Haïti doit prendre le chemin des urnes en 2022

Résumé : Haïti est dans un apprentissage démocratique depuis plus de trente ans. Le pays n’arrive toujours pas à faire fonctionner ce système. Il est le pays le plus pauvre du continent et des caraïbes avec plus de 4.4 millions de ses habitants en insécurité alimentaire en 2021. Toujours en 2021, l’économie a connu une inflation à deux chiffres. Le niveau de la sécurité publique ne cesse de dégrader. En 2022, les trois pouvoirs de l'État sont dysfonctionnels. La démocratie est en coma. La décentralisation est menacée. Nous plaidons pour l’organisation des élections en Haïti en 2022.    

Contexte

Haïti est l’un des pays les plus pauvres du monde[1] (Banque mondiale, 2021). Il est aussi le pays le plus pauvre de l’Amérique latine et les Caraïbes, a-t-il poursuivi. Selon le rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) publié par le Bureau du Rapport sur le développement humain (BRDH), Haïti occupe le 170e rang parmi les 189 pays et territoires en 2019. Toujours selon ce rapport, la valeur de l’Indice de développement humain (IDH) [2] pour Haïti pour l’année 2020 est 0.510 (rapport sur le développement humain, 2020). Nous devons attendre la fin du deuxième trimestre de 2022 pour avoir le rapport sur l’indice de développement humain 2021.

Au début de 2021, dans son rapport à l’ONU le 11 février, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres a déclaré : « Selon l’aperçu des besoins humanitaires en Haïti pour 2021 qui doit paraître en mars 2021, 4,4 millions de personnes nécessiteront une aide humanitaire au cours de l’année. Pour répondre à ces besoins, le plan de réponse humanitaire 2021-2022, qui doit être lancé début mars, ciblera 1,5 million de personnes parmi les plus vulnérables dans 65 des 146 communes ».

À ceux-là, s’ajoutent, des dommages, des pertes et des besoins suite au séisme du 14 aout 2021 ayant frappé la péninsule sud d’Haïti (Sud, Nippes, Grand Anse). Ce qui fait un bilan humain de 2,246 morts, 12,763 blessés, 329 disparus ; un bilan dans le logement de 83,770 maisons endommagées, 53,815 maisons détruites; ainsi des dommages et pertes d’un montant total s’élevant à 1,620,071,414 de $US (Évaluation des dommages, des pertes et des besoins post-désastre, 2021) de son acronyme anglais PDNA (Post-Disaster Needs Assessment). Nous avons bouclé l’année 2021 avec, encore, une inflation à deux chiffres et une rareté de produits pétroliers qui devient presqu’une norme.

Le niveau de l’insécurité semble n’a pas jamais été aussi élevé dans le pays. Le nombre de blessés et morts par balles ainsi que les cas d’enlèvement sont augmentés dans le pays particulièrement dans la capitale de Port-au-Prince. Cette machine n’a pas épargné même le Président de la République, Jovenel Moïse a été assassiné dans sa résidence privée dans la nuit du 7 juillet 2021. Plus d’un millier de cas d’enlèvement en 2021. Cette situation d’insécurité a conduit plusieurs dizaines de milliers d’Haïtiens et Haïtiennes à laisser le pays. Malheureusement, plus d’une dizaine de milliers Haïtiennes et Haïtiens ont été renvoyés en Haïti entre septembre et décembre 2021. Du 19 septembre 2021 au 19 octobre 2021, 73% des personnes migrantes expulsées, soit 7915 personnes, ont été renvoyées par les autorités américaines (OIM, 2021). 

Dans la rubrique « Couverture des réunions & communiqués de presse » des Nations Unies publiée le 24 mars 2021, le Conseil de sécurité déclare : « Le Conseil rappelle que la volonté démocratique du peuple haïtien doit être respectée et souligne que des questions essentielles de sécurité, de transparence et de logistique doivent être réglées dans la perspective des processus électoraux à venir. Il réaffirme qu’il faut organiser de toute urgence les élections législatives libres, justes, transparentes et crédibles attendues depuis octobre 2019.  Il demande instamment que soient menés tous les préparatifs nécessaires à la tenue d’une élection présidentielle libre, juste, transparente et crédible en 2021 ». 

