De Anita à Chantal Guerrier : le parcours d'une femme engagée !

Qui se cache derrière le personnage d'Anita, du film de Rassoul Labuchin ? Quarante ans après, Chantal Guerrier, de son vrai nom, a parcouru un long chemin. Journaliste au Figaro, elle a aussi eu une carrière associative riche. En 2004, elle a fondé l'AFHSEC, devenue AFHSEC-CHASO en 2014, et en 2022, elle a adopté le nom d’Haïti-Oise pour plus de visibilité. Alors qu'elle célèbre deux décennies d'engagement, Chantal Guerrier a partagé avec nous son parcours inspirant, malgré un emploi du temps chargé.

Nous sommes en 2004. De graves troubles sociaux-politiques agitent Haïti. Le président de l’époque, Jean-Bertrand Aristide, est contraint de quitter le pouvoir et de partir pour l’exil. Un gouvernement provisoire est instauré mais des dizaines de personnes sont assassinées chaque jour. Une force internationale est alors dépêchée en Haïti avec comme mission de rétablir l’ordre et la sécurité. Pour ne rien arranger, de fortes intempéries s’abattent sur plusieurs régions du pays, provoquant des inondations, emportant maisons et habitants en grand nombre. 

À Creil, où Chantal Guerrier habite, elle est active dans plusieurs associations. Les images retransmises par les télévisions (les réseaux sociaux commencent à peine) sont affreuses, alarmantes. « Mais quelques rares reportages illustrent des initiatives inspirantes, des projets introduits par des citoyens dans les provinces et qui donnent de l’espoir dans l’avenir du pays », se souvient-elle.

Ce sont ces nouvelles focalisées uniquement sur les catastrophes qui lui ont inspiré l’idée de partager avec ses concitoyens franco-haïtiens les divers aspects positifs d’Haïti. « Haïti est un pays très riche. À commencer par sa culture », qu’il fallait contribuer à faire connaître. 

Elle crée donc l’association. « Nous avons commencé par présenter une exposition de photos, puis nous avons montré des peintures, organisé des rencontres avec des écrivains reconnus. La musique, la danse, les contes, la cuisine sont mis en avant à ces occasions ».

Régulièrement, elle invite des personnalités issues d'horizons divers – sociologues, juristes, poètes, penseurs, politologues – afin d'aborder les sujets d'actualité qui concernent Haïti et les Haïtiens. 

Deux piliers d’intervention

L’association fonctionne sur deux piliers. D’un côté, en France, elle valorise la culture haïtienne à travers différentes manifestations. « Régulièrement, en effet, nous organisons des rencontres avec toutes sortes d’intervenants haïtiens pour des “causeries“ ou “apéritifs culturels“ sur des sujets d’actualité afin de permettre au public d’échanger en toute “objectivité“ ». 

Le second pilier consiste à apporter un soutien à des structures éducatives (écoles, bibliothèques) afin qu’elles trouvent les moyens d’améliorer la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage. Par exemple, création de bibliothèques, de tableaux numériques, de jardins scolaires, de cantines, etc.

Depuis les débuts de l’association, les membres réalisent en moyenne une exposition par an. Et plusieurs mini-activités au cours de l’année (exception faite de la parenthèse du covid 19). 

Les commencements ont été modestes. « Il fallait qu’on soit trois personnes pour créer le bureau. J’ai ainsi demandé à deux de mes amies, Rquia, d’origine marocaine, pour être la secrétaire et Marie-Christine, une Corrézienne, comme trésorière. » La structure s’est étoffée : cette année, on compte plus d’une trentaine d’adhérents. Le conseil d’administration se compose de dix membres. Parmi les fondatrices, Marie-Christine, qui est toujours des nôtres.

Quant au financement, il provient d’abord des cotisations et de quelques dons de sympathisants. « Lorsque nous projetons de réaliser une action, nous recherchons des subventions auprès de différents organismes publics ». Ils sont pléthore : la mairie de Creil, le département de l'Oise, la région des Hauts-de-France, le Fonds de développement de la vie associative (FDVA), la Fédération du livre du Secours populaire français (FDLSPF), entre autres. Et parfois même, l’ambassade d’Haïti en France.

