Le carnaval en Haïti : entre misère et plaisir, un choix calculé

Le carnaval, de par sa représentation, s’avère le grand rendez-vous annuel, le moment opportun pour la jouissance, le mariage des couleurs en vue de créer des images. II demeure l’une des plus remarquables fêtes populaires et culturelles que certains pays, notamment Haïti, ne négocient pour quoi que ce soit. Les gens viennent de partout pour se divertir, rencontrer leur famille et se faire de nouveaux amis. Comme les fêtes de fin d’année, le carnaval a aussi toute son importance, sa signification dans l’univers haïtien. D’ailleurs, c’est le moment occasionnel pour prendre son bain de foule, se recréer à travers les meringues, les défilés des groupes masqués, les déguisements, etc. De plus, il faut dire aussi que la musique (compas) en soi est dans l’ADN des Haïtiens puisqu’elle chasse le stress, évite la solitude en créant la paix intérieure. La musique est importante pour l’homme haïtien comme le sang l’est pour le cœur, surtout en ce temps de grandes turbulences politiques.

En effet, depuis plusieurs années, soit après la fin du deuxième mandat du Président Préval (2006 -2011), nous avons pu constater que le carnaval prend une autre tournure, et ce même en dépit de la morosité de la conjoncture politique du pays, qui répercute sur sa situation économique, sociale… la bataille pour maintenir la tenue des activités carnavalesques est toujours de mise. Et, c’est à partir de là qu’on commence à délocaliser le carnaval. Pas besoin de remonter dans le temps pour retracer l’histoire de la délocalisation du carnaval en Haïti. Mais, un fait est sûr et certain, le carnaval apporte des retombées positives et/ou négatives sur la santé financière du pays.

Nous allons considérer deux aspects cruciaux qui méritent une attention toute particulière à relater:

Sous l’angle économique, nous sommes tous d’accord que le carnaval pourrait effectivement occasionner une belle rentrée surtout pour les commerçants, les entrepreneurs, les producteurs… qui s’apprêtent à attendre la venue des diasporas afin de faciliter la vente de leurs produits, leurs différents services. Pendant cette période, l’argent circule avec facilité et au rythme accéléré. Les marchands, les chefs d’hôtels, les entreprises… sont dans leur bain et font bon ménage. Donc, générer des profits au bénéfice de la population s’avère un pas de plus dans la bonne direction pour les autorités. Tous les secteurs d’activités participent en maximisant leur profit.

Sous l’angle politique (en Haïti), le carnaval est, en raison de la mauvaise gouvernance, l’occasion idéale pour les dirigeants . Car, avec ce dernier, les gens ne vont pas vraiment se tabler sur la situation politique, le phénomène d’insécurité, la cherté de la vie, la gabegie administrative… Ce qui les intéresse c’est le plaisir intense. Ils s’endorment. Ils ne voient rien ni entendre. Le plaisir prend le dessus sur leur misère. Les dirigeants profitent alors de leur ignorance en leur fournissant du plaisir. Or, les problèmes restent tels qu’ils sont. Ils continuent avec leur compromission, leur négociation fallacieuse sous prétexte qu’ils avancent.

Loin de penser que nous sommes contre l’organisation des activités carnavalesques dans le pays, au contraire si l’on tient compte des analyses précédentes, il est tout à fait normal qu’on maintienne cette activité annuelle. Cependant, en regardant l’état dans lequel végète la population, ses conditions socio-économiques… il est cynique, voire inhumain, d’accepter de vivre ainsi, voire danser, se divertir dans cette misère abjecte. Par contre, nous avons bien compris aussi ce dilemme, ce piège dans lequel s’enlise le peuple : puisqu’il est dépourvu de tout, pour empêcher toute possibilité de révolte, il faut absolument cette alternative qui est de l’aveugler pendant qu’il danse sa misère. Et pourquoi ne pas penser aussi à injecter une telle somme dans la sécurité, l’éducation et/ou la santé, avec d’autres alternatives qui soient capables d’enrayer l’insécurité, la fuite des cerveaux, l’abandon des études, le taux de mortalité… Déjà, dans un pays où l’accès à l’éducation, à la santé, même aux besoins de base, demeure un luxe, comment accepter de prioriser le carnaval sur la sécurité des gens.

En plus, peut-on parler d’une forte participation de la diaspora et d’autres gens du pays dans un contexte où l’insécurité bat son plein, où le coût de la vie s’accélère avec une vitesse vertigineuse, où l’argent se fait vraiment rare… avec quel sentiment on va participer. Oui! il est dans l’intérêt des dirigeants de planifier, d’organiser le carnaval. Néanmoins, il faudrait bien que le peuple soit assez lucide pour ne pas tomber dans ce piège : l’oubli, quand même passager, de sa souffrance durant ces 3 mois. À quoi doit-on vraiment espérer d’un peuple désœuvré et des dirigeants inconscients, qui ne profitent que de sa précarité (peuple) et qui font leur beurre (dirigeants).

Haïti est en coma. Le peuple aussi, sous la complicité avérée des dirigeants, s’endort en vendant son âme et sa conscience au profit du plaisir inconfortable. La misère rend le peuple vulnérable, soumis, aveuglé… Or, après la jouissance, il retournera dans la même situation délétère, sans rien exiger. Il est clair que les jours de ce peuple sont malheureux, mais sa situation n’est pas une fatalité, plutôt un complot monté de toute pièce contre lui. En dépit de tout, n’y a-t-il pas lieu d’espérer un lendemain meilleur ?

 

Vive Haïti!!!


Vive ma patrie !!!


Jean Marc Sénatus, un Haïtien conscient

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