Maintenant, nous sommes au début de janvier 2022 avec beaucoup d’incertitude et à tous les niveaux. Cet état d’esprit est le cumul d’un ensemble de faits. En janvier 2020, nous avons vu partir la Chambre des Députés de la cinquantième législature. En janvier 2021, nous avons lu ou appris l’annonce faite de la fin du mandat des 2/3 du Sénat de la République par l’ancien Président de la République. Et, en ce début de janvier 2022, non seulement nous sommes réveillés encore avec un parlement dysfonctionnel depuis 2020, aussi nous réveillons avec une République sans Président. La Cour de cassation, la plus haute instance judiciaire du pays, n’a toujours pas un Président à sa tête à la suite du décès de son ancien Président en juin 2021. Quant aux autorités locales (Maire, CASEC, ASEC, Délégué de ville), même si pour la grande majorité, elles/ils sont des anciens et anciennes élu.e.s, leurs mandats étaient arrivés à terme depuis deux ans.

Nous devons admettre qu’Haïti est très instable depuis après les évènements des 6 – 7 juillet 2018 suivi des mouvements « pays lock », entre autres. De même que plusieurs concitoyens, nous sommes préoccupés par la situation actuelle du pays au niveau surtout pour les aspects : Insécurité, crise alimentaire, la reconstruction de la péninsule  Sud du pays après le séisme du 14 août 2021, pour ne citer que ceux-là. Mais, nous sommes particulièrement préoccupés par le risque d’effondrement du régime démocratique en Haïti. Un fait qui semble préoccupé plus d’un. D’ailleurs, la première semaine de ce mois de janvier 2022 a été grandement marqué par un débat autour de ce sujet tant dans les médias traditionnels (radio, télévision) que sur les réseaux sociaux ainsi qu’en petit groupe et cercle. Même si le débat a été porté à la surface sur la fin du mandat du 1/3 restant du Sénat de la République, au fond, il concerne les risques que court la démocratie, à notre avis.

Comme plusieurs autres pays à travers le monde, Haïti fonctionne sous un régime démocratique. Ce choix a été fait en 1987 selon l’article premier de la constitution de 29 mars 1987 et a été gardé dans la version amendée de ladite constitution en date du 9 mai 2011. L’article premier de la constitution haïtienne de 29 mars 1987 et la version amendée de 9 mai 2011 stipule respectivement : « Art. 1er.- Haïti est une République, indivisible, souveraine, indépendante, coopérative, libre, démocratique et sociale. » ; et « Art. 1er.- Haïti est une République, indivisible, souveraine, indépendante, libre, démocratique et sociale. ».

Si durant la trentaine d’années de la démocratie haïtienne elle a connu des hauts et des bas, elle se trouve actuellement à un carrefour où elle n’a jamais été autant menacée. Ce qui fait que les amants et les défenseurs de la démocratie particulièrement les combattants pour la démocratie en Haïti au niveau national et international doivent se mettent réellement au travail et au combat afin de garder en vie la démocratie haïtienne. Car, elle est plongée dans un profond coma. D’où, nous croyons que le processus de recherche de solutions à la crise pluridimensionnelle et structurelle que connait Haïti et la prise de la voie du développement durable doivent véritablement passer par le rétablissement de l’ordre démocratique dans le pays en prenant le chemin des urnes en 2022.

