Le secteur culturel, en particulier le monde littéraire, a perdu avec l’assassinat crapuleux de Schultz Laurent Junior une voix importante toujours témoin des pulsations de la création artistique haïtienne. Venu au quotidien Le National, il s’était rapidement imposé comme un jeune homme consciencieux, passionné par la littérature, mais également ouvert à toutes les autres formes d’art. Curieusement, il se faisait remarquer par sa discrétion. Il semblait toujours plus intéressé à ses textes qu’à sa propre personne. Il vivait par ses textes. Et après sa mort, comme s’il avait un don de prescience, il continue à vivre, à être dans nos mémoires à nous tous travailleurs de l’art.
Cette discrétion, ce professionnalisme, il les avait aussi dans sa carrière d’enseignant. Aimé de ses élèves pour son verbe, pour sa verve, pour son talent à susciter l’intérêt de son auditoire par ses interventions — ce sont les seuls moments où il était moins effacé —, il a su constamment porter les jeunes à aimer la littérature. Schultz faisait partie de l’élite de ses professeurs, qui, malgré le désintérêt des responsables du ministère de l’Éducation nationale pour la culture, et même leur mépris pour celle-ci, se sont battus pour que le livre et la littérature soient présents dans les salles de classe. Sous son impulsion, plusieurs écrivains ont été invités à rencontrer les jeunes, à discuter avec eux. Et lui, heureux de ces moments, se satisfaisant de cette gloire de nager loin au-dessus de la médiocrité ambiante, s’effaçait dans sa discrétion inimitable.
Quelques heures avant son assassinat aux États-Unis, Shultz avait fait parvenir des textes au National. Il ne voulait pas que cette vie d’esclave moderne le détruise. Il avait accepté de partir comme tant d’autres avec l’espoir d’offrir un meilleur avenir à sa famille. Sa mort, dans les conditions que nous savons nous montre que la violence et la folie ne sont pas une marque de fabrique de la société haïtienne d’aujourd’hui. La violence et la folie sont partout. La violence américaine s’est déversée sur nos rives avec nos voyous toujours au pouvoir.
Le National, Radio et Télévision Pacific, n’oublieront jamais ce passionné de Culture qu’a été Schultz.
Schultz fait partie de ces noyaux de jeunes que l’entreprise d’abêtissement de la société haïtienne ne réussira jamais à faire disparaître. La flamme qui animait Schultz Laurent Junior est en chacun de nous. La création littéraire haïtienne sera toujours le fer de lance de ce qui survit en nous malgré ce chaos organisé. Le succès de Yanick Lahens en est une preuve.
Schultz Laurent Junior, en ton nom, et au nom de toux ceux qui sont tombés en luttant pour préserver la flamme de l’Esprit en Haïti, nous n’abdiquerons pas.
Gary Victor
