Dans l'une des citations du Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, il rappelle que :«les villes sont des fabriques de possibilités. Lorsque l’on met l’être humain au premier plan, l’innovation numérique peut être un catalyseur d’équité et de durabilité pour tout le monde». Quel impact une telle réflexion pourrait avoir sur les villes en Haïti, en particulier les autorités centrales et communales à l'occasion de la journée mondiale des villes, qui coïncide en Haïti avec des villes ou des quartiers vidées de leur population à cause des violences urbaines et des catastrophes naturelles ?
Des spécialistes définissent le concept de ville intelligente, ou Smart City, comme une ville qui utilise les technologies de l’information et de la communication pour améliorer la qualité de vie de ses habitants, optimiser la gestion des ressources et faciliter la participation citoyenne.
Dans le cas d'Haïti, notre pays est confronté depuis plus de soixante dix ans à des défis tels que l’urbanisation rapide, le manque d’infrastructures fiables, la vulnérabilité face aux catastrophes naturelles, et la culture du chaos causé par l'instabilité politique chronique. Face à une telle situation, il paraît très difficile de transformer les principales ou les plus importantes communes du pays en des villes intelligentes.
De zéro, il faudra partir pratiquement pour inventorier les defis, repenser les espaces autant que pour rééduquer les populations qui habitent et fréquentent ces villes. Quels sont les enjeux stratégiques pour arriver a au moins la création d'une dizaine de communes modernes ou des villes intelligentes en Haïti ? Cela permettrait ou exigerait de non seulement moderniser les services urbains, mais aussi et surtout de renforcer la résilience et le développement durable de l'espace haïtien (urbain et rural, physique, imaginaire, technologique, symbolique...).
Dans la ville de Bogotá, en Colombie, la journée mondiale des villes sera célébrée le 31 octobre 2025, autour du thème des villes intelligentes centrées sur les personnes. Pour l'ONU: "Ce thème reflète la reconnaissance croissante du pouvoir transformateur des technologies numériques, qui redessine la vie urbaine à l’échelle mondiale et offre des opportunités considérables pour améliorer la conception, la planification, la gestion et la gouvernance des villes et des établissements humains.".
Dans le même paragraphe, l'argumentaire précise : «À une époque marquée à la fois par la transition urbaine et la transition numérique, les villes adoptent de plus en plus des solutions technologiques et des données numériques pour offrir de meilleurs services à leurs habitants et relever des défis et opportunités urbains majeurs».
De quoi faire rêver en Haïti, en s'accrochant à l'agenda de l'ONU, qui projette que : «Les villes intelligentes centrées sur les personnes exploitent l’innovation numérique tout en veillant à ce que la conception et la mise en œuvre des technologies soient guidées par les besoins des populations et des communautés, avec une prise en compte complète des impacts sociétaux et environnementaux plus larges. Cet aspect est essentiel pour accélérer la mise en œuvre du Nouvel Agenda urbain et du Programme de développement durable à l'horizon 2025».
Des considérations et des limites, quelle place pour les villes haïtienne ? Pour l'ONU : "La Journée mondiale des villes 2025 sera un catalyseur dynamique pour promouvoir l’innovation et la transformation numérique au service d’une urbanisation durable, tout en plaçant les personnes au centre. Elle démontrera en particulier comment la technologie numérique constitue un outil indispensable pour s’attaquer à certains des défis les plus pressants de notre époque. L’un des plus urgents est la crise mondiale du logement : 2,8 milliards de personnes n’ont pas accès à un logement adéquat, 1,1 milliard vivent dans des quartiers informels et des bidonvilles, et plus de 300 millions sont sans abri.".
Comment permettre à Haïti de disposer des villes intelligentes ?
Des infrastructures numériques, en passant par la mobilité et le transport, suivis par la gestion de l'énergie et de l'environnement, et sans oublier la gouvernance et la participation citoyenne, les investissements, le cadre réglementaire et l'éducation en premier, ce sont parmi les grands chantiers incontournables et indispensables à prioriser dans l'agenda des politiques publiques haïtiennes pour aboutir à la fabrication de véritables et verticales villes intelligentes en Haïti.