Méthodologie

Certainement, en écoutant les médias traditionnels et suivant les réseaux sociaux, les nouvelles sur les cas d’enlèvement, le nombre de morts et/ou blessés par balles dans la capitale du pays en particulier à la sortie et la rentrée sud de Port-au-Prince et en plaine vous vous posez plusieurs questions sur l’organisation des prochaines élections en Haïti, telles que : Pourquoi Haïti doit-il prendre le chemin des urnes en 2022 ? Comment Haïti pourra-t-il prendre le chemin des urnes en 2022 avec le niveau d’insécurité actuelle dans le département de l’Ouest et le niveau de l’insécurité alimentaire « Moun yo nan grangou » ? Ou peut-être, vous dites rien que parler d’élections en Haïti, cela fait monter le niveau de l’insécurité dans le pays. Ou vous dites que le peuple haïtien n’est pas assez éduqué ou instruit pour le régime démocratique. C’est bien de se questionner.

Quant à nous, plusieurs raisons nous poussent à prendre la position d’inviter le peuple haïtien [3] à prendre le chemin des urnes en 2022 avec l’appui financier, technique et matériel des pays amis d’Haïti. La réflexion que nous vous présentons est le fruit de nos expériences dans des structures fonctionnant selon le régime démocratique ; le fruit des débats entre ami.e.s et collègues, des émissions écoutées à la radio ; enfin, des documents et des articles lus (données secondaires).

En fait, nous allons partager avec vous trois raisons que nous priorisons pour lesquelles Haïti doit prendre le chemin des urnes en 2022. Ensuite, nous comptons vous partager le pourquoi de nos choix. Enfin, nous adressons des recommandations à l’endroit des acteurs et des secteurs.  Voici donc, les trois raisons : le choix du système politique fait par Haïti depuis le 29 mars 1987 ; la nécessité de consolider la décentralisation ; la crise actuelle que connait Haïti : alimentaire et sécurité.  

Le choix du système démocratique comme première raison

D’abord, le choix du système démocratique comme raison pour que Haïti prenne le chemin des urnes en 2022. Selon l’histoire récente du pays, l’adoption du système démocratique par Haïti est le fruit d’un long combat de plusieurs couches sociales en Haïti et soutenu par des pays amis d’Haïti. Beaucoup de pertes en vie humaine et des dégâts matériels ont été enregistrés pour ce changement de régime politique. Ces efforts n’ont pas été consentis en vain. Car, ils ont accouché le nouveau régime politique, celui démocratique. Une victoire que nous devons consolider par notre engagement et notre implication. Donc, nous devons continuer à nous battre pour le garder.

Surtout, dans les rappels de la Déclaration universelle sur la démocratie adoptée par le Conseil interparlementaire lors de sa 161e session (Le Caire, 16 septembre 1997), nous pouvons lire : « Rappelant en outre la Déclaration sur les critères pour des élections libres et régulières qu'il a adoptée en mars 1994 et par laquelle il a confirmé que, dans tout État, l'autorité des pouvoirs publics ne peut être fondée que sur la volonté du peuple exprimée à la faveur d'élections sincères, libres et régulières ». Sans vouloir questionner l’autorité des pouvoirs publics actuels, nous savons toutes et tous que les trois pouvoirs de l’État sont dysfonctionnels et que les institutions républicaines sont presqu’inexistantes dans le pays.

Depuis environ six mois, nous avons un pouvoir exécutif avec une seule tête. Une situation qui n’est pas prévue par la constitution haïtienne en vigueur pour tout ce temps. Le pouvoir législatif est amputé d’un membre, la Chambre des Députés, depuis le 2e lundi de janvier 2020. Le Sénat de la République qui siège en permanence a besoin de ses 2/3 pour être fonctionnel. Pourtant, depuis le deuxième lundi de janvier 2021, un an déjà, il a été réduit à 1/3. Qui pis est, si pour des Sénateurs encore en fonction à la première semaine de janvier 2022 leur mandat prend fin en 2023, d’autres opinions font croire qu’ils doivent partir le deuxième lundi de janvier 2022. Des discussions qui sont ouvertes depuis le dernier trimestre 2021 sur la fin possible du mandat du 1/3 restant du Sénat de la République. De l’autre côté, le Pouvoir judiciaire passe la majorité du temps dysfonctionnel avec des grèves à répétition et est décrié par la population. « L’ensemble des trois (3) pouvoirs constitue le fondement essentiel de l’organisation de l’État qui est civil. » (Article 59.1, Constitution 1987 amendée le 9 mai 2011).

