Opacité dans la sélection de nos ambassadrices de beauté.
Ayant moi-même été, du temps de mon adolescence, tentée par l’univers du mannequinat avant de choisir finalement les études en relations internationales, et à la lumière du scandale suscité par l’affaire Miss Côte d’Ivoire lors du récent concours de Miss Univers, je me suis surprise à me poser une question toute simple : * qui choisit vraiment celles qui prétendent représenter le pays dans ce domaine sur la scène internationale ? *
Question légitime, car en Haïti, je n’ai pas mémoire que la désignation de la jeune femme censée représenter le pays aux concours internationaux (Miss Monde, Miss Univers, etc.) se fasse dans la plus transparence.
Du jour au lendemain, on se lève et apprend au hasard d’un communiqué que * telle Miss * est à l’étranger en train de représenter Haïti, sans qu’aucun concours national public n’ait été organisé, encore moins médiatisé.
Comment notre Miss Haïti est-elle choisie ?
Y a-t-il eu un casting ou un concours national ouvert à toutes ?
Pour moi et pour beaucoup d’autres, le mystère demeure, car aucune information claire n’est disponible sur la question.
Par exemple, la Miss Universe Haïti 2025 a été annoncée soudainement via un simple post Instagram le 16 octobre 2025. Cette annonce-surprise, faite par les * organisateurs de Miss Universe Haïti * - dont d’aucuns questionnent la légitimité - * a confirmé le choix de la représentante nationale * sans que personne n’ait entendu parler d’une compétition nationale préalable.
Cette situation soulève autant une question de responsabilité que de leadership.
Quel ministère est chargé de réguler ce secteur, qui projette pourtant l’image du pays à l’extérieur ?
Le Ministère de la Jeunesse et des Sports (MJSAC) devrait-il s’en occuper, ou bien le Ministère de la Culture, celui des Affaires Étrangères (MAE).
Actuellement, il semblerait qu’aucune autorité publique ne supervise formellement l’organisation de ces concours où la sélection des Miss se déroule sans cadre officiel ni critères transparents.
À l’heure où nos reines de beauté portent le drapeau haïtien sur la scène mondiale, n’est-il pas légitime d’exiger un minimum d’orientation et de supervision de la part de l’État ?
Une autre interrogation se rapporte au monopole des franchises privées qui détiennent les droits de l’organisation des concours de Miss en Haïti.
Mes recherches n’ont permis de découvrir qu’avant 1986, une seule organisation détenait toutes les franchises (Miss Univers, Miss Monde, etc.).
Mais depuis quelques années, ces licences sont réparties entre plusieurs entités exclusives : par exemple, l’Organisation Miss World Haïti détient la franchise Miss Monde depuis 2018, tandis que l’Organisation Miss Haïti (dirigée par un comité privé) gère la franchise Miss Univers.
Dans la pratique, cela signifie que des gens dont on ignore tout ont le monopole du choix des représentantes nationales aux concours internationaux, sélectionnant souvent en interne la candidate jugée la plus apte, sans organiser de concours national, mais plus grave, sans rendre compte à personne.
La récente Miss Universe Haïti 2025 illustre ce fonctionnement : c’est une ancienne Miss Massachusetts USA, habituée des podiums américains, qui a été couronnée en toute discrétion.
Doit-on en conclure que seules les candidates issues de la diaspora ou de Port-au-Prince ont réellement leurs chances ?
Quid de l’égalité des chances pour toutes mes soeurs ?
N’est-on pas en droit de s’interroger sur l’égalité des chances dans ce processus opaque ?
Toutes les jeunes filles haïtiennes en âge de concourir – de Les Irois à Les Anglais, de Jérémie au Cap-Haïtien, de Jacmel à Ouanaminthe – ont-elles réellement la possibilité de participer à une compétition nationale de sélection ?
Actuellement, rien n’est moins sûr.
En l’absence de concours national itinérant couvrant tout le pays pour dénicher des talents, ces questions sont pertinentes d’autant qu’à l’inverse dans de nombreux pays, les concours de Miss sont de véritables institutions.
Des sélections régionales sont organisées, suivies d’une grande finale nationale télévisée, le tout sous le regard du public.
Cette formule ouverte garantit que la couronne nationale revienne à n’importe quelle candidate méritante, quelle que soit sa ville d’origine.
Une anomalie à ne plus passer sous silence
Dans mon cher pays ou l’on fait tout autrement… et mal, cette anomalie perdure depuis trop longtemps, sans que personne ne la corrige.
Faut-il continuer à accepter qu’à l’ère des réseaux sociaux et de la transparence globale, notre pays choisisse ses Miss dans le secret ?
Combien de temps encore cette incohérence sera-t-elle tolérée ?
Il est grand temps de poser ces questions dérangeantes et d’exiger des réponses. Le public haïtien – et toutes les jeunes femmes aspirant au titre – ont le droit de comprendre et de participer à un processus juste, équitable et transparent.
L’image d’Haïti à l’international mérite mieux qu’une sélection à huis clos.
Jovanie Solon
Diplômée en Relations internationales
Sources bibliographiques
1.- La répartition des franchises Miss Haïti (Miss Univers, Miss Monde, etc.) a été documentée par Wikipédia.
2.- L’annonce de Miss Universe Haïti 2025 sur Instagram et le profil de la nouvelle reine (ancienne Miss Massachusetts) ont été rapportés par Chokarella et relayés par les media de la capitale.
