Par Rhodner J. Orisma
La logique de vivre ensemble que prônent les bandits ne marche pas en particulier au centre-ville de Ganthier comme pour la plupart des quartiers de la Zone métropolitaine de Port-au-Prince. Les Ganthiérois du centre-ville préfèrent rester dans la migration forcée à Fond-Parisien que retourner dans le centre-ville pour cohabiter avec des bandits. Ils sont en train d'attendre la fin de ce règne.
En d'autres termes, malgré leur manque de confort social et de structure socioéconomique à Fond-Parisien, les Ganthiérois du centre-ville ne veulent pas faire marche arrière face aux appels incessants de Wilson "Lanmò Sanjou" Joseph et son allié principal Jimmy "Barbecue" Chérizier voulant qu'ils regagnent chez eux. Mais, il y en a qui retournent au centre-ville. "Ceux qui y retournent, ce ne sont pas de vrais natifs du centre-ville, a-t-on appris. Ils ne sont que des nouveaux venus qui habitent toujours en périphérie, comme Nan Bosquet, Cité Forêt des Pins et autres."
La philosophie du groupe "Vivre-Ensemble" est comprise comme un genre de révolte d'un ensemble d'individus qui se sentent victimes de l'inégalité sociale dans le pays et pour résoudre le problème se livre au banditisme socioéconomique. Cette stratégie de lutte est vue d'une manière inappropriée puisque les bandits utilisent tout genre d'activités criminelles comme kidnapper ou tuer des gens, violer des femmes, vandaliser ou piller les maisons, voire les détruire, etc.
La logique de Vivre-Ensemble se réfère donc ici au retour des déplacés à venir cohabiter avec eux dans les zones qu'ils ont prises d'assaut illégalement et violemment en vue de construire une nouvelle communauté composée des gens de bien et de délinquants. Sont-ils en train de lancer une pseudo révolution ou d'ironiser les déplacés?
Dans le cas de Ganthier, la situation a pris une nouvelle tournure depuis le 21 juillet 2024. Ce jour-là aux environs de 2h00 du matin, les bandits ont réussi leur dernier assaut sur le centre-ville en plein sommeil. Cette escalade a fait plus de 10,000 déplacés du centre-ville vers les sections communales les moins ciblées de ladite commune et les communes avoisinantes de Fonds-Verrettes jusqu'à Anse-à-Pitre en passant par Thiotte et Belle-Anse. Il y en a qui par la suite se sont relocalisés dans la Zone métropolitaine de Port-au-Prince, laquelle se trouve à 90% sous le contrôle des gangs et compte déjà 1.4 million de déplacés.
Cependant, Fond-Parisien a dans le plus profond respect mutuel et fraternel accueilli à lui seul plus de la moitié des réfugiés du centre-ville de Ganthier estimés au moins à 20% de la population totale de la Commune qui est de 56,000 habitants (IHSI, 2009). Avec une brigade organisée, Fond-Parisien en soi n'a pas cédé à plusieurs tentatives de Baz 400 Mawozo qui entend étendre son invasion vers l'Est de la commune jusqu'à la frontière Jimani-Malpasse.
Depuis plus d'un an, les bandits de Baz Mawozo occupent totalement le centre-ville de Ganthier et habitent dans des résidences privées pendant qu'ils ont mis à sac et endommagé plusieurs autres. Non entretenu comme bien d'autres endroits sous leur occupation, tout le centre-ville de Ganthier devient presque une brousse sauvage en évolution, une zone non droit ou perdant tous ses droits propres relevant de l'administration municipale, des institutions sanitaires, éducationnelles, judiciaires et religieuses. Tout est défiguré ou méconnu, à commencer par le Commissariat de la Police Nationale d'Haïti (PNH) étant le symbole des forces de l'ordre de la ville et dont la destruction représente la chute totale du centre-ville.
Comme les résidents, les agents de la PNH avec leur char blindé ont pris la fuite le même soir du 21 juillet précité sans se soucier à la lettre de leur mission "Protéger et Servir." Ayant un avenir gâché dans cette situation, les déplacés ont laissé derrière eux toutes leurs propriétés et activités socioéconomiques pour se retrouver sans occupation presque à Fond-Parisien. La plupart d'entre-eux ne dépendent maintenant que des proches parents et amis à l'étranger. D'autres sont morts de stress, d'indignation ou de privation.
La logique de vivre ensemble prônée par les bandits est dépourvue de tout sens moral ou de toute conscience citoyenne. Quel genre de vivre ensemble que réclame "G9 et Alliés" tendant à réduire la population dans la misère et la pauvreté? Ainsi, la plupart des déplacés n'entendent pas approuver cette logique qui ne prévoit pas l'auto-désarmement ou le désarmement public et formel entrepris par les autorités du pays. D'après les déplacés, les bandits ne sont dotés d'aucune idéologie sociale. L'on peut espérer pire avec ces derniers tant qu'ils seront encore armés.
Comprenant en revanche comment cette logique de vivre ensemble pronée par les bandits est en train d'être vécue à partir du centre-ville de Croix-des-Bouquets jusqu'à une partie de la zone communale de Ganthier, l'on se demande jusqu'où ira la résistance des déplacés si l'Etat ne peut pas contrôler la progression de Baz Mawozo.
Le long de la Route Nationale # 8, soit de Croix-des-Bouquets à Bonnette (Ouest centre-ville de Ganthier) précitée, les résidents, les petits marchants et autres qui se trouvent à proximité des postes de perception des bandits s'entretiennent malgré eux avec lesdits bandits. Un choix peut-être du "primum vivere." Cependant, ce qui sous-tend une attitude de complicité forcée, une normalisation de la mixité sociale dans le mal qui pourra traduire un binôme bandit-peuple, peuple-bandit.
Ainsi, l'on est en train d'apercevoir que les premières grandes victimes vont demeurer les chauffeurs et les commerçants ou tous les usagers externes fréquentant le tronçon Croix-des-Bouquets/Malpasse-Ganthier et qui sont exigés de payer au moins 2000 gourdes par véhicule en dépit de la baisse du taux de kidnapping dans la zone. Et ceci, les chauffeurs doivent payer à chaque poste de péage qui est au nombre de 5 (cinq). Cette pratique contribue à la hausse des prix des produits alimentaires qui transitent à travers cette zone de conflits.
Dans ces perceptions illégales, il y a une double injustice. La perception en soi est injuste ainsi que celles qui ont fait l'objet de surcharge exorbitant et qui alarment les chauffeurs de transport de marchandises.
Certains chauffeurs ont dû parfois annuler des voyages si "l'argent pour payer les bandits" n'est pas complet. Ils sont parfois obligés de passer des nuits en dehors de leur localité quand ils ne peuvent pas payer ces frais routiers pour rentrer chez eux. "Du courage à toutes et tous les ganthiéroises et ganthiérois qui se sentent victimes de cette situation d'invasion. Tout n'est que temporaire," espère un natif de Fond-Parisien.
Ganthier ne peut pas demeurer un territoire perdu. Elle fait partie des quatre grandes communes de la zone frontalière et elle est l'une des plus importantes. L'Etat doit la récupérer pour faciliter l'installation d'un maire compétent en vue d'une politique urbaine accélérée comparable à celle de sa voisine Jimani et pour entretenir de meilleurs échanges commerciaux et touristiques. Il n'y aura pas d'économie moderne si la ville n'est pas dotée de nouvelles infrastructures et politiques de logement modernes.
Rhodner J. Orisma