Toujours dans la Déclaration universelle sur la démocratie adoptée par le Conseil interparlementaire lors de sa 161e session (Le Caire, 16 septembre 1997) particulièrement dans les éléments et l'exercice d'un gouvernement démocratique nous pouvons lire au « point 9 » et au « point 11 » respectivement : « 9. La démocratie repose sur l'existence d'institutions judicieusement structurées et qui fonctionnent ainsi que d'un corps de normes et de règles, et sur la volonté de la société tout entière, pleinement consciente de ses droits et responsabilités. » ; et « 11. Fondée sur le droit de chacun de participer à la gestion des affaires publiques, la démocratie implique l'existence d'institutions représentatives à tous les niveaux et notamment d'un Parlement, représentatif de toutes les composantes de la société et doté des pouvoirs ainsi que des moyens requis pour exprimer la volonté du peuple en légiférant et en contrôlant l'action du gouvernement. »

Le pays assiste au dysfonctionnement et à la disparition de ses institutions Républicaines. Les citoyens ne savent à quel Saint se vouer. Si Haïti veut continuer de fonctionner sur le régime politique en vigueur, à savoir la démocratie, il doit organiser des élections générales en 2022 pour le renouvellement de ces institutions constituant « les trois roches du feu » de sa démocratie. Également, Haïti doit s’assurer de la proximité entre les autorités de l’État et les citoyens. Un chemin qui est tracé par la constitution de 1987 et sa version amendée sur la décentralisation. D’où, la transition entre notre première raison et notre deuxième raison.

Les collectivités territoriales et la décentralisation comme deuxième raison

Sur le plan administratif, l’Etat d’Haïti est unitaire, mais la République d’Haïti est divisée en collectivités territoriales. Selon la constitution haïtienne de 1987, les collectivités territoriales sont : la section communale, la commune, le département (article 61, constitution de la République d’Haïti). La Commune est une Collectivité territoriale moyenne ayant personnalité morale et dotée de l’autonomie administrative et financière. Son territoire est entièrement subdivisé en Sections communales. (Article 2, Décret portant organisation et fonctionnement de la Collectivité municipale). Quant à la section communale, elle est la plus petite entité territoriale et administrative de la République selon 62 de la constitution d’Haïti de 1987 et sa version amendée le 9 mai 2011. Le Département est une personne morale et autonome (Constitution 1987, art. 77)

« Le système politique haïtien a longtemps été caractérisé à la fois par l’autoritarisme et une forte centralisation des pouvoirs politiques à Port-au-Prince, la Capitale. De même, les pouvoirs administratifs et financiers ont aussi été concentrés à Port-au-Prince. Ce mode d’organisation de l’État a été  toutefois contesté à la chute des Duvalier, en 1986. […]. Les provinces sollicitaient plus de participation à la gestion de la chose publique, et la population, quant à elle, implorait et revendiquait un État de droit et de démocratie ainsi que des changements au niveau de l’économie et de la société en général. [4]»

Les services publics à la population, du développement local et de la démocratie

Les collectivités territoriales ont des attributions magnanimes consistant entre autres à assurer la proximité des pouvoirs de l’Etat et des citoyens, la fourniture des services publics adéquats à la population, le développement local. « Le présent Décret a pour objet de fixer l’organisation et le fonctionnement des Sections communales, conformément à la Constitution et dans la perspective de la fourniture adéquate des services publics à la population, du développement local et de la démocratie participative. » (Décret portant et Fonctionnement de la Section communale, 2006).

