Il était la mémoire vivante du Konpa Dirèk, le maître invisible derrière les plus grands succès de la musique haïtienne et antillaise. Le 14 octobre 2025, Robert «Bobby» Denis, ingénieur du son, producteur et pionnier des médias, a tiré sa révérence. Une pluie d’hommages s’est immédiatement abattue sur le pays, révélant l’ampleur d’un héritage sonore et humain inestimable.
Suite à l’annonce de la mort de l’ingénieur de son Robert” Bobby’ Denis des hommages respectueux se multiplient en Haïti et à l’étranger .En plus des notes de condoléances des confrères de la presse haïtienne, des musiciens qui ont bénéficié de l’ expertise de Bobby Denis lui ont rendu hommage Fabrice Rouzier, musicien de Mizik Mizik et producteur, se souvient avec émotion :« Ce soir, la musique haïtienne et antillaise des années 1970 à 2000 est orpheline. Robert Denis “Bobby”, l’ingénieur du son du mythique studio Audiotek, l’architecte de la majeure partie des albums de toute cette période, nous a quittés. J’ai eu le privilège de faire sa connaissance en 1984, grâce à Hans Peters. Depuis, Audiotek était devenu ma seconde demeure. L’accueil et la convivialité de Bobby mettaient tout le monde à l’aise. Ce temple de la musique haïtienne était le point de rencontre de tous les musiciens. À tout moment, on pouvait croiser Ansy Derose, Raymond Cajuste, Fred Paul, Isnard Douby ou Coupé Cloué. Bobby m’a très certainement donné la confiance qu’il fallait pour que moi aussi j’ose devenir un musicien.”
De son côté, Robert Févry a salué en lui un maître du silence et du partage : « La musique haïtienne pleure aujourd’hui l’un de ses plus grands artisans, un maître invisible derrière les consoles, un bâtisseur de lumière sonore. Bobby, c’était le souffle discret derrière les mélodies, le regard bienveillant derrière les artistes, le cœur battant d’un studio devenu temple. Il ne faisait pas que capter le son, il captait l’âme. Ingénieur du son, producteur, musicien il servait avant tout la musique, sans frontière ni étiquette. Du rara au zouk, du compas à la biguine, il façonnait chaque vibration avec dévotion, comme un prêtre au service d’un culte universel : celui du rythme et de l’émotion. »
Pour sa part, Richard Cavé, figure emblématique du groupe Kaï, a ajouté : « Bobby n’était pas simplement un ingénieur du son, il était le visage même de la musique haïtienne moderne. À travers son talent, sa passion et son perfectionnisme, il a révolutionné le son du compas et de toute la scène musicale haïtienne. Grâce à lui, les standards de production ont atteint un niveau que beaucoup pensaient impossible. Mais son héritage ne s’arrête pas à la musique. Avec Canal Bleu, il a transformé le paysage audiovisuel haïtien. Aujourd’hui, nous perdons un géant, un modèle, une icône. Son départ laisse un vide immense dans le cœur de tous ceux qui ont eu la chance de le connaître. »
Un pionnier enraciné dans le son et l’image
Robert “Bobby” Denis, souvent appelé le “Mapou du son”, a été l’un des artisans les plus déterminants de la modernisation de la musique haïtienne. À travers le studio Audiotek, qu’il fonda et fit devenir une véritable institution dans les années 1970-80, il façonna la bande sonore d’Haïti moderne. Sa sonorisation unique, fine et vibrante, a accompagné des centaines de disques, des grands classiques du compas aux expérimentations caribéennes les plus audacieuses. Mais Bobby ne s’est pas arrêté aux studios. Visionnaire, il lança la chaîne Télémax, symbole d’une production audiovisuelle haïtienne de qualité, avant de créer Canal Bleu, plateforme innovante dédiée à la diffusion d’artistes locaux. Par ces initiatives, il fit rayonner la culture haïtienne bien au-delà de ses frontières. Son travail lui valut une intronisation au Temple de la renommée du magazine HMI, qui le salua comme « un pilier de l’industrie musicale haïtienne », un homme ayant ouvert la voie à d’innombrables artistes, ingénieurs et producteurs. Un héritage éternel
Robert Denis n’était pas qu’un ingénieur du son. Il était un formateur, un passeur, un humaniste, convaincu que chaque être humain avait « une note juste à offrir au monde ».
Ceux qui ont croisé sa route témoignent tous de sa gentillesse, de son humilité et de sa générosité. Beaucoup d’artistes, parfois sans moyens, ont bénéficié gratuitement de son expertise, simplement parce qu’il croyait en leur talent.
Schultz Laurent Junior