Contexte
Considérant la saga électorale perturbant la bonne marche de la société Ayitienne, je juge opportun, en tant que membre du Conseil Exécutif (CE) de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH) de dénoncer une dérive institutionnelle qui mérite correction avant qu’elle se dégénère et cela pour sauvegarder l’image de l’UEH dans la gestion de l’enseignement supérieur public. Il s’agit du processus de renouvellement du CE composé actuellement du Recteur et des deux Vice-recteurs aux affaires académiques et à la recherche, respectivement les professeurs, Fritz Deshommes, Jean Poincy et Jacques Blaise.
Entaché de vices et appuyé par une majorité irrégulière consentante, traiter du cas à l’interne par souci de discrétion institutionnelle risque d’entériner le désordre au détriment de l’UEH. Ma grande inquiétude est l’impact de l’abus de confiance sur la bonne marche institutionnelle de l’UEH perpétré par la Commission Électorale Centrale (CEC) jouissant de l’indépendance absolue pour remplir sa mission selon l’article 2 de la Charte Electorale qui précise «…d’organiser périodiquement les élections au niveau du Conseil Exécutif de l’Université d’Etat d’Haïti, et de s’assurer de la stricte observance du calendrier électoral dans les différentes entités de l’UEH et des prescrits de la charte électorale lors des élections dans ces entités.»
La dérive institutionnelle
Mis à part son indifférence absolue de s’assurer que les élections se tiennent régulièrement dans les entités pour entériner une dérive conditionnée et tolérer la présence irrégulière des responsables de certaines entités dont leurs mandats sont arrivés à terme depuis plus de 3 à 4 ans, je m’arrête pour le moment au récent comportement ignominieux du Président de la CEC. Dans sa ferme volonté d’organiser les élections en vue de respecter l’échéance du mandat du CE le 14 août 2024, a soudainement démissionné de son poste afin de participer aux élections que la CEC, sous sa présidence, tient à organiser dans n’importe quelle condition. Il est évident que sa supposée rectitude relative au respect de l’échéance électorale, malgré toutes les brèches institutionnelles susmentionnées provoquées sciemment par la CEC pour arriver à l’état d’entropie actuelle fragilisant la gouvernance de l’UEH. Tout n’était qu’un stratagème pour la prise du pouvoir au CE. En effet, il a tout orchestré en portant la CEC à délibérément tromper le CU pour approuver le calendrier électoral qu’il a signé lui-même juste avant sa démission et sa déclaration de candidature au poste de CE.
La démarche viciée du processus
Toutefois, démontrer la velléité d’organiser les élections pour renouveler le CE est une démarche juste que personne ne peut reprocher, même sans s’assurer que les élections se tiennent régulièrement dans les entités, vérifier que le mandat de tous les membres actuels du CU soit à jour ni constater que le corps des étudiants, dont l’absence aujourd’hui est de 7 étudiants sur 11 au CU, soit représenté valablement afin de légitimer le processus électoral. A ce tournant, que faut-il comprendre de la récente et surprenante décision du Président de la CEC de démissionner officiellement de son poste le 26 juin 2024, soit un jour après la publication du calendrier électoral préparé sous ses directives et dûment signé par lui-même comme président en déclarant sa candidature pour participer aux élections du CE ? Le processus d’organisation qu’il a minutieusement préparé au millième avec rectitude pour renouveler l’échéance du mandat de l’actuel CE, soit le 15 août 2024, est sévèrement entaché de suspicions par ses empreintes indélébiles de motivation personnelle.
Jurer de respecter scrupuleusement les prescrits de ladite charte en organisant les élections dans le délai imparti, est très louable et les réaliser dans la durée du mandat des élus de l’UEH aurait fait démarquer celle-ci des autres institutions du pays qui s’évertuent dans le refus constant de renouveler leurs élus à la date prévue sans casses. Toutefois, l’accoucher aux forceps, au mépris des prescrits de ladite charte pour construire la machine électorale et formater le processus pour sa propre candidature aux élections est pire que ce que font les autres institutions du pays qui le détruisent soigneusement par des procédures douteuses et cryptées.
Le manque de probité dans les démarches
En effet, au dernier paragraphe de l’article 4, la Charte Electorale stipule: «…si un doyen et/ou un professeur, membres de la CEC sont directement concernés par le processus électoral en cours, ils seront remplacés respectivement par un doyen et/ou un professeur, membres du CUEH non concernés dar le processus.» Toute analyse logique de ce paragraphe permet de comprendre l’insulte infligée à cette noble institution qu’est l’UEH. En s’arrêtant sur « …directement concernés par le processus électoral en cours…», il est évident que tout effort déployé pour réaliser les élections avant la fin du mandat du CE signifie que tout membre qui y participe est concerné jusqu’à l’investiture du nouveau CE.
En ce sens, peut-on dire qu’un membre se sent concerné par le processus seulement après avoir tout mis en marche, puis démissionner tout de suite après la publication du calendrier électoral afin de se porter candidat aux élections qu’il a lui-même préparées ? Quelle sorte d’intimidations obligeant les autres membres de la CEC à laisser trainer leur honneur au point de mettre en doute leur objectivité et neutralité ? Quelle confiance inspirer aux autres candidats désireux de participer aux élections ? Que savent-ils de ce que le chef d’orchestre des élections a symphonisé pour faire pencher les résultats en sa faveur en toute complicité avec les autres membres ? Seul le Président de la CEC, démissionnaire et candidat aux élections organisées pour lui peut décrypter la partition.
En allant vers un autre membre de la phrase : «…ils seront remplacés respectivement par un doyen et/ou un professeur, membres du CUEH non concernés par le processus.», la brûlante question qui titille l’entendement des universitaires est : remplacer par qui ? Tous les membres du Conseil de l’Université (CU) savent que c’est celui-ci qui doit procéder à son remplacement selon l’article 17 de ladite charte, moyennant qu’il soit mis au courant par le concerné soit avant le démarrage, en cours du processus ou avant la finalisation du processus d’organisation des élections, sinon il ne le saurait que le jour de sa démission après avoir tout validé et signé lui-même le calendrier, l’action douteuse de l’actuel Président de la CEC.
Les sanctions préconisées
A quel moment déterminer la qualité d’un non concerné au processus au cours duquel il devrait informer le CU de son intention de se porter candidat ? Sans ambages, c’est le moment avant le démarrage dudit processus. L’exprimer après nécessite qu’on revienne à la case départ, parce que la partition déjà entachée des notes tordues du chef d’orchestre, aussi inaudibles qu’elles puissent être, risque de plonger l’UEH dans la déperdition institutionnelle. Malgré tout, le moment choisi par le Président de la CEC est tardif et dépassé. Tout est totalement badigeonné de ses empreintes indélébiles pour organiser les élections en sa faveur.
Considérant cette situation scandaleuse, dans l’histoire des élections du CE à l’UEH depuis le début des années 2000, et vu que les autres membres n’ont pas su empêcher cette bévue institutionnelle perpétrée par le Président de la CEC qui a sciemment trompé la vigilance institutionnelle du CU, il importe de laver le prestige de l’UEH de cette souillure institutionnelle avilissante. En conséquence, l’acte solennel digne de foi à initier par le CU, instance suprême est de/d’ :
- Dissoudre intégralement la CEC ;
- Exclure la participation de fait du Secrétaire Général de l’UEH ;
- Reconstituer la CEC avec de nouveaux membres ;
- Reprendre le processus électoral selon les mécanismes institutionnels prévus ;
- Interdire au président de participer aux deux prochaines élections du CE.
Jean POINCY
Vice-recteur aux affaires académiques
Université d’État d’Haïti