La récente sortie de l’économiste Étzer Émile, suggérant qu’« En 2025, il faudra cesser de prendre une « woulib sur DESSALINES » », a rouvert un débat controversé au sein de la société haïtienne, d’autant que l’an dernier, deux (2) événements impliquant Jean-Jacques DESSALINES ont défrayé la chronique.
- D’un côté, en mai 2025, des lycéens de Pétion-ville ont défilé en scandant des propos et des slogans ignominieux contre la figure du Père de l’Indépendance. Ces outrances verbales n’ont été condamnées publiquement que tardivement par le ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP), et jamais —fait troublant — par le ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action civique (MJSAC).
- De l’autre, l’historien Michel Soukar a, un temps, dans une maladresse verbale, laissé entendre que le Père fondateur de la nation était mort dans la défense de terres acquises illégalement, l’assimilant presqu’à un usurpateur foncier. Conscient de la portée de ces propos inélégants, M. Soukar est, par la suite, revenu sur ses dires pour se présenter, depuis, comme un ardent défenseur de l’héritage Dessalinien, que, selon lui, aucun Haïtien n’est digne de porter. Encore un peu, et un test ADN serait nécessaire pour vérifier s’il n’est pas un descendant égaré de l’empereur, tant son verbe frise désormais l’affiliation familiale.
Ces épisodes illustrent une réalité : évoquer Dessalines, surtout pour le critiquer, c’est activer un accélérateur de visibilité, donnant à celui qui le fait une exposition maximale dans l’espace public comme sur les réseaux sociaux, à moindres frais, sans faire appel à une armée de relationnistes et de communicateurs. Ça, je n'ai aucun doute que l'économiste en ait parfaitement saisi le mécanisme.
Hélas, les déclarations de l’économiste ont été interprétées par beaucoup comme l’esquisse d’une nouvelle tentative, rappelant celle des assassins et de leurs complices, qui cherchèrent, sans succès, à rayer sa mémoire de la conscience collective durant quarante (40) ans.
Assez grand pour expliciter ces propos, j’ose croire qu’il a surtout voulu dire que le nom de l’Empereur est brandi trop souvent comme un totem, son image invoquée comme celle d’un père, tandis que ses principes de souveraineté et de justice s’évaporent dans des discours creux. Aussi, vais-je accorder du crédit au ras-le-bol transpirant de son coup de gueule, qui semble trahir cette lassitude face à l'écart entre les hommages rhétoriques et l'absence totale d'incarnation de l'idéal Dessalinien.
Somme toute, ces polémiques révèlent également la relation ambivalente que les Haïtiens entretiennent avec leur Père fondateur, alors qu’au fond, cette sensibilité à fleur de peau masque souvent un vide sidéral au cœur de son héritage idéologique.
À ceux qui perçoivent du « courage » dans les déclarations de l’économiste — qu’on leur pardonne, car le vrai « courage » s’étant déjà illustré à la Crête-à-Pierrot et à Vertières — je souhaiterais poser quelques questions :
- Pourquoi priver notre discours de la fierté que méritent les héros de l'indépendance, alors que d'autres nations leur érigent des bustes, statues et célèbrent leur mémoire ?
- En quoi l'acte de parler, voire de célébrer ces figures historiques et d'interroger leurs expériences afin d’éclairer notre avenir collectif serait-il contradictoire ? Ces deux démarches ne peuvent-elles pas, au contraire, se nourrir mutuellement ?
- Pourquoi les effacer de nos conversations, alors que leur nom pourrait, au contraire, susciter l’engagement citoyen, le sens d’une responsabilité collective et la volonté citoyenne d’accomplir ce qui reste à faire pour honorer leur héritage ?
Il est pour le moins paradoxal, voire étrange, de constater qu’une minorité aux motivations floues s’emploie à tenter de gommer l’image de DESSALINES et à enjoindre de reléguer la Geste des héros de 1804 au silence, alors qu’ailleurs, des dirigeants d’Amérique latine et d’Afrique la louent et s’en inspirent pour conduire leurs peuples vers la souveraineté et l’affranchissement du néocolonialisme.
À mon humble avis, les rapports de production conflictuels et les profondes contradictions qui ont conduit à son assassinat — souvent confinés dans l’angle mort des écrits et analyses historiques — gagneraient à être explorés afin d’éclairer le présent et de comprendre cette attitude. Les affronter et s’y replonger ne seraient pas négatifs ; au contraire, cela pourrait même s’avérer nécessaire à une compréhension lucide de certains préjugés séculaires et luttes intestines actuelles.
Mesdames et Messieurs, futurs candidats, plutôt que de vous complaire dans des polémiques stériles, donnez l'exemple en proposant une vision et un véritable projet de société capables de restaurer l'ordre républicain, de sécuriser des politiques publiques viables et de replacer la production nationale au cœur d'une stratégie économique crédible.
Sur ce terrain exigeant, vous serez étonnés du nombre de compatriotes prêts à vous suivre comme ils l’ont fait pour les héros de l’indépendance qui ont su se fédérer face aux oppresseurs.
DESSALINES ET SES FRÈRES D’ARMES SONT ÉTERNELS, PA ANMÈDE YO !
Mickelson THOMAS
