Les vides et le bruit

Nous vivons dans le bruit. Mais le bruit semble se plaire dans le chaos, le désordre, l’ignorance. Le bruit empêche la réflexion. Les personnes avec un vide intérieur ont besoin du bruit pour vivre, pour exister, comme si leur vide intérieur était peuplé de démons. Le silence devient alors un espace de terreur. Il faut l’éviter à tout prix.

Les rues de nos cités sont assiégées par le bruit. Nous ne parlerons pas de ces milliers d'armes que des dégénérés ont distribuées dans les quartiers populaires. Les motocyclettes. Les avertisseurs intempestifs. Les sirènes de nos chefs comédiens. Les vendeurs de médicaments qui font la publicité pour leurs produits douteux en usant de haut-parleurs. Les génératrices, car il n’y a d’électricité nulle part dans notre Haïti en 2024. Heureusement, on peut avoir recours aux panneaux solaires sinon ce serait l’enfer puissance maximum. Il ne faut pas oublier aussi les églises avec les pasteurs qui agressent tout leur voisinage en installant des amplificateurs sur le toit de leurs temples. L’État sauvage accepte tout. Il faut en profiter.

La nuit, il y a aussi les boites de nuit qui ne se gênent pas pour mettre leurs musiques à fond la caisse. Le plus simple citoyen tard dans la nuit ou tôt le petit matin semble souffrir de surdité à moins qu’il tienne à partager avec son entourage l’émission qu’il tient à écouter. La radio à plein volume. La moindre protestation pour qu’on baisse le son on risque d’être noyé dans une pluie d’injures.

S’il y a une chose qui est certaine, la bêtise, la médiocrité, l’ignorance, la misère, la promiscuité marchent avec le bruit. On connait ces personnes qui parlent haut et fort, à plèn gagann comme on dit dans notre créole, mais qui arrivent à peine à cacher leur nullité, leur vide. Mais ils ont assez d’énergie souvent pour tromper et pour manipuler les foules qui, ignorantes, ont l’habitude de se laisser séduire par le bruit.

Plus les pratiques religieuses tendent vers une saine spiritualité, vers le contact avec le divin, plus ces pratiques font du silence, du calme extérieur et intérieur, des moyens pour s’élever vers les sphères supérieures. Plus ces pratiques sont mercantiles, flattant les bas instincts de la foule, utilisant ses peurs, ses frustrations, ses haines, plus ces pratiques sont bruyantes et frisent l’ubuesque.

Le gouvernement qui voudra remettre notre pays sur les rails aura fort à faire. L’assainissement de l’espace physique devra aller de pair avec l’assainissement de l’espace sonore. Le bruit est économiquement désavantageux si on veut sortir de la sphère d’un informel qui frise le kokoratisme. Des hôtels peinent à retenir une clientèle parce que tout près fonctionne une discothèque sans insonorisation ou un temple avec des fidèles vociférant toute la nuit que le retour de Jésus est pour bientôt.

Dans une communauté moderne, le silence et la paix ne sont pas négociables.

 

Gary Victor

 

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