Également, lit-on dans l’article intitulé « ELECTIONS LOCALES 2017: VERS LE RENOUVELLEMENT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES » publié le 26 janvier 2017 dans le fil des actualités sur le site web de la MINUSTHA : « Dans les semaines précédant le scrutin, le Conseil Électoral provisoire (CEP) à travers ses Bureaux électoraux départementaux (BED) a organisé plusieurs séances de sensibilisation dans diverses sections communales du pays sous le thème « élections locales égal développement local ». Le but était de faciliter une meilleure compréhension du rôle des élus locaux dans le développement de la section et d’encourager les électeurs à se rendre aux urnes. » [5]

Les dernières élections municipales et les collectivités locales

Les dernières élections générales pour la municipalité en Haïti datent du 25 octobre 2015[6], soit plus de six ans déjà. Également, les dernières élections locales pour élire les autorités locales (CASEC, ASEC et Délégué de ville) ont été organisées le dimanche 29 janvier 2017, soit plus de cinq (5) ans déjà. Pourtant, dans les deux cas, celui des municipalités et des autorités locales (CASEC, ASEC, Délégué de ville), leur mandat est de quatre (4) ans. Ces autorités sont élues au suffrage universel direct et sont indéfiniment rééligible, selon la constitution d’Haïti de 1987 respectivement en ses articles 63 & 68.

Le mauvais traitement des autorités locales par le pouvoir central – le manque de services à la population

Nous sommes à plus de vingt (20) mois depuis que les autorités locales (Maire, CASEC, ASEC, Délégué de ville) se plaignent de leur mauvais traitement par les autorités centrales de l’État. Elles ne reçoivent même leurs salaires, voire d’assistance technique de l’État central. Donc, elles sont dans l’impossibilité, pour répéter certains élus locaux rencontrés dans le Sud après le séisme du 14 aout 2021, de répondre aux besoins des membres de leurs familles, voire de toucher les membres de la population. Pour d’autres, elles ne se sentent pas investir d’autorité ni de pouvoir quand les autorités centrales ne se fichent même pas de leur existence comme autorités locales et représentant de l’État qui vivent le plus près de la masse paysanne et populaire.

En fait, pour pouvoir offrir de meilleurs services à la population haïtienne, surtout les personnes dans les zones les plus reculées du pays, nous plaidons pour qu’Haïti prenne le chemin des urnes en 2022. Dans cette ligne d’idée, nous pensons particulièrement aux personnes victimes de l’ouragan Mathieu du 2016 octobre 2016 dans le Grand Sud ; et la population de la péninsule sud du pays, les départements (Nippes, Sud, Grand’Anse) ayant été victime du séisme du 14 août 2021.

Maintenant, nous allons vous présenter la troisième et la dernière raison pour laquelle, selon nous, Haïti doit prendre le chemin des urnes en 2022. Les besoins d’urgence de la population et la crise de sécurité sont les bases de cette raison.

La crise alimentaire

La crise alimentaire que connait Haïti actuellement ne date pas d’hier. Cependant, elle est aggravée sur les trois dernières années. L’Institut haïtien de statistique et d’informatique (IHSI) a publié le 22 octobre son bulletin mensuel de l’Indice des prix à la consommation (IPC) pour le mois de septembre 2021 faisant état d’une hausse de 13,1 % de l’inflation globale en septembre 2021, comparée au même mois de l’année précédente.

« L’IHSI a dressé la liste des produits qui a le plus influencé l’inflation globale en glissement annuel en septembre 2021. Dans le groupe alimentation, on retrouve le riz avec une progression moyenne de 21,8 %, les viandes (en moyenne 17,1 %), le lait en poudre (20,9 %), l'huile comestible (27,9 %), le citron (24,8 %), la banane (17,6 %), le pois (14,9 %) et le sucre (en moyenne 15,6 %). Dans la rubrique « logement, eau, gaz, électricité et autres combustibles », le gaz propane (21,5 %) et le charbon de bois (17,8 %) sont les produits qui enregistrent les croissances de prix les plus importantes. [7]»

Nous avons besoin des autorités à tous les niveaux de l’État pour répondre à cette urgence. Et pour avoir les autorités à tous les niveaux de l’État, le chemin constitutionnel, ce sont les élections.

