Les habitants du « Haut Nord-est » ou les oubliés de la République d’Haïti: plaidoyer de l’Université Innovatrice d’Haïti pour un autre regard de l’Etat central sur cette partie importante du territoire haïtien

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Le développement de tout pays doit s’inscrire dans une vision globale du territoire en vue de créer le bien-être collectif et d’aboutir à un développement harmonieux et équilibré de l’espace. Chaque partie du territoire qui est délaissée constitue une forme d’exclusion et de marginalisation de ceux et celles qui l’habitent. Depuis des lustres, le milieu rural haïtien est délaissé. Les ruraux sont souvent victimes de préjugés, de stigmatisation, de rejets. Leurs conditions de vie font d’eux des êtres très vulnérables. Ils vivent dans la grande précarité. Dans leur milieu de vie, ils sont généralement privés de l’eau potable, d’électricité. Ils n’ont pas accès aux soins de santé, à l’éducation, aux loisirs. Ils sont en grande partie dans l’insécurité alimentaire.

Dans le cadre d’une tournée dénommée : « Tournée de motivation, d’orientation et d’espérance pour de nouveaux citoyens », réalisée par l’Université Innovatrice d’Haïti (UNIH), du 13 mai au 17 juin 2024, destinée aux élèves de la classe de philo, dans les quatorze communes du département du Nord-est, nous avons eu l’opportunité d’explorer, de constater la grande disparité existant entre les communes du haut nord-est et celles du bas nord-est. En laissant les perches pour se rendre à Vallières, une partie de la route est rocailleuse, des trous par-ci par-là rendent fragiles et difficiles la circulation en véhicule. Beaucoup de montagnes et de pentes raides à parcourir. Des rivières à traverser. De Vallières à Mont-Organisé, en passant par Mombin Crochu, Bois de Lowens, Carice, la situation est la même. Enorme problème d’infrastructure routière. Dans cette liste, nous ne pouvons pas oublier la commune de Sainte Suzanne.

Peut-on garder éternellement cette partie du territoire haïtien dans l’exclusion ? La marginalisation ? Pour combien de temps encore, une femme enceinte de Bois de Lowens pourrait perdre sa vie, parce qu’il n’y a pas de route pour la conduire à l’hôpital en cas d’urgence ? Pour combien de temps encore, les pauvres cultivateurs de ces communes vont continuer à perdre leurs récoltes, parce qu’il n’y a pas de route pour leur commercialisation ? Pour combien de temps encore, les habitants de ces communes précitées, vont continuer à patauger dans la misère ?

Le milieu rural haïtien est le premier à subir les conséquences de la centralisation des pouvoirs et des ressources dans les grandes villes haïtiennes, notamment au niveau de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince. Lorsque ces communes restent et demeurent enclavées pendant si longtemps, les habitants qui les habitent sont dépourvus de tout, et sont souvent contraints de les laisser pour les grandes villes. Cela entraine un déplacement continu et non contrôlé de la population sur le territoire. En conséquence, le milieu rural se voit amputer de ces ressources humaines qualifiées et compétentes au profit des villes. Les activités principales qui y sont pratiquées, telles que la pêche, l’agriculture, l’élevage, diminuent considérablement par manque de bras et d’intérêts.

Dans ces communes, on explore, on apprend. Les potentialités sont bien réelles, mais non exploitées. Des terres, dans certains espaces, sont mises en valeur au détriment de certaines composantes environnementales importantes. Production de charbons de bois parmi des moyens de survie. Les types d’habitat, le délabrement des routes, le manque de circulation des biens et des personnes, montrent au clair que ces zones sont absolument isolées, marginalisées. Dans une perspective de développement intégral et durable d’Haïti, l’Etat doit urgemment définir une politique de développement visant l’intégration de toutes les parties du territoire connaissant un retard considérable en matière de développement, notamment les communes du haut nord-est.

Il faut aussi souligner à l’encre forte que le Nord-Est représente l’un des départements d’Haïti les plus négligés en termes de développement d’infrastructure et d’implantation d’équipement. Avec l’installation du parc industriel de caracole, la zone franche CODEVI à Ouanaminthe, le marché frontalier à Dajabòn, le Nord-Est attire beaucoup de personnes venant des autres départements. Pourtant, les communes sont toujours dépourvues d’infrastructures et des services sociaux de base. La population augmente. La demande en logement s’explose. On constate avec beaucoup d’inquiétude la réduction de plus en plus des espaces cultivables dans certaines communes. Des bidonvilles se multiplient. La promiscuité sociale saute aux yeux. La laideur s’installe. Le taux de délinquance et de violence augmente dans certaines communes. Le grand malheur nous guette chaque jour. Il est désormais à nos portes.

Au regard de ce qui précède, partant d’une approche inclusive et holistique, en accordant la priorité à l’humain en termes d’accès à un minimum de bien-être, l’Etat doit en toute urgence agir en vue de :

  1. Doter l’ensemble des communes du département du Nord-est d’infrastructure routière nécessaire devant faciliter la circulation des personnes et des biens ;
  2. Rendre accessible les services sociaux de base (eau, électricité…) ;
  3. Aménager des espaces destinés aux loisirs
  4. Aménager et réaménager des infrastructures sanitaires et scolaires
  5. Jeter des ponts sur des rivières ayant causé souvent des dégâts entrainant la perte en vie humaine ;
  6. Créer des pôles de développement ;
  7. Faciliter le développement du département du Nord-est en fonction des vocations et des potentialités des espaces le constituant.

 

Saintony FANFAN, Doct.

Recteur de l’UNIH

Professeur d’université

Président de l’Action Universitaire pour

 la Paix et le Développement (ACUPAD)

saintonyfanfan@yahoo.fr 

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