De nombreux défis majeurs s'imposent, pour penser à construire des villes intelligentes en Haïti. Il est essentiel de commencer par les infrastructures numériques. Un accès fiable à Internet et des plateformes numériques pour les services municipaux sont indispensables pour connecter citoyens, entreprises et administrations. L’installation de capteurs et de systèmes de surveillance permettrait également de collecter des données pour une gestion urbaine efficace.
Des systèmes de transport en commun suivis en temps réel, des feux de circulation intelligents et la promotion de solutions durables, comme les pistes cyclables et le covoiturage, contribueraient à réduire les embouteillages et la pollution. La mobilité et le transport constituent ainsi cet axe majeur non négligeable, destiné à faciliter la circulation, le déplacement et le rapprochement des espaces physiques entre les habitants et leurs besoins, entre les producteurs et les consommateurs, entre les produits et services, entre les différentes couches de la population.
Deux piliers importants dans le développement basique de toute communauté moderne, la gestion de l'énergie et celle de l'environnement sont également très déterminantes et cruciales dans l'aboutissement de ce noble objectif.
Des choix s'imposent autour des différentes sources d'énergies à opter. Chacune avec ses avantages et ses inconvénients. Les réseaux électriques intelligents, l’éclairage public connecté et la gestion optimisée des déchets permettent de réduire la consommation énergétique et de mieux protéger l’environnement. Parallèlement, des systèmes de surveillance de la qualité de l’air et de l’eau renforcent la sécurité sanitaire des habitants.
Difficile d'imaginer des villes intelligentes sans prendre en compte l'axe de la gouvernance et de la participation citoyenne, qui doivent être au cœur de la stratégie. Tous les spécialistes de ces systèmes sont unanimes à reconnaître que les plateformes numériques permettant de signaler des problèmes, d’accéder aux informations publiques et de participer aux décisions urbaines garantissent une administration plus transparente et plus efficace. Il est également indispensable d’adapter ces solutions aux contraintes locales, notamment la fragilité des infrastructures et la vulnérabilité aux catastrophes naturelles.
Comment utiliser l'éducation pour fabriquer des Haïtiens intelligents ?
Dans dix, vingt, trente ou cinquante ans, quelles seront les communes en Haïti, qui pourraient se rapprocher d'une telle vision ? Combien de régions seront dotées des différentes infrastructures et technologies utiles, pratiques et adaptées aux besoins réels de la population haïtienne ? Face à l'assaut des terroristes en cours contre les différentes villes stratégiques et symboliques en Haïti, pourquoi et comment défendre ces territoires, définir une stratégie de reconstruction, et développer des infrastructures technologiques à la fois, autour et dans ces villes dans une perspective de renaissance ?
Dessalines, la première capitale du pays, Gonaïves la ville historique de la nation et les autres capitales économiques, politiques, militaires, culturelles et symboliques exigent un minimum d'intelligence et de bon sens de la part de ses habitants, ses autorités communales et les notables pour comprendre le sens des attaques et de la guerre en cours, qui n'a que pour objectif principal de détruire tous les symboles de la nation, et d'empêcher à tout prix la préparation des commémorations de 2054, et la réparation de 2004.
De la survie à la protection de ces populations vulnérables et victimes, avant de penser à fabriquer des villes intelligentes en Haïti. Cela demande en premier lieu la fabrication d'une intelligence haïtienne d'abord, avant de penser à développer des villes intelligentes, des villes résilientes.
Des haïtiennes et des haïtiens intelligents dans le bon sens, et dans le sens du bien commun, c'est pratiquement l'un des plus importants matériaux qui manque sur l'actuel chantier de la renaissance historique et de la reconstruction physique de cette nation, à l'occasion de la journée mondiale des villes et en attente de voir ériger des villes intelligentes.
Dominique Domerçant