L’insécurité galopante

Faire rétablir la sécurité et la paix en Haïti est un grand chantier de l’Etat Haïti. Pour aborder ce chantier, le pays nécessite des femmes et des hommes d’État pour non seulement le lancer, et aussi le suivre. Oui, le suivi. Prenons le niveau actuel de l’insécurité dans des zones et quartiers de la capitale, c’est vraiment une urgence. Mais, cette question est très fragile et pluridimensionnelle. Donc, c’est une situation que l’État haïtien doit aborder avec soin. L’État haïtien ne peut aucunement se permettre d’aborder ce chantier en dehors des principes droits humains, surtout énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, particulièrement : « Toute personne a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité ». Là, la déclaration ne fait mention aux personnes victimes des actes de banditisme à notre avis, elle parle de toute personne sans exception. Donc, nous pensons et croyons que tout pouvoir établi peut attaquer à la criminalité et au banditisme. Toutefois, nous croyons aussi que la réunion des trois pouvoirs de l’État peut mieux permettre d’aborder ces problèmes et d’apporter des solutions plus adaptées, plus durables et qui sont beaucoup en adéquation avec le respect et la dignité de la personne humaine. Une raison de plus pour que Haïti prenne le chemin des urnes en 2022.

À vos questions respectivement : Pourquoi Haïti doit-il prendre le chemin des urnes en 2022 ? Comment Haïti pourra-t-il prendre le chemin des urnes en 2022 avec le niveau d’insécurité actuelle dans le département de l’Ouest et le niveau de l’insécurité alimentaire « Moun yo nan grangou » ? Ou peut-être, vous dites « Rien que parler d’élections en Haïti, cela fait monter le niveau de l’insécurité dans le pays. Encore peut-être, vous dites que le peuple haïtien n’est pas assez éduqué ou instruit pour le régime démocratique. C’est normalement de vous poser ces questions et de faire ces réflexions.

Nous vous avons déjà donné les raisons pour lesquelles Haïti doit prendre le chemin des urnes en 2022 : le choix de régime démocratique ; la consolidation de la décentralisation ; la crise alimentaire et le niveau d’insécurité. Quant à la deuxième question, nous vous disons qu’Haïti compte cent dix-huit (118) circonscriptions électorales en 2021 selon un article de Haïti référence[8]. Voici le nombre de circonscriptions par département selon l’article : Artibonite (15), Centre (11), Grand’Anse (9), Nippes (7), Ouest (21), Nord (14), Nord-est (9), Nord-Ouest (9), Sud (13), Sud-Est (10). Les élections semblent ne pourront pas possibles dans cinq des vingt-et-une circonscriptions de l’Ouest, ce sont :

  1. Première circonscription de Port-au-Prince : Port-au-Prince, zone nord
  2. Deuxième circonscription de Port-au-Prince : Port-au-Prince, zone Est
  3. Troisième circonscription de Port-au-Prince : Port-au-Prince, zone Sud
  4. Huitième circonscription de Port-au-Prince : Cité Soleil
  5. Première circonscription de Croix-des-Bouquets : Croix-des-Bouquets 
  6. Deuxième circonscription de Croix-des-Bouquets : Thomazeau.

Donc, le pourcentage de circonscription dans lesquelles les élections semblent impossibles pour le département de l’Ouest et pour le pays est respectivement 28.57% et 5.08%. Les résidents de ces circonscriptions ont aussi le droit de jouir leur droit de vote. Nous respectons cela. Et, nous sommes d’accord. Cependant, nous prioriserons l’organisation des élections dans les autres circonscriptions en attendant le rétablissement des trois pouvoirs de l’État pour aborder le problème de l’insécurité dans ses zones et organiser les élections de manière tardive.