À la question de savoir si l’association a rencontré des problèmes de trésorerie, Chantal explique : « Nous sommes une petite structure. Nous fonctionnons énormément avec des bénévoles qui sont aussi adhérents de l’association. Qu’ils soient en activité ou retraités, ils s’impliquent à fond pour faire aboutir nos projets. »

L’obstacle sécuritaire

Interrogée sur les principaux défis auxquels son association a été ou est confrontée, Chantal nous fait part de son intention d’attirer aussi les seize-trente ans, tout en gardant l’objectif de l’association qui est la promotion de la culture haïtienne et le soutien à des établissements scolaires pour l’amélioration des conditions de l’apprentissage. Son but : mettre sur pied des activités propres à intéresser cette jeune génération. « Et la culture au sens large continuera de jouer un rôle important ».

Ce qui bride la concrétisation d’actions de l'association sur le terrain en Haïti, c'est l'insécurité persistante. « Cela nous a ralenti sur des projets, confie-t-elle. Le fait que l’on ne puisse pas voyager dans le pays de manière sereine bloque beaucoup de choses. C’est le cas pour l’économie du pays, c’est aussi le cas pour nous autres, acteurs associatifs. »

Malgré tous les obstacles et parfois aussi les frustrations, Chantal parle volontiers d’une réalisation dont elle est fière :  les bons résultats de ses démarches après le séisme qui a frappé le sud d’Haïti à l’été 2021 (d’une magnitude de 7,2, plus de 2 000 morts et plus de 1,2 million de personnes affectées, dont 540 000 enfants, selon l'UNICEF), suivi de terribles intempéries qui ont endeuillé le Sud-Est. Son association avait, à l’époque, réalisé une petite vidéo pour lancer une campagne de crowdfunding dans le but de parrainer l’équivalent d’une classe (25 élèves) de différents niveaux. « Nous avons pu ainsi aider une école à assurer le salaire de quelques professeurs et à des parents de remettre leurs enfants qu’ils avaient dû retirer, faute de pouvoir payer leur scolarité. La satisfaction a été de voir tous ces élèves passer au niveau supérieur. Bien sûr, cette satisfaction était partagée par tous les bénévoles qui se sont mobilisés avec moi pour mener cette campagne. »

Si l’on évoque l’émotion pure, elle se souvient surtout de l’inauguration d’une bibliothèque pour l’école soutenue par son association. C’était en 2018, en Haïti. À ses côtés se trouvait Lucette, un autre membre de l’association. « C’était un moment d’une intensité incroyable ! C’était tout simplement magnifique ! Les élèves, les parents, les enseignants étaient tous présents. Une messe a été célébrée, comme c’est la tradition. Cela se déroulait pendant la période du carnaval ! » Sa fierté est d’autant plus grande que cette école accueille 1.100 élèves et compte 70 enseignants. Pour elle, c’est un accomplissement considérable.

Des projets d’avenir ? Il est hors de question pour Chantal de baisser les bras, tant elle conçoit de projets ! Elle envisage notamment de se rendre en Haïti avec des adhérents pour observer et suivre sur place les progrès concernant l’école que son association subventionne. Pour des raisons de sécurité, elle ne dévoile ni le nom de l’école ni son emplacement. « On ne cache rien. C’est juste qu’on ne veut pas qu’on s’attaque aux enfants ! ». Elle a bien raison car au cours des derniers mois, beaucoup d’établissements scolaires ont été assaillis par des gangsters.

Pour ce qui est des ambitions de l'association, Chantal estime que Haïti-Oise va continuer à se développer, s’adapter, se professionnaliser grâce en particulier aux nouvelles technologies. Donc accroître sa visibilité. « Déjà, le fait de pouvoir organiser des réunions en visio-conférence avec nos adhérents répartis aux quatre coins de la France — et même avec nos partenaires en Haïti — est un atout majeur. » Vingt ans d’existence, c’est aussi vingt années d’archives et de documents à numériser. Un travail colossal les attend, mais c’est une tâche qui symbolise sa foi en l’avenir et sa détermination à transformer chaque défi en opportunité. 

 

Huguette Hérard

 

Notes :

(1) AFHSEC (Association franco-haïtienne de Solidarité et d'Échanges culturels)

(2)   AFHSEC-CHASO (Association franco-haïtienne de Solidarité et d'Échanges culturels-Collectif Haïti Solidarité Oise)

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES