . Ce même phénomène de malhonnêteté intellectuelle se reproduit à tous les coups lors de commentaires et d’analyses des faits historiques. Cette malhonnêteté intellectuelle a largement contribué à créer la division de la famille haïtienne.

La question de couleur a été super exploitée au cours de notre histoire et a entraîné Haïti dans l’abysse de la « malédiction ». Dans un pays démocratique, le respect de la Constitution et des lois devrait être la seule boussole pour juger du comportement de ceux qui y vivent (citoyens ou étrangers). Si un citoyen ou étranger enfreint les lois et la constitution du pays, la justice est en droit de sévir contre lui à quelque classe sociale qu’il appartienne. Toute autre démarche devrait être considérée illégale, arbitraire et anti-démocratique.

Revenons à Christophe. Après avoir fait assassiner Capois, il s’apprêta à rentrer à Port-au-Prince pour être assermenté comme président de la nouvelle République. Les Généraux de l’Ouest et de Sud l’y attendaient pour son investiture. Christophe partit du cap Haïtien, mais, avant d’atteindre Port-au-Prince, on l’informa que s’il acceptait d’être président sous l’égide de la nouvelle Constitution, il n’aurait pas plus de pouvoir qu’un caporal. Alors, il rebroussa chemin et prépara la guerre, guerre fratricide qui dura approximativement 12 ans (1807-1819). D’abord président à vie de l’État d'Haïti (du Nord) février 1807, il se fit couronner Roi d'Haïti (Henri 1er) en mars 1811. Le Royaume du Nord exista jusqu’à sa mort. En août 1820, le roi Christophe eut un accident cérébrovasculaire. Se sentant diminué, il se retira à la citadelle Laferrière. Dès qu’il sût que la garde royale s’était révoltée contre lui, il se suicida en octobre 1820 en se logeant une balle au cœur. Ainsi perdirent la vie 4 des héros de l’indépendance d’Haïti: Christophe par suicide et les 3 autres par assassinat : Dessalines , Clerveaux et Capois-la-Mort ; les 3 derniers furent les Generaux ayant participé à la bataille de Vertières. Aujourd’hui, on a tout juste analysé le sort réservé aux principaux héros de Vertières. Nous aurions pu multiplier ces exposés en se référant à différentes époques de notre histoire et prouver que nous avons gaspillé notre énergie de peuple à nous autodétruire. L’histoire de ces 60 dernières années nous le prouve. Pendant 60 ans, au lieu de prôner la concorde et de prêcher par l’exemple, nos dirigeants politiques ont préféré pour la plupart semer la haine et ont encouragé la violence provoquant l’exode des cerveaux, l'accélération de la centralisation/ bidonvillisation, la destruction graduelle de notre agriculture et le retard de notre développement industriel. Ils n’ont rien fait pour développer ce pays et le sortir de l’ornière.

Ainsi, le nombre des démunis n’a cessé d’augmenter causant aujourd’hui un problème socio-économique quasiment insoluble. Qui pis est, nous en sommes arrivés au stade où les gangs pratiquent la politique de la terre brûlée. À quoi cela peut-il bien mener si ce n’est à l'anéantissement total de notre chère Haïti. Nous devrions tous avoir honte. Une grande part de responsabilité nous incombe. Duvaliéristes, Lavalassiens, PHTKistes et politiciens de tous poils , tels ceux qui ont créé le “pays lock”, ont tous contribué à amener Haïti au fond du précipice. Mais, s’ils ne font pas leur mea culpa en reconnaissant qu’ils ont mal agi, comment faire confiance à l’un ou à l’autre pour redresser la barre. Aujourd'hui, le pays est à son plus bas niveau. Pouvons-nous encore nous relever et restructurer Haïti; créer finalement un État nation où les droits de tous seraient respectés ? Cela me paraît une tâche énorme. En analysant ce qui reste du pays, il m’est permis d’être pessimiste. Puisqu’il existe dans la faune politique une majorité de politiciens qui ont contribué à détruire le pays, il est grand temps qu’ils se métamorphosent en des patriotes qui ne sont guidés que par le sens du devoir et du service public. Ils doivent oublier la notion traditionnelle d’être “chefs”, chefs de quoi. Plus de place pour la haine et la destruction! Avec tout ce qui me reste de patriotisme, je souhaite un vrai réveil de la nation pour un vrai changement.

 

Bernard Miot

20 novembre 2021

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

1 COMMENTAIRES