Quant aux deux autres questions, nous répondons que la démocratie est un processus et une construction. On est toujours dans la phase de la consolidation de la démocratie. Qui aurait cru à l’assaut à la Capitole le 6 janvier 2021 durant le 117e congrès des États-Unis ? Donc, croyons fermement que la démocratie marche de pair avec l’éducation et l’instruction. Mais, nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas organiser les élections ni sous prétexte que cela fait augmentation la tension et l’insécurité, ni le peuple n’a pas le niveau de l’éducation requis pour avoir un régime démocratique. Organisons de préférence les élections et exigeons aux autorités de l’État de repenser le système éducatif haïtien et de faire de l’éducation une priorité depuis dans la loi de finances, le budget de la République.

 

Recommandations

Pour le bien de la démocratie et pour pouvoir offrir des services de qualité et de proximité à la population haïtienne, nous recommandons :

Aux autorités étatiques en Haïti à tous les niveaux, de tout mettre en œuvre pour l’organisation des élections en 2022 en Haïti. Nous n’avons pas une formule magique à vous proposer. Mais, nous savons que vous pouvez si vous voulez.

Aux acteurs politiques qui ne sont pas au pouvoir, aux membres du secteur des affaires (les grands entrepreneurs, la classe possédante), de montrer au peuple haïtien et à tout le monde par vos actions concrètes et visibles, qu’une Haïti stable et prospère est une priorité pour vous.

Aux patrons de médias et aux centres universitaires en Haïti, créer des espaces de formation, d’information et de sensibilisation devant aider à Haïti de prendre le chemin des urnes en 2022.

Aux pays amis d’Haïti, en dehors de toutes actions d’ingérence dans les affaires d’Haïti, mais au nom de l’amitié entre les peuples et les intérêts des États, de mettre en place toute assistance nécessaire (technique, financière, matérielle) pour aider à Haïti de prendre le chemin des urnes en 2022.

 

 

Jean Anthony BAZILE, licencié en sciences du développement, option décentralisation et gestion de projets

 

 

Bibliographie

  1. Banque Mondiale. (2020). Haïti Présentation : Aperçu général. Banque Mondiale. Haïti Présentation (banquemondiale.org)  
  2. Haïti. Constitution d’Haïti. (1987). Le Moniteur
  3.  Haïti (2006). Décret-loi fixant l’organisation et le fonctionnement de la Collectivité municipale, dite Commune ou Municipalité. Haïti : Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales.
  4. Haïti (2006). Décret-loi portant organisation et fonctionnement de la section Communale. Haïti : Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales.
  5. Ministre de la Planification et de la Coopération Externe. (2021). RÉSUMÉ EXÉCUTIF : Évaluation Post-Désastre En Haïti. file:///C:/Users/SjmHaiti/Documents/Compilation%2029%20avril%202020/00.%20TRAVAIL/01.%20PERSO/2018%20travail%20sur%20Saint/Articles%20de%20presse/2022/Seisme-2021-Haiti-PDNA.pdf
  6. OIM. (2021). RAPPORT DE SITUATION : RETOURS DE MIGRANTS ET AIDE À L’ACCUEIL EN HAÏTI - 19 septembre au 19 octobre 2021. N° 1
  7. PNUD. (2020). Le rapport sur l’indice de développement humain (IDH).
  8. Thales F. A., Wisner T. (2015). La question de la décentralisation en Haïti : Contexte historique et perspectives. OFFICE DE MANAGEMENT ET DES RESSOURCES HUMAINES (OMRH). Haïti. http://omrh.gouv.ht/decentralisation
  9. Thomas L. (2021). Près de 50 % des dépenses des ménages haïtiens consacrées à l’alimentation. https://lenouvelliste.com/article/232567/pres-de-50-des-depenses-des-menages-haitiens-consacrees-a-lalimentation
 

[1] Banque mondiale, Aperçu générale sur Haïti

[2] Établi par le Bureau du Rapport sur le développement humain (BRDH) il y a trente-et-un ans pour servir d’indicateur simple du progrès humain, l’IDH évalue l’espérance de vie, le niveau d’éducation et le revenu moyen d’une population.

[3] Parlant du peuple haïtien, nous considérons la diaspora haïtienne comme étant inclue.

[7] Le Nouvelliste, Octobre 2021.

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

2 COMMENTAIRES