Dix conseils au Conseil présidentiel de transition

Depuis votre accession au pouvoir, mon amour pour la patrie me contraint instamment de m’adresser à votre conscience patriotique dans le souci de vous interpeller autour des grands défis qui vous attendent et auxquels vous devez répondre avec efficacité, intelligence, rationalité, pragmatisme dans l’intérêt de la patrie commune. Vos actions par rapport au contexte pourraient faire de vous des fossoyeurs ou des porteurs d’espoir, des jouisseurs ou des serviteurs, des gardiens du statu quo ou des partisans du changement.

De mon lieu de citoyen conscient et humaniste engagé, la honte et l’indignation me couvrent de la tête aux pieds à chaque fois que je constate impuissamment la descente de mon pays tant aimé dans le gouffre. L’indifférence et l’insouciance des dirigeants face à la souffrance de la majeure partie de la population, la perte de la souveraineté politique du pays ne font qu’engendrer chez les gouvernés un manque de confiance en leurs gouvernants. Ils se montrent de plus en plus méfiants et sceptiques par rapport aux discours de ceux qui sont appelés à travailler pour améliorer leur condition de vie et leur cadre de vie. Au regard de tout cela, je crois qu’il est temps pour les décideurs d’agir dans le sens du bien-être collectif et de faire souffler sur le pays un vent d’espoir comme le veut le poète Delmyr Germenson.

Si les conseillers sont là pour conseiller, accepteraient-ils des conseils venant de quelqu’un ne faisant pas partie de leur clan ? Si les conseillers ont une feuille de route qui leur est déjà dictée, pourraient-ils changer de plan ou d’itinéraire dans l’intérêt du pays ? Si les conseillers ne sont pas autonomes ou libres dans leur prise de décision, serait-il logique de leur prodiguer des conseils ? Si le bien-être de tous les Haïtiens n’est pas la priorité des conseillers, que feraient-ils des conseils de ceux qui luttent dans ce pays pour le bien-être de tous ?  Les conseillers doivent se questionner par rapport à la signification de leur présence au sein d’un conseil présidentiel en ce temps de crise caractérisé par le désordre généralisé, le désespoir, l’angoisse, la souffrance, l’inquiétude, la banalisation de la vie, la déchéance de la société.

Voulant aller à contre-courant, je m’inscris en faux contre l’idée selon laquelle les dirigeants haïtiens ne peuvent pas se comploter dans l’intérêt d’Haïti. Quoique l’immensité des problèmes soit susceptible de créer chez les conseillers une envie de tâtonner ou de fuir au lieu de s’attaquer réellement aux grands maux qui rongent la société, je décide de leur adresser les conseils suivants :

  1. De concert avec l’équipe gouvernementale (Premier ministre, ministres), vous devez, chers conseillers, concevoir des programmes visant à porter les Haïtiens à s’aimer et à aimer leur pays. Chaque haïtien doit être considéré comme une valeur, un bras utile pour Haïti. D’où qu’il vienne. Quelle que soit son appartenance sociale. Portez les fils et les filles du terroir à redéfinir leur rapport avec le territoire, à y concevoir leur bonheur.
  2. Proposez par voie référendaire à la population un nouveau système devant faciliter l’autonomie des communes, l’utilisation des ressources des communes à leur propre développement.
  3. Élaborez un schéma national d’aménagement du territoire (SNAT) afin d’aboutir à une meilleure planification spatiale pour mieux appliquer les politiques, les plans, les programmes et les projets de développement.
  4. Il vous est conseillé d’utiliser trois stratégies dans le but de parvenir à un développement harmonieux et équilibré du territoire haïtien : 1) stratégie de freinage, il faut freiner le rythme d’extension de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince pour un meilleur contrôle de cette macrocéphalie urbaine ; 2) stratégie de maintien, il faut maintenir dans certaines zones des avancées positives relatives à certains domaines, notamment dans la protection et la gestion de l’environnement ; 3) stratégie de relance, il faut créer des incitatifs pour attirer des investissements en vue de faciliter le développement des zones attardées.
  5. Diminuez le train de vie de l’État. Montrez par des gestes concrets que vous êtes venus pour servir et non pour jouir ou continuer sur la voie de vos prédécesseurs. La population veut présentement des modèles de dirigeant qui priment l’intérêt général sur l’intérêt personnel. Nous sommes au temps de la transcendance. Alors, faites jaillir par vos actes patriotiques et de grandeur d’âme, des sources d’espoir au cœur de ce peuple souffrant.
  6. Après la pacification des territoires occupés par des groupes armés, il faut établir sur le territoire national des programmes d’éducation à la paix pour une meilleure harmonisation des rapports dans la société.
  7. Quant à l’organisation des élections, je vous conseille vivement de suivre les traces de l’ancienne présidente provisoire Herta Pascal Trouillot. Pour la stabilité du pays, ne cherchez pas à influencer les résultats des élections au profit d’un clan ou d’un secteur donné.
  8. Je vous exhorte de faire preuve de réalisme et de pragmatisme par rapport aux grands défis du moment. Montrez à partir des actions concrètes dans l’agriculture et des programmes d’apaisement que vous entendez le cri d’un peuple en agonie.
  9. Chers conseillers, vous prenez le pouvoir avec un déficit de légitimité et de crédibilité. Dans l’opinion publique, on traite le conseil ainsi : « couleuvre sept têtes ». assurément, ce propos ne vous laisse pas indifférents. Vous êtes conscients, j’en doute fort, du degré de scepticisme de la population quant à votre volonté et votre capacité à pouvoir redresser la barque en péril. Laissez-moi préciser pour vous : Vos actions concrètes et efficaces demeurent la voie idéale à emprunter pour conquérir la confiance des citoyens dont vous avez tant besoin pour votre gouvernance.
  10. Vous représentez certes des groupes d’intérêt au sein de ce conseil. Vous recevez incessamment des messages, des appels venant de toute part. Chacun cherche à influencer votre travail ou votre décision en sa faveur. C’est la politique. Cependant, il y a vous et votre conscience. Est-ce que vous allez vous laisser utiliser, marionnettiser par quelqu’un dans l’intérêt de son groupe ou de son pays au détriment de votre pays ? ou à votre propre détriment ? Votre destin et celui du pays sont entre vos mains, il convient de faire des choix. À vous de choisir.

 

 

Saintony FANFAN,

Recteur de l’Université Innovatrice d’Haïti (UNIH)

Professeur d’université

Président de l’Action Universitaire pour la Paix et le Développement (ACUPAD)

saintonyfanfan@yahoo.